Chapitre 4

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Je ne saurais pas dire ce qui était le pire : se faire écraser par une poutre ou le trajet avec Artémis. Je pensais que les dieux pouvaient se téléporter mais visiblement ce n'était pas le cas, elle se contentait de filer dans les airs à une vitesse phénoménale. Ce voyage était comparable à un vol en avion, en dix fois plus rapide et sans coque de métal pour me protéger du vent. Je peinais à ouvrir les yeux mais de toute façon je ne voyais rien d'autre que des couleurs floues. La vitesse mêlée à l'altitude m'a fait connaître un sentiment nouveau : le froid. Mais ce n'était pas un simple frisson, mon corps entier ressentait les dégâts de cette température : je claquais des dents, je ne sentais plus la plupart de mes membres, mes oreilles me brûlaient et je devais lutter pour empêcher mes yeux de se fermer complètement, ayant peur de ne plus pouvoir les rouvrir.

Pour moi qui n'avais jamais connu le froid, c'était un sentiment étrange. J'avais l'impression que mes doigts allaient tomber, mon corps n'était plus qu'un gros bloc sans aucune articulation. La seule source de chaleur provenait de la main de la déesse qui tenait toujours la mienne, son corps d'immortelle ne semblait pas craindre la force du vent ou la morsure du froid, et moi qui pensait être immunisé contre les basses températures je tombais de haut. Je regrettais ce souhait absurde que j'avais émis plusieurs mois plus tôt, c'était stupide d'avoir voulu connaître cette sensation, j'avais l'impression que j'allais mourir. Le voyage avait commencé depuis... Je ne savais même plus. Je ne pensais qu'au froid, uniquement au froid, encore et toujours au froid. 

J'avais envie de me rapprocher de la déesse, de pouvoir me coller contre elle pour me réchauffer, mais ce qui me retenait c'était les conséquences que pouvaient avoir un tel acte. Si ça ne lui plaisait pas, elle était capable de me lâcher et je n'avais aucune idée de l'endroit où l'on était, à part qu'on volait haut dans le ciel et que les couleurs tourbillonnaient trop vite autour de moi pour que je puisse distinguer le paysage. Dans tous les cas, à cette hauteur, si elle me lâchait le résultat serait le même : une chute rapide avec un arrêt brutal sur un sol dur. Un sort aussi enviable que se faire écraser par une poutre. 

J'ai supporté cette épreuve comme j'ai pu, mes lèvres ont séché et ont commencé à se craqueler. Je ne pouvais pas me permettre de les humecter, à la vitesse où je claquais des dents je risquais de me couper la langue. Le voyage a semblé durer deux éternités, à quelques années près, puis Artémis a commencé à ralentir et à descendre. La température est remontée mais mon corps était toujours gelé. Le vent est retombé, j'ai pu ouvrir un peu plus les yeux, le paysage est devenu visible : j'étais au dessus d'une grande forêt enneigée, ça ressemblait à un décor montagneux. Il neigeait, la couleur dominante était le blanc et il n'y avait quasiment que ça à perte de vue, avec seulement quelques nuances de bruns quand un arbre arrivait à se débarrasser de la neige sur quelques unes de ses branches. Il faisait encore jour, la lumière du soleil filtrant à travers les arbres se reflétait au sol sur les cristaux blancs, leur donnant un éclat tellement éblouissant que j'avais du mal à garder les yeux ouverts. C'était un peu dommage car le paysage devait être magnifique, mais après avoir subi les attaques du vent puis celles du froid, mon simple corps de mortel commençait à craquer. Pour pouvoir récupérer mon aptitude à résister aux basses températures, il fallait déjà que j'arrive à réchauffer mes membres.

- Nous sommes arrivés, a dit Artémis en descendant au milieu des arbres.

J'ai voulu répondre mais ma mâchoire semblait bloquée. On s'est posé et la déesse a lâché ma main, je me suis empressé de la coller contre ma bouche pour me réchauffer, cette main était l'unique partie de mon corps qui semblait vivante. Je suis resté une bonne minute avec ma main contre mes lèvres, sentant la chaleur se transférer dans la partie inférieure de mon visage. Artémis m'a regardé avec cette esquisse de sourire quasiment imperceptible, ce sourire qui ne durait qu'une fraction de fraction de seconde.

Disciples D'Artémis Livre 1 : Le Premier ChasseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant