Chapitre 7: Le sommeil de celui qui ne voulait pas dormir

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Je connaissais Auruo, Erd et Gunther depuis un moment et nous avons toujours mangé ensemble en parlant et en riant lorsque nous sommes devenus soldats, mais c'est depuis notre première excursion que nous avons arrêté de discuter. Depuis notre premier contact avec les titans, nous passions nos repas dans le silence, et dès que nous avions terminé, nous partions. C'était une telle tension que je ne riais plus aussi souvent que lorsque j'étais plus jeune. Cet après-midi... M'avait fait du bien. Pendant quelques instants j'avais oublié les titans. J'attendis, assise sur mon lit, qu'ils aient fini de prendre leur douche. Je pouvais entendre d'ici l'eau couler à travers les tuyaux. Je me laissai tomber en arrière, les yeux perdus dans le plafond. Je fermai les yeux quelques secondes pour les reposer. On toqua à ma porte.

"Oui?"

Demandai-je, me relevant vite.

"Petra, tu peux y aller."

C'était la voix du caporal. J'ouvris la porte. Il était là, la serviette sur les épaules, les cheveux trempés.

"Caporal, je-...

- Les douches sont libres. Tu peux y aller."

Répéta-t-il, légèrement agacé.

"Ah, merci."

J'attrapai mes affaires de douche.

"J'ai crié ce matin. Je n'aurais pas dû."

Dit-il. Le temps que je me retourne, il avait disparu. Le caporal chef Levi venait-il de... Présenter des excuses? J'étais surprise. Très surprise. Il n'était vraiment pas le genre de type à présenter des excuses. Je partis prendre ma douche sur cette impression très étrange. Je n'avais plus de shampoing, j'attachai donc mes cheveux en fouillis sur ma tête et commençai à prendre ma douche. L'eau chaude me détendait, c'était agréable. Je sortis des douches, parcourant de nouveau les couloirs. J'avais pris ma veste et faisais attention à ne pas éteindre ma bougie par accident, lorsque je passai devant une porte entrouverte laissant apercevoir une salle encore éclairée, je ne pus résister à l'envie de regarder à l'intérieur. Qui était encore debout à une heure pareille? Je poussai la porte silencieusement, espérant ne déranger personne. Le caporal était à son bureau, la tête posée sur ses bras, les yeux fermés. Son dos se soulevait lentement suivant sa respiration. Il s'était endormi sur un tas d'extraits de rapports. Je m'approchai, timide. Même endormi, il gardait les sourcils froncés. Je frissonnai, voyant la fenêtre du bureau ouverte. 

"Vous allez attraper froid, voyons..."

Murmurai-je en souriant. Je contournai son bureau et fermai la fenêtre le plus silencieusement possible. Je le regardai une dernière fois, puis enlevai ma veste. C'était à son tour d'avoir froid, à présent. Je la lui posai délicatement sur les épaules, et effleurai sa nuque des doigts, caressant la pointe de ses cheveux noirs. Ils étaient doux, c'était agréable au toucher. Sa peau était glaciale, c'était effrayant. Qu'étais-je en train de faire, là? Petra, ressaisis-toi, ma grande! Je me retournai vite et allai sortir sur la pointe des pieds avant qu'il ne se réveille.

"Tu comptes simplement partir après ça?"

Je sursautai. Merde. Merde. Merde. Je me retournai vers lui, un sourire incontrôlable et complètement crispé plaqué sur le visage.

"Euh... Oui? Peut-être?"

Il fallait que je m'en sorte sans paraître trop folle. C'était râpé d'avance. Il était encore assis, n'avait pas bougé, ses yeux étaient juste ouverts.

"Je suis désolée de vous avoir réveillé..."

Présentai-je, priant intérieurement pour qu'il ne se soit rendu compte de rien.

"Je ne dormais pas."

Dit-il simplement. Des glaçons glissèrent le long de mon dos.

"Ah... Ah bon? Ah, tiens, c'est... Il est tard, je devrais sûrement y aller."

Bégayai-je comme excuse pour pouvoir m'enfuir. Lorsque je me retournai, il m'attrapa le poignet et me força à le regarder droit dans les yeux. Il était rapide.

"La veste.

- La... Veste?

- Pourquoi?"

Allait-il vraiment me mettre dans l'embarras à ce point-là sans s'en rendre compte ou était-ce une petite vengeance?

"Et bien, euh... Vous auriez pu attraper froid.

- Et?

- Et c'est tout? Faudrait-il une raison pour ne pas vouloir vous voir tomber malade?

- Généralement, oui.

- Je n'ai pas franchement réfléchi, j'ai fait cela... Sans y penser. Est-ce tout? Puis-je partir?"

J'étais très mal à l'aise. J'aurais pu parier tout ce que j'avais que mes joues et mes oreilles étaient teintes de rouge cramoisi. Il lâcha mon poignet mais ne quitta pas mon regard. Ni mes pensées. Mon cerveau me criait de partir. Mon cœur, quant à lui... Était incompréhensible. Il baragouinaient des termes sans queue ni tête, ne pouvant s'empêcher de tambouriner dans ma poitrine tel une caisse de batterie. J'ignorais depuis combien de temps nous nous fixions. Ce moment avait pu durer quelques secondes autant qu'une demie heure. Je ne voyais que ces fins yeux bleu-gris plantés dans les miens. J'étais incapable de savoir si je clignais des yeux, si je souriais ou si je sautais sur place. J'étais déroutée. Totalement.

~

"... Demain. À demain, Petra."

Dis-je finalement, rompant ce silence incompréhensible.

"À demain, caporal."

Elle me libéra enfin de son regard paralysant, puis disparut dans le couloir. Je la regardai partir, observant ce chignon qu'elle n'avait pas une heure plus tôt. Elle devrait s'attacher les cheveux plus souvent. Je me retournai vers mon bureau, épuisé. Je n'avais voulu que fermer les yeux quelques instant pour les reposer, et finalement... J'avais rêvé. C'était clairement un rêve. Ce moment avait été surréaliste. Je m'attendais à tout moment me réveiller sur mon bureau. Je sentais encore la chaleur du poignet de Petra dans la main. Je me rassis, jetant un dernier coup d'œil à ce qui me restait à faire.

Et si y avait-il un espoir? (Romance Rivetra)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant