Chapitre 47

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Je me suis dirigé vers le corps du monstre, épée en main, et je me suis agenouillé près de lui. Faisant taire ma conscience qui me rappelait que j'avais une espèce de chien en face de moi, j'ai planté ma lame dans le haut de sa cuisse, découpant grossièrement un morceau de chair de presque un kilo. Je savais pertinemment que je n'en mangerai pas plus qu'une bouchée, l'idée d'avaler du chien me révulsait même si celui-ci venait directement des enfers, la plus grosse part serait pour Aria. A peine avais-je pensé à elle que je me retrouvais plaqué au sol par une grosse boule de fourrure blanche, qui s'est empressée de me lécher soigneusement l'intégralité du visage. Ma louve m'avait visiblement senti et avait accouru pour me rejoindre, ces retrouvailles auraient pu être touchantes si elle ne s'était pas soudainement désintéressée de moi pour renifler le morceau de viande reposant sur les galets.

- Pas touche, lui ai-je dit, on ne peut pas faire ça ici ni maintenant, il faut d'abord que je retrouve les autres. Tu sais où elles sont ?

Elle s'est déplacée pour me permettre de relever, j'ai attrapé mon précieux butin au passage et je l'ai suivie tranquillement vers le nord, m'éloignant peu à peu de la plage. Plus loin devant nous, de la fumée était visible derrière une butte, me faisant accélérer le pas. La crainte de voir un nouveau bûcher funéraire me nouait les entrailles, mais en arrivant j'ai pu voir une pile de cadavres en train de brûler. Les chasseresses étaient simplement en train de réunir les corps pour les détruire. Perché sur ma colline, regardant ce spectacle de haut, je n'ai pas vu arriver la première chasseresse qui m'avait repéré. Hélène s'est jeté dans mes bras, me laissant lâcher une fois de plus ma viande avant que je ne retombe au sol.

- On te croyait mort, qu'est-ce que tu faisais ? Imagine-tu seulement à quel point j'étais inquiète en sachant qu'un griffon t'avait emporté et que tu ne revenais pas ?

Elle avait sa tête enfouie dans le creux de mon cou, son souffle chaud me faisant frissonner agréablement. Elle était certainement la plus émotive des chasseresses qui faisaient parti de mon entourage, mais je trouvais ça plutôt mignon. J'ai passé mes mains dans le creux de son dos, laissant le parfum de ses cheveux m'enivrer jusqu'à presque en perdre la raison. Je me suis laissé envahir par la douceur de ce contact, réconfortant et chaleureux, apaisant mon esprit si agité quelques minutes auparavant. J'aurai voulu la garder près de moi comme ça pendant un long moment, mais mon instinct me soufflait que plus je restais dans cette position, plus le risque de prendre un violent coup de patte augmentait. Je l'ai repoussée gentiment, elle s'est relevée en m'adressant un sourire un peu gêné et en me tendant sa main pour m'aider. Je l'ai saisie avec joie, me redressant et voyant Cassiopée s'approcher pendant qu'Hélène posait ses yeux sur le morceau de viande au sol.

- Tu nous aides à amener tous les corps ici pour les brûler ? Pourquoi est-ce que celui-ci est...

Son regard a croisé le mien et elle a compris, ne terminant pas sa phrase. Elle n'a pas insisté et je lui en ai été reconnaissant, l'idée de consommer ce monstre ne me plaisait pas plus qu'à elle. Les choses ont été différentes avec Cassiopée, qui à peine arrivée jusqu'à moi s'est emparée de mon repas.

- Allez, au feu ! s'est-elle exclamée sans même m'accorder un regard.

- Cassiopée, rends moi ça, lui ai-je dit calmement.

Elle s'est tournée vers moi, plantant dans mes yeux les siens remplis de froideur. Pour une fille qui avait du feu dans les veines, elle pouvait également se montrer particulièrement glaciale quand elle le voulait.

- Tous les corps doivent être brûlés, m'a-t-elle répondu, ce sont les ordres. Si tu n'es pas d'accord tant pis pour toi.

Le visage d'un Apollon moqueur est apparu dans mon esprit, me répétant une simple phrase. Ne laisse pas les chasseresses prendre ce qui t'attire. Il avait glissé cette phrase dans notre conversation comme un conseil, mais il semblait évident qu'il avait prédit cette situation. Il m'avait dit que j'étais dans mon droit, renforçant ma confiance en moi et me faisant légèrement durcir le ton, un léger agacement pointant dans ma voix.

Disciples D'Artémis Livre 1 : Le Premier ChasseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant