Chapitre 4

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Un jeune homme, la mine renfrogné, les traits durcis par la colère et l'épuisement descendait en trombe les grands escaliers de l'école de sorcellerie. Il venait du septième étage, là où il avait oublié un bijou le matin même. Il s'arrêta au quatrième étage et passa une main négligente sur son annulaire orné de la fameuse bague sertie d'une somptueuse pierre noire. L'Héritage, il était convaincu qu'il lui revenait de droit, familial des Gaunt. Il avait dérobé la bague, il y a maintenant plus d'un an, à son oncle au cours de sa "visite" à Little Hangleton.

Tom ferma les yeux. Il crut sentir une brise s'engouffrer dans le palier, sans doute via une porte de classe mal refermée. Il se détendit, ses traits s'affaissèrent puis se radoucirent. Son visage retrouva sa beauté et son charme n'en fut que dédoublé.

Il rouvrit les yeux et s'engagea d'un air nonchalant dans les couloirs calmes et sereins de l'étage. Il flânait, sans but, sans doute s'attendait-il à découvrir encore l'un des nombreux secrets de ce château. C'était étrangement vide de monde pensa-t-il.

Soudain, une mélodie lui parvint. Une plainte, très expressive. Jedusor reconnu le morceau, Clair de lune, Debussy.

Une œuvre assez populaire chez le grand public, reprise par tous les enfants de riches clamés prodige par leurs parents malgré le massacre évident qu'était leur interprétation. Tom avait du subir ces supplices à maintes fois. Mais là, c'était terriblement bien joué. Pour une fois dans sa vie, il eut un élan d'empathie envers l'interprète. Les émotions étaient noires, contradictoires, empreintes d'amertume et de douceur.

Jedusor, guidé par l'exquise musique, se retrouva devant une porte verrouillée. Il sortit sa baguette. Alohomora. La porte cliqueta puis s'ouvrit révélant une salle de classe dans laquelle il n'était jamais entré. La musique se fit plus rapide, saccadée, l'intensité des émotions allait bientôt atteindre son paroxysme, il le sentait. La plainte se faisait plus douloureuse.

Jedusor aperçut alors au fond de la pièce une porte entrouverte. Une fois devant celle-ci, il déposa sa main dessus et poussa. Il marqua une pause devant l'état épouvantable de la pièce. Les planches de bois peuplant un sol crasseux, les murs de pierre ancienne maculés et même l'étrange fauteuil moisi lui inspirèrent un profond dégout vite balayé par l'interprétation implorante, déchirante, sublime.

Tom s'adossa au chambranle et dut plisser les yeux, faute de luminosité, afin d'apercevoir une silhouette frêle, dos à lui, parcourant le clavier du piano qui lui faisait face de ses longs doigts. Il reconnut la cascade de cheveux ébène. Ainsi donc, Pearl Miss était parvenue à lui procurer toutes ces sensations? Il la fixa impassiblement.

L'intensité, la grâce laissaient place à la distance, un certain froid régulièrement. C'était divin, parfait, immensément attirant.

Tom s'avança dans la salle mais soudain, prit de court, il se stoppa net. Les bras ballants dans une obscurité pesante, il retint son souffle.

Pearl s'était brusquement interrompue, quel gâchis s'enquit-il. Mais des sanglots se firent aussitôt entendre. La tête enfouie dans ses bras, avachit sur les touches, Pearl étouffait ses pleurs. Tom se sentait gêné, outré devant un tel manque de pudeur.

La jeune serpentard se redressa, elle sembla reprendre contenance. D'un revers de main, elle effaça énergiquement, avec mépris ses dernières larmes avant d'esquisser un mouvement endormi pour se retirer de la banquette.

Pearl se figea, horrifiée. Tom Jedusor était derrière elle. Paralysée, les yeux écarquillés, elle ne parvenait pas à lui adresser le moindre mot. Pourtant elle avait fermé la porte, elle en était sûre. Le charme était censé empêcher tout bruit de filtrer, alors pourquoi diable se trouvait-il à deux pas d'elle. Pearl, après plusieurs instants, émergea de sa stupéfaction et sortit enfin de sa position ridicule. Elle se rassit correctement, face au préfet-en-chef, la tête baissée.

Mélodie damnant |T.E. Jedusor|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant