Chapitre 19: C'était frustrant

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Avec les massages de tempes de mon caporal, je me sentais vraiment mieux. Il avait dû forcément faire déjà face à ce problème puisqu'il savait parfaitement ce qu'il fallait faire. De temps en temps, lorsque le mal de tête devenait insupportable, je venais le voir. Je me sentais coupable de le déranger à chaque fois, mais après tout, il m'avait ordonné de le faire, donc cela aurait été de l'insolence de lui désobéir. Bon, d'accord, je n'aurais jamais désobéi à un ordre comme: "Passe plus de temps avec ton caporal qui fait battre plus vite ton cœur à chaque fois que vous vous croisez du regard". Depuis la nouvelle qu'il m'avait annoncée, le miracle de Hansi, je me questionnais beaucoup à propos de mon caporal. J'avais souvent tenté de rester loin de lui sentimentalement, à cause de cette pensée qui ne m'avait jamais quittée: "Je vais forcément mourir et donc faire des promesses à n'importe qui serait inconscient et cruel envers cette personne".

Mais maintenant? Il y avait une chance que nous réussissions, notre bataille n'était plus vaine. Alors pourrais-je me permettre de croire? Pourrais-je me permettre une telle folie? Si jamais mon caporal ressentait quelque chose pour moi, pourrais-je me laisser aller à être avec lui? J'aggravais sûrement mes maux de tête à me tourmenter ainsi, mais je ne pouvais m'empêcher de me questionner à chaque moment de la journée.

Mes préférés étaient les moments où j'étais face au caporal, proche de lui, sentant son souffle, tandis qu'il détendait les muscles de mes tempes. Il me disait souvent qu'il était allé retourner voir les médecins qui lui répondaient que mes maux de tête n'étaient pas graves, et j'étais à chaque fois très touchée qu'il en fasse autant pour moi, mais une voix me répétait sans cesse que c'était pour garder son escouade d'élite intacte. Cela continua pendant une, deux semaines. De plus j'avais parfois l'impression d'être un peu complice avec lui, avec ces maux de tête, mais aussi avec les bombes de Hansi, dont je n'avais pas parlé au reste de l'escouade. Des secrets entre nous que je chérissais tendrement.

"Tu m'as déjà demandé ce que je serais si nous réussissions à nous débarrasser des titans, mais toi, que deviendrais-tu?"

Me demanda-t-il soudainement, me tirant de mes réflexions.

"Moi? Je n'y ai jamais vraiment pensé, en fait...

- Pourquoi?

- Parce que j'étais persuadée que je mourrai face à un titan, c'est tout."

Il soupira.

"Que croyez-vous que je ferai, vous, caporal?"

Il réfléchit un instant.

"Vétérinaire. Ou médecin. Ou journaliste. Ou professeure. Ou artiste.

- Je ne pourrais jamais tout faire en une vie!"

Ris-je.

"... Ou boulangère."

Me confia-t-il en me faisant un clin d'œil si rapide qu'il avait été presque imperceptible. Je ris d'autant plus. Lui aussi pouvait plaisanter, finalement.

"Je ne suis pas si douée que cela en cuisine, je pense que je ferai brûler tous les pains, cela fera fuir tous les clients et nous serions sur la paille."

"Nous"? Mince. Ma langue avait fourché. Oh la nulle, qu'allait-il penser? J'espérais qu'il ne l'avait pas remarqué.


~


Nous? Nous serions sur la paille? Avait-elle vraiment voulu dire cela? Je fus décontenancé. Il fallait que je dise quelque chose pour qu'il ne s'installe pas un silence des plus gênants, mais mon cerveau refusait de répondre. Elle était rouge et n'osait plus parler. Elle avait dit "nous". Elle l'avait fait rapidement, mais elle avait dit "nous". Trouver quelque chose à dire, trouver quelque chose à dire...


~


Il restait silencieux. Pourquoi restait-il silencieux? Il l'avait entendu et cela l'avait gêné, j'en étais sûre. Il allait croire n'importe quoi. Ou... Il n'allait pas croire, mais savoir... J'étais foutue. Le tic tac de l'horloge résonnait lentement, me faisant perdre tous mes moyens.

"Je n'ai plus mal à la tête!"

- ... Oui?"

Répondit-il comme s'il se réveillait soudainement. Je me penchai vers lui.

"Vous allez bien? Si cela se trouve, vous avez vous aussi mal à la tête, vous aussi, non?"

Bonne idée, Petra, change de sujet. C'était gros comme une maison que j'avais paniqué. Il secoua la tête.

"Non, je n'ai pas mal à la tête."

Répondit-il finalement. Je devinai que c'était le moment où je devais partir. Je voulais encore lui parler, c'était frustrant. Je serrai les poings et décidai de tourner les talons.


~


Ah, elle allait encore partir. C'était agaçant de savoir que chacun de ces moments délicieux devaient toujours avoir une fin. Je voulais dire quelque chose, pour qu'elle reste encore un peu, mais tout restait coincé au fond de ma gorge. Avant de disparaître dans l'encadrement de la porte, elle me regarda et ouvrit la bouche pour parler, hésitante. Je me redressai, toute ouïe. Et finalement elle referma ses lèvres roses et disparut. Je cognai violemment le poing sur mon bureau, ne ressentant pas la douleur qui me paralysa la main pendant quelques secondes. Petra, tu pouvais dire tout ce que tu voulais, pourvu que tu ne partes pas. J'aurais dû parler, aussi. Je me détestai par mes hésitations stupides.

Et si y avait-il un espoir? (Romance Rivetra)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant