J'étais dans les couloirs, après ma douche. La fatigue me gagnait peu à peu, je sentais les muscles de ma nuque se contracter. Il fallait que j'aille me coucher. La nuit était tombée depuis déjà plusieurs heures, je n'entendais que les bruits de mes pas dans le couloir. J'entraperçus une fine silhouette assise par terre dans le couloir. À l'instant où j'avais posé mes yeux sur cette personne, je savais qui elle était et ce qu'elle faisait là. La silhouette me vit et leva la tête vers moi.
"Caporal... Je n'en peux plus..."
Murmura Petra, au bord des larmes. Je m'agenouillai immédiatement à ses côtés, prenant son pouls et sa température. Son pouls était lent. Elle avait des sueurs froides.
"J'ai tellement mal... c'est de pire en pire..."
Chuchota-t-elle, la mâchoire serrée.
"Peux-tu te lever?"
Lui demandai-je pour la conduire au chaud. Elle haussa les épaules, épuisée, avant d'essayer. Je lui attrapai le bras pour la soulever à moitié, et l'amenai dans mon bureau. Heureusement, il y avait une banquette qui servait aux supérieurs qui ne quittaient jamais leur bureau. Je l'y accompagnai et elle s'y assit avec difficulté.
"Allonge-toi, il te faut du repos, c'est ce qu'a dit la médecin, t'en rappelles-tu?"
Elle fit une grimace en simple réponse. Et se laissa tomber sur la banquette.
"Je n'arrive pas à m'endormir... Je n'arrive plus à rien, cela fait si mal..."
Elle posa son avant-bras sur ses yeux.
"Quelle genre de douleur est-ce? Tu ressens comme... Comme des pointes qui s'enfoncent?"
Elle fit une autre grimace.
"Rien de tout cela... J'ai l'impression qu'elle va exploser."
Elle continua d'enfouir ses yeux dans sa manche. Je cherchai des yeux quelque chose pour la recouvrir, mais je n'avais aucune couverture et je ne portais pas ma veste.
"Respire, et pense à autre chose."
C'était tout ce que je pouvais dire. Sa douleur était insupportable. Je forçai ma respiration pour qu'elle me suive, mais elle n'y arrivait pas.
"Je ne suis pas normale... c'était censé être réparé depuis un moment, cela...
- Plus tu seras angoissée, pire cela sera. Ferme les yeux et n'y pense plus."
Elle me regardait, implorante. Sa grimace de douleur me fendait le cœur.
"Je vais aller te chercher une couverture et je reviendrai vite, d'accord? Je te le promets."
Lorsque je me redressai, elle m'attrapa la main.
"Ne partez pas, s'il-vous-plaît... restez avec moi..."
Sa voix était faible mais sa douleur était puissante pour qu'elle dise une telle chose. Cependant elle ne lâcha pas ma main. Je m'assis à côté d'elle, lui caressant légèrement l'épaule. Elle ferma les yeux, semblant réussir à retrouver son calme. Sa respiration se stabilisa lentement. Ses traits se détendirent et elle souffla. Cependant elle ne lâcha pas ma main. Ses doigts étaient fins et doux, et bien que frais il m'était agréable de pouvoir les toucher rien qu'une fois. Son épuisement eut raison de la douleur et elle s'endormit finalement là, sur la banquette, allongée en travers, les pieds encore par terre, sa main droite posée à côté de son visage rond endormi. Je pris ses jambes pour l'allonger plus confortablement. Cependant elle ne lâcha pas ma main. Je n'allais pas m'en plaindre, je savourais ce moment qui n'avait aucun prix. Le temps passé à la contempler se dissolvait en délicieuses douceurs inattendues, je ne pouvais dire combien de temps je restai là à apprendre par cœur le contour de son visage. Jamais je n'avais vu de personne aussi belle qu'elle. Elle ressemblait à un ange aux cheveux de soie. Et elle me tenait la main, à moi. Elle était là, avec moi, et me tenait la main. Elle tenait ma main à moi. Toute la fatigue que je ressentais s'était évaporée, je voulais juste la regarder quelques instants de plus.
"Ah, Petra. Si tu savais..."
Chuchotai-je. Sans lâcher sa main, je m'assis par terre et posai ma tête sur mes avant-bras, sur la banquette. Son visage était si proche... Je retournerai voir la médecin, demain. Ou peut-être... Serait-il mieux que je l'amène pour qu'elle puisse l'examiner. Je fermai à mon tour les yeux, me concentrant sur l'infime bruit de chacune de ses respirations.
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Et si y avait-il un espoir? (Romance Rivetra)
FanfictionDepuis qu'elle était soldate, Petra avait toujours refusé de dépasser une certaine limite avec ses camarades, et surtout avec son supérieur, le caporal Levi. Consciente de sa vie effaçable d'un claquement de doigt titanesque, elle était restée droit...