Chapitre 29

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Décembre apportait avec lui l'euphorie des vacances de fin d'année, mais aussi l'appréhension croissante, ambiante, des cinquièmes et septièmes années en vue de leurs examens finaux, ce qui ternissait quelques peu l'ambiance de fêtes.

On avait souvent droit à des craquages, des flots d'insultes, de gémissements frustrés et autres torrents de larmes abondants, notamment dans la bibliothèque, lieu privilégié pour travailler assidument.
Voilà pourquoi Pearl s'abstenait farouchement de fréquenter ce genre de lieux et se résignait à passer la plupart de son temps libre affalée sur son lit, la salle commune ayant également été prise d'assaut par des serpentards ambitieux de réussir.

La voici maintenant qui écrivait de la musique, bercée par les ressacs du vent hivernal contre sa fenêtre. Même si la transition vers cette saison s'effectuait à la fin du mois, les prémices d'un hiver rude et impitoyable s'abattaient déjà sur l'école, ils s'illustraient notamment à travers les courants d'air glacials habitant les couloirs ou encore le besoin irréfutable de maintenir constamment la flamme dans l'âtre de la cheminée.

Elle trempait sa plume une énième fois dans l'encre noire, l'air serein, lorsque soudain : Dionysos en pleurs, prise de sanglots déchirants qui firent bondir Pearl, suivie d'un cortège de cinq personnes s'engouffrèrent dans la pièce. La jeune fille s'assit sur son lit, inconsolable, les joues trempées et le regard éteint. Elle se prit la tête entre les mains et sanglota de plus belle, insouciante de son public.

Les jeunes filles s'assirent près d'elle, sur ses draps ou sur le sol, en prenant des airs terriblement désolés, elles semblaient médire du sort qui avait apparemment encore frappé. L'une d'elle agita sa baguette pour faire apparaitre un tissu qu'elle proposa à Dionysos. Elle ne daigna pas lever la tête, incapable de saisir quelque chose entre deux sanglots. Ses camarades fusillèrent la deuxième année du regard pour tant d'indélicatesse. Cette dernière rougit.

Pearl vissa son flacon d'encre, déposa sa plume et, soucieuse de s'informer de la cause du malheur de son amie, quitta sa couverture veloutée avant de se poster à proximité du groupe, n'osant pas perturber l'harmonie pesante et poignante avec son air abruti et ignorant.

-Crabbe, Rosier, que se passe-t-il ? Murmura-t-elle à ses camarades, voyant bien le piteux état de la française et son impossibilité à lui apporter une réponse intelligible.

-Il se passe que le président du Conseil National de la Résistance française a été fusillé, le père de Dionysos a été fusillé annonça Crabbe d'une voix atone.

Le teint de Pearl devint livide, elle sentit sa gorge se nouer et en écho, un nœud se former en bas, au creux de son estomac. Une sensation effroyable lui glaça le sang et fit frémir son échine. Le père de son amie... mort ?

Encore? Le sort avait encore une fois emporté un parent qui laissait derrière lui l'une de ses amies ?

Bien qu'elle ne l'a jamais connu personnellement, - avait-il d'ailleurs déjà eu la pâle connaissance de son existence, de sa présence auprès de sa fille ?- elle avait eu vent de l'admirable personne qu'il fut de son vivant.

Le père de Dionysos était un homme juste, honnête, obsédé par l'éthique, il exécrait le fascisme, le nazisme, et toute autre idéologie abominable. C'était d'ailleurs ce qui l'avait poussé à s'engager au sein du réseau de résistants.

Peu à peu, il avait gravit les échelons. Ses motivations inspirantes, son héroïsme et les quelques fois où, au péril de sa vie, il avait secouru les opprimés lui avaient valu la sympathie et les louanges de ses collègues. Il avait finalement été élu président du Conseil National de la Résistance et, dès lors, avec les ordres depuis Londres, il dirigeait les actions antigouvernementales et redoublait d'efforts pour mettre en place de nouvelles stratégies fortement fructueuses.

Mélodie damnant |T.E. Jedusor|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant