Chapitre 45

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Ce n'était pas un requin. Ce n'était pas non plus un animal que j'aurai pu rencontrer lors de ma vie humaine. En face de moi se trouvait un énorme dauphin devant mesurer plus de dix mètres de long. Sa taille était choquante, mais sa couleur l'était aussi. Entièrement noir, éclairé par les quelques rayons de soleils réussissant à arriver à cette profondeur, il devait être totalement invisible dans les abysses. Ma peur avait disparue, remplacée par l'adrénaline d'un potentiel combat. Cette créature appartenait à mon nouveau monde, ce qui faisait d'elle soit un monstre, soit un allié. Compte tenu du fait qu'il ne m'avait pas attaqué par surprise et qu'il avait fait fuir le requin, je penchais pour la deuxième option.

J'ai abaissé mon épée et la bête l'a vu comme un signe de confiance, elle s'est approchée doucement de moi et a posé le bout de son gigantesque rostre sur mon torse. Un courant brûlant a traversé mon corps, semblant d'attarder dans ma cuisse et mon épaule blessée. J'ai d'abord cru à une attaque mais il s'est très vite retiré, me laissant le loisir de constater les conséquences de son acte. Mes blessures étaient guéries, j'avais récupéré ma peau lisse sur mes membres, plus aucune trace de chair difforme et sanguinolente. En une seconde, ce dauphin venait de me soigner encore mieux que ce que l'ambroisie des chasseresses avait pu faire en l'espace d'une heure.

- Merci, lui ai-je dit.

Enfin, c'est ce que je lui aurai dit si je n'avais pas été dans l'océan. J'ai avalé de l'eau, perdant le peu d'air qu'il me restait dans les poumons, et je me suis empressé de rejoindre la surface avant de suffoquer. Au moment où ma tête sortait enfin, bouche grande ouverte pour respirer un bon coup, une vague m'a heurté le visage, me faisant me noyer un peu plus. Je me suis mis à tousser et à cracher, l'eau salée me brûlant la gorge, pestant contre ma propre bêtise. Je mourrai de soif, mes forces diminuaient petit à petit, et je commençais à douter de ma capacité à rejoindre la plage en un seul morceau. A côté de moi, le dauphin a également sorti sa tête, ancrant son regard dans le mien.

- Merci, ai-je répété en faisant bien attention à ne pas avaler d'eau cette fois-ci.

Il m'a répondu par des bruits de dauphin tout à fait classique, à savoir des cliquetis que je n'ai pas su traduire. Malgré tous mes nouveaux pouvoirs, je ne possédais pas celui de comprendre les animaux. Cependant, étant désormais certain qu'il s'agissait d'un animal mythologique, il devait nécessairement être intelligent. J'ai vu en lui l'aide providentielle dont j'avais justement besoin à cet instant.

- Tu pourrais me raccompagner jusqu'à la plage ? lui ai-je demandé.

Il a émis d'autres cliquetis avant de poser son rostre sur mon torse, puis de l'enfoncer dans l'eau. De toute évidence, il ne m'avait pas compris.

- Non, pas dans l'eau, ai-je dit, me sentant m'essouffler. Jusqu'au rivage. J'aimerai sortir de l'eau.

Il a répété les même gestes, puis les a refait encore une fois. Il ne voulait pas me raccompagner jusqu'aux chasseresses, il avait autre chose en tête. Je lui ai trouvé un étrange point commun avec Aria, peut-être était-ce le fait qu'ils soient aussi bornés l'un que l'autre. Mais tout comme ma louve, cet animal devait avoir ses raisons pour agir ainsi.

- Tu veux m'emmener quelque part ?

Il a acquiescé de son énorme tête, m'envoyant deux grosses vagues en pleine figure et faisant pénétrer encore un peu plus d'eau dans mon nez. Il s'est ensuite mis de côté, me présentant une nageoire dorsale au moins aussi grande que moi.

- Je suis censé m'accrocher ? lui ai-je demandé.

Il a tourné sa tête vers moi, me lançant un regard très peu rassurant. Une voix a retenti dans ma tête, rauque et caverneuse, sans aucun doute la sienne. Tiens toi bien si tu souhaites rester en vie. J'ai déglutit péniblement, sentant une boule se former dans mon estomac. Si je n'acceptais pas, il me laisserait sûrement seul au milieu de cet océan et je serai à la merci du prochain requin qui passerait. J'ai remis mon épée à ma ceinture avant de nager jusqu'à lui, posant mes pieds sur son dos et enlaçant sa nageoire en essayant d'y trouver une prise. La texture était visqueuse et glissante, j'avais déjà du mal à m'y accrocher alors qu'il se tenait immobile, je craignais de découvrir ce que ça allait être lorsqu'il allait plonger.

Disciples D'Artémis Livre 1 : Le Premier ChasseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant