Chapitre 37

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Fort heureusement pour le plan de Pearl, ils habitaient près de la Tamise, un long fleuve prenant source à Thames Head, traversant Londres et les reliant même à Oxford. Elle avait pour dessein de se rendre sur la berge de ce cours d'eau pour accomplir la dernière étape du plan.

Mais avant d'arriver à destination, Pearl fut prise de violents tournis. Elle s'écrasa plusieurs fois dans la neige, teintant celle-ci du mélange de son sang et de celui d'Emile. Prise de haut-le-cœur violents, ses gémissements fendaient le silence de la nuit.

Elle ne voulait pas penser à ce qu'elle avait fait ce soir, ni à ce qu'elle allait faire, pas tout de suite. Elle ne voulait pas encore prendre conscience du fait qu'elle était maintenant une criminelle, et si elle avait trouvé un moyen pour ne pas être accusée de quoi que ce soit par la loi, elle restait une meurtrière.

Elle avait tué quelqu'un.

C'était un constat véridique, immuable. Jusqu'à la fin de ses jours, elle porterait ce lourd fardeau, dévorée par la culpabilité, le remord, vivant dans la terreur. Partout où elle poserait les yeux, elle aurait l'impression que tout le monde aurait connaissance de son secret. Des elfes de maison aux objets inanimés, de ses camarades aux arbres de la forêt interdite, aux plantes, aux créatures magiques.

Le vent, la nuit, la rosée du matin, le verglas, les feuilles dans leur chute vertigineuse jusqu'au sol.

Tout le monde saurait.

Epouvantée, la jeune fille pleurait à chaudes larmes et avait failli vomir une ou deux fois.

Eliot était là, il la relevait toujours avec empressement, l'implorant de continuer leur chemin, sans un mot, de ses yeux vitreux dû au choc.

Et lui alors ? Elle lui faisait porter le poids de ce lourd secret, voire du meurtre, à lui, un enfant candide dont les yeux n'avaient jusqu'ici assisté à rien de plus violent que la réprimande d'un professeur, ou à la rigueur, une bagarre dans la cour de récrée.

Elle avait rendu son frère témoin d'un meurtre, et ça, elle ne se le pardonnera jamais.

Sanglotant, elle se relevait systématiquement, plus par obligation que par envie, tant bien que mal, en essayant d'oublier pour l'instant ce poids. Le cadavre d'Emile lévitant à ses côtés ne l'aidait pas vraiment dans cette entreprise.

Malles à la main, et baguette en plus dans celle de Pearl, ils parvinrent enfin à un coin désert bordant le fameux cours d'eau. Pearl déposa sa malle et intima Eliot d'en faire de même après avoir bien vérifié les environs. Elle sortit les liasses de billets et les enfonça dans les poches de son paletot usé dont elle se dévêtit.

-Tourne-toi.

Docile, Eliot obtempéra.

Pearl se dénuda, elle fit disparaitre sa robe tâchée de sang avec le même sortilège dont elle avait usé pour faire disparaitre les armes du crime. Elle se déchaussa également avant de s'enfoncer dans l'eau glaciale sans pousser une plainte.

Pearl frissonna violemment, transie, mais s'attela quand même à laver tout ce sang qui la souillait. Machinalement, parce qu'elle n'arrivait plus à avoir les pensées claires à cause de la température de son corps en chute libre, elle finit de se frotter tous les membres et les cheveux à la hâte.

Elle resurgit de la surface, reprit sa respiration en haletant, puis se souvint soudain de son nez cassé. La jeune fille s'arma de sa baguette qu'elle avait emmenée avec elle dans l'eau et tenta un sort qu'elle n'avait jamais jeté auparavant, n'ayant jamais été blessée au visage.

Elle n'arrivait pas à mouvoir ses lèvres bleutées, alors elle tenta de le prononcer le plus distinctement possible dans sa tête.  

Episkey

Mélodie damnant |T.E. Jedusor|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant