Chapitre 38

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Suivre ces loups était une toute autre expérience que de courir derrière les chasseresses, et je me n'ai pas pu m'empêcher de sourire quand je les ai rejoints pour m'adapter à leur vitesse. La vitesse était de loin supérieure à celle de mon dernier voyage, je n'étais toujours pas à mon maximum mais je ne sentais plus bridé comme j'avais pu l'être. Je pouvais laisser libre cours à mes pulsions, ralentissant un peu pour les laisser prendre de l'avance et ensuite accélérer pour les rattraper. Je sentais le vent fouetter violemment mon visage à chaque foulée sans pour autant avoir besoin de plisser les yeux, je continuais à distinguer nettement tous les paysages que je traversais. A travers les plaines, les forêts, et même parfois les villes, je continuais de suivre le groupe de loups. Notre vitesse était tellement élevée que les quelques rares personnes déjà levées n'avaient pas le temps de nous apercevoir, et se sentir comme invisible était un sentiment grisant.

Au bout d'une trentaine de minutes, quatre loups ont accéléré et se se sont dispersés pour emprunter des itinéraires différents, laissant Tesaryo et un autre à l'arrière. J'ai jeté un coup d'oeil à Aria à côté de moi, elle ne semblait pas fatiguée du tout mais n'avait pas l'air de pouvoir aller vraiment plus vite. Elle a tourné la tête vers moi, devinant mes pensées, et un sourire encore plus grand est apparu sur mon visage quand sa phrase a résonné dans ma tête.

Allez, comme si c'était possible que je te retiennes. Je reste avec eux.

Malgré ce que m'avait dit Alicia, j'ai pressé l'allure et je me suis mis à suivre un des loups qui était parti devant. J'ai mis de longues secondes à le rattraper, manquant de me perdre faute d'une quelconque trace à suivre, mais j'ai fini par le retrouver. La vitesse était encore plus grande qu'avant, mais le rythme avait totalement changé. Comme me l'avait dit la lieutenante, Tesaryo était le seul à courir en suivant un rythme fluide, en suivant ce loup j'ai dû fournir de gros efforts pour respecter sa course saccadée. Je comprenais pourquoi ils étaient plusieurs à jouer le rôle d'éclaireur, pour trouver le chemin le plus praticable ce loup faisait sans cesse des écarts, des demi-tours, et ses changements de direction étaient brusques. En le suivant, nous avons croisé plusieurs fois un autre loup que la course effrénée avait amenée jusqu'à notre parcours.

Au final, cette vitesse ainsi que ces mouvements ont eu raison de ma vision. Je n'arrivais plus à distinguer correctement les paysages autour de moi, tout est devenu flou, mais je savais que je n'avais pas d'autres choix que de rester avec lui désormais, Tesaryo pouvait être n'importe où derrière et j'avais de grandes chances de me perdre si je m'arrêtais maintenant. Perdu dans mes pensées, n'étant plus du tout concentré sur les faibles nuances de couleur que je distinguais encore, j'ai fini par me prendre une branche en pleine tête en suivant un virage de mon guide. Sous la violence du choc, le pauvre morceau d'arbre a explosé dans un craquement retentissant, un peu comme mon nez.

Il n'a pas ralenti pour autant, ne pouvant se permettre de perdre du temps compte tenu de son rôle. Une fois de plus, je me suis retrouvé le visage et le haut du corps couvert de sang, un flot de liquide rougeâtre s'échappant de mon nez à chaque nouveau mouvement. Je commençais à paniquer, me demandant si j'allais tenir le rythme dans cet état, quand le loup a commencé à ralentir. Nous sortions de la forêt, et je voyais désormais en face de moi un énorme pan de montage. Les trois autres loups sont arrivés presque en même temps, visiblement l'ascension des Alpes commencerait ici. Je me suis arrêté, plus à cause de ma vision qui se troublait même à l'arrêt qu'à cause de l'interdiction de la lieutenante de franchir les montagnes sans elle.

J'ai laissé les loups repartir sans moi, m'adossant contre la roche et essayant de contrôler le saignement continu de mon nez. J'en ai profité pour me poser des questions sur ces loups, Alicia m'avait parlé de cinq éclaireurs mais pourtant l'un d'entre eux était resté en arrière avec Tesaryo. Par pur hypothèse, j'en ai déduis que ces loups devaient se repérer à l'odeur, que leur "chef" devait en suivre une en particulier chaque fois qu'il détectait que c'était le meilleur chemin à prendre. Si on suivait cette logique, faire attention à ces signes devait lui coûter au moins autant de concentration qu'il m'en fallait pour éviter les branches, et donc il ne pouvait pas se permettre de penser à autre chose. Le dernier devait être là en tant que gardien, s'occupant de détecter les dangers que les autres n'auraient pas remarqués.

Disciples D'Artémis Livre 1 : Le Premier ChasseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant