Disciples D'Artémis Livre 1 : Le Premier Chasseur

Chapitre 44

Lorsque je me suis réveillé, j'étais allongé sur la plage, les galets rendant cette position très inconfortable. Aria était au dessus de moi, me léchant le visage d'un air triste, tentant vainement de guérir mes blessures. Étrangement, je ne ressentais quasiment aucune douleur, je n'avais simplement presque aucun contrôle sur mon corps. Impossible d'ouvrir la bouche, d'émettre le moindre son. Du coin de l'œil j'ai vu qu'Alicia était là, Hélène à ses côtés. Les deux me regardaient, horrifiées, mais elles ne semblaient pas être blessées.

- Ça va aller, m'a dit Alicia en me voyant ouvrir les yeux. Tout devrait bien se passer. Ne t'en fais pas.

Sa voix tremblait légèrement, elle qui était d'ordinaire si impassible et si sûre d'elle, le doute était pourtant perceptible dans sa voix. Au prix d'un gros effort, j'ai réussi à légèrement tourner la tête, plantant mon regard dans celui d'Hélène.

- J'ai... tout vu, a-t-elle hoqueté. Comment... Pourquoi... S'il te plaît, ne... Plus jamais...

J'ai alors compris qu'elle m'avait vu dans cet état primitif, qu'elle avait été témoins d'actes dont je ne me souvenais même plus. J'ai eu un vague souvenir de moi en train de déchirer un chien des enfers après que ma colère ait pris le dessus, et j'ai eu la nausée. Le temps de cette bataille, je ne m'étais pas simplement transformé. J'étais bel et bien devenu un véritable monstre, et elle avait tout vu.

- Ce n'était pas lui.

Kyrios venait d'apparaître auprès des deux chasseresses, torse nu et dévoilant tous ses tatouages. Le voir m'a fait un peu de bien, mais sentant que j'étais sur le point de vomir je n'ai pas essayé de lui parler. 

- Comment ça ? lui a demandé Alicia. Que s'est-il passé exactement ?

- Hendar vient simplement de découvrir l'un des pouvoirs de la marque, le plus dangereux d'entre tous. Celui qui met sa propre vie en danger. Ce pouvoir ne se maîtrise pas, il est inné et se ne déclenche que s'il est grièvement blessé alors qu'il est transformé. Il perd alors toute capacité de réflexion et il ne lui reste qu'une seule chose en tête, la dernière mission qu'il s'était confié, oubliant jusqu'à son instinct de survie. Tous ses blocages disparaissent et il fait en sorte d'accomplir au mieux son devoir. J'ai senti que ce pouvoir s'était activé, alors je suis venu voir comment il s'en était sorti. 

- Il perd ses blocages ? a répété Alicia. Qu'est-ce que ça signifie ? Qu'a-t-il fait ?

De toute évidence, la lieutenante ne m'avait pas vu. Hélène était peut-être le seul témoin de ma barbarie, et c'était sûrement mieux comme ça. Je me sentais assez mal moi-même pour rajouter à ça le jugement de plusieurs chasseresses.

- Il n'a plus les même idées que lorsqu'il est humain. La cruauté, la violence, le respect du corps de l'autre, tout ça est occulté pour ne laisser place qu'à sa propre fureur. Il ne se retient plus, gagnant ainsi en puissance mais le spectacle qu'il propose n'est pas vraiment plaisant. Tout ce qu'il cherche à faire c'est mettre un terme au combat au plus vite, mais il met sa propre vie en jeu car il ne se défend plus. Et ça se voit à la fin, lorsqu'il récupère son apparence. 

En entendant ces mots, je pensais qu'il faisait allusion aux trois morsures que j'avais subies, mais son regard se baladait sur l'ensemble de mon corps. En réussissant à relever un peu ma tête, j'ai pu constater l'ampleur des dégâts. J'étais torse nu, quelques lambeaux de vêtements encore enroulés autour de mes bras. Mon corps était couvert de griffures plus ou moins profondes, j'avais un petit trou au niveau de l'abdomen, signe que moi aussi j'avais bien failli me faire empaler. Vu sa taille, la corne n'avait pas dû pénétrer bien loin, je ne devais pas avoir d'organe touché. Mon épaule gauche était anormalement chaude, et lorsqu'Aria est venu me la lécher j'ai compris ce qui n'allait pas. Tout comme pour ma cuisse, il m'en manquait une partie, une mince bande de quelques centimètres permettait encore à mon bras d'être relié au reste de mon corps.