Chapitre 11

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La première chose que j'ai pu voir, c'était le bras démesuré qui a écarté les dernières branches qui séparaient le monstre de la clairière. Un énorme bras tout en muscles avec des veines parfaitement visibles, une peau lisse et sans défaut. La bête est sortie de l'ombre d'un pas lourd, se dévoilant sous la lumière de la lune. Ma première pensée en le voyant en entier fut certainement la plus stupide que j'ai eu de toute ma vie, à savoir : "ce n'est pas un chien des enfers". Effectivement, si l'on partait du principe que cette créature avait un bras pour écarter des branches on pouvait déjà éliminer l'hypothèse que ce soit un chien, mais mon cerveau avait visiblement besoin de plus de preuves. Cette bête là marchait sur deux jambes, enfin si on pouvait appeler ça des jambes. 

Ça ressemblait plus à un amas de poils sombres et sales, et l'odeur qui imprégnait l'air provenait sûrement d'elles. A la place de ses pieds il y avait des sabots fendus dont l'entretien laissait encore plus à désirer. Je vais éviter d'aller trop loin dans les détails, le haut-le-cœur que j'ai eu à la vue de la partie inférieure de son corps en disait déjà bien assez long. Si je remontais plus haut dans son apparence, il portait un simple pagne qui cachait ses attributs, fait en peau de bête, et à partir du torse il n'y avait plus qu'une seule chose : du muscle. Des abdominaux et des pectoraux énormes, des biceps saillants, une peau rose tellement tendue que j'avais l'impression qu'elle allait se déchirer au moindre de ses mouvements. Il avait aussi un cou large et... une tête de vache. Techniquement il s'agissait d'un taureau, mais quand je l'ai vue j'ai d'abord pensé à une vache. 

C'était un minotaure qui devait faire plus de deux mètres de haut. Il ne ressemblait en rien à ceux de mon rêve, il n'avait ni arme ni armure mais j'ai préféré ne pas le juger moins dangereux. Après tout, j'avais déjà failli me faire tuer par une poutre immobile donc un monstre enragé avait toutes ses chances contre moi. A une vitesse qui m'a étonné moi-même, j'ai encoché une flèche et j'ai tiré, visant l'œil gauche du monstre dans l'espoir de l'aveugler pour le rendre moins dangereux. Mes talents d'archer n'ayant pas miraculeusement augmenté pendant la journée, ma flèche a fini dans l'obscurité des bois à quelques mètres du minotaure. Ce dernier ne m'a pas laissé le temps de me plaindre, il m'a immédiatement chargé la tête vers le bas avec une rapidité stupéfiante pour un animal de sa taille. 

Sa vitesse m'a tellement surpris que j'ai failli me faire embrocher par ses cornes, j'ai juste eu le temps de pousser Aria hors de la trajectoire du monstre avec mon pied avant de faire une roulade sur le côté, mais l'une des cornes a arraché ma ceinture. Une sensation de chaleur a envahit mon abdomen pendant que mon épée était emportée au loin. Le minotaure a continué sa course jusqu'à rentrer dans un arbre, l'impact faisant trembler la forêt entière et déracinant à moitié le pauvre conifère. De toute évidence la bête avait autant de mal que moi pour s'arrêter une fois qu'elle s'était élancée, ça aurait pu me rassurer mais mon corps tremblait. Je ne savais pas quoi faire. J'étais seul, avec en ma possession une arme dont je ne savais pas me servir et en plus je devais protéger Aria. J'avais peur et je sentais la panique monter à chaque nouvelle inspiration, j'allais mourir ici sans personne pour me voir et on ne retrouverait sûrement qu'un corps sanguinolent méconnaissable. 

J'ai saisi fébrilement une flèche dans mon carquois et j'ai tiré avant que le monstre ne se retourne. La précision était déjà meilleure mais j'ai atteint sa corne, et la pointe a ricoché dessus sans lui faire le moindre dommage. Le minotaure s'est redressé de toute sa hauteur en se tournant vers moi, écartant ses bras démesurés de chaque côté de son corps dans une posture imposante. S'il m'attrapait c'était fini, j'étais bien conscient qu'une seule claque de cette bête me briserait les os. J'étais tétanisé devant le regard de la créature, je n'avais qu'une envie : fuir. Le minotaure s'est élancé une nouvelle fois, mais ce n'était plus moi qu'il chargeait. Mon cœur a failli s'arrêter quand j'ai vu qu'il se ruait sur Aria qui était encore au sol, gémissant faiblement.

Disciples D'Artémis Livre 1 : Le Premier ChasseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant