Chapitre 35 : La planque du chasseur

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Affalé dans mon siège, j'entame ma quatrième partie de backgammon contre mon smartphone. Trois heures de sevrage tabagique avant notre arrivée prévue à 20 heures.
— Qu'est-ce que tu fais ?
Je lève les yeux. Jelem , installée en face de moi, côté fenêtre, dans le carré voyageur, me sourit bêtement pour tenter de me faire digérer ce voyage qui m'emmerde. Je déteste la montagne.
— Je mate un film de cul ! Tu veux le regarder avec moi ?
La voisine de Jelem , une petite dame coquette, se raidit, scrute nerveusement la voiture à moitié vide et déménage. Je pose mes boots sur son siège.
— Tu sais que t'es lourd ? m'interpelle ma boss.
— Oui. Un, deux, trois... Je vais lui niquer sa race, à ce crétin !
— T'en penses quoi de toute cette affaire ? Kovacevick, la psy... ?
— Rien ! Pour l'instant, je joue !
Mon portable disparaît brutalement de mes mains. Elle le claque sur la tablette.
— Tu fais chier ! J'allais gagner !
— Tu peux répondre quand on te pose une question ? Et je suis à la limite de l'ennui avec toi !
— Et alors ? Ce n'est pas mon problème !
— Mais rien n'est ton problème ! C'est exaspérant !
— C'est vrai ! dis-je avec un sourire en coin.
Silence. Son attention se reporte vers le paysage. J'extirpe une clope de mon paquet, la roule entre mes doigts en l'observant.
— T'es contente ?
— De quoi ?
— De faire ce petit périple avec moi.
Elle hausse les épaules en braquant ses prunelles magnifiques dans ma direction. Je coince le filtre entre mes lèvres.
— Et toi ? me demande-t-elle.
— Ça dépend, on verra...
Exaspérée, elle hoche négativement la tête pendant que je mordille mon filtre.
— Tu ne lâches pas l'affaire. Franchement, trouve-toi une nana !
— Pour quoi faire ?
— Pour être moins con !
Je me fends la gueule.
— Pourquoi en choisir une ? Vous êtes toutes pareilles, à quelques différences près. Vous cherchez le prince charmant en  rêvant de vous faire culbuter par le chasseur.
Touché ! Elle me dévisage, pince ses lèvres pour ne pas rire, je crois.
— Honnêtement, ce n'est pas vrai ? En tout cas moi, j'ai très vite compris que l'homme des bois avait plus à y gagner que l'autre débile avec ses collants et ses bijoux. T'as juste à attendre tapi derrière les arbres que vous quittiez le château en criant « à l'aide ! ».
Ça y est. Elle se marre.
— Je te le dis, Jelem ! On vous a bourré le crâne de conneries dès la naissance !
— Toi, ça ne risquait pas de t'arriver avec ta mère et ses histoires glauques.
Je reprends mon téléphone et ma partie tout en répondant évasivement :
— C'est sûr !

****

20 heures. Nous voilà plantés dans cette ville grisâtre, sous une pluie torrentielle. Je balance ma clope, souffle la fumée et grimpe au volant de notre voiture de loc. Pas question de la laisser conduire en montagne, je tiens à la vie.
— Bon, on va où maintenant ?
— Il est un peu tard pour débarquer chez ces gens. On trouve un hôtel sur la route et on y va demain à la première heure.
— Le traquenard ! Dis donc, t'as tout prévu ? Le stock de préservatifs aussi ?
— Oh, c'est bon ! Arrête un peu ! C'est à une heure de route. Ou alors on s'invite à dîner chez eux et on va à l'hôtel après car il n'y aura plus de TGV. Ou l'inverse.
— Va pour l'hôtel ! Les repas en famille, ça me file la gerbe. Tu as réservé ?
— Non.
— Je vais où alors ?
— J'en sais rien ! Roule !
Je démarre en suivant les indications du GPS. Au bout d'une demi-heure, nous nous retrouvons en pleine montagne avec pour seule option de couchage des sapins ou des villages aussi glauques que le climat.
Jelem , t'espères vraiment qu'on va trouver un hôtel dans ce trou paumé ?
— Tiens, là ! s'écrie-t-elle en pointant du doigt une pancarte à travers le pare-brise.
Mon pied s'écrase sur le frein. J'enclenche la marche arrière en plein virage et bifurque sur le chemin indiquant « Auberge du chamois ». Ça m'aurait étonné ! Bon, on s'évite la marmotte, l'avalanche ou la tartiflette. Je me gare devant un chalet.
— Allez, viens, Blanche-Neige ! Voyons voir ce que les nains ont à nous proposer.
Nous pénétrons dans une entrée plutôt cosy donnant sur une salle à manger réchauffée par un feu dans la cheminée. Hmm, ça sent la peau de bête...
Un petit rougeaud joufflu nous accueille avec un large sourire. C'est inespéré pour lui, cette visite.
— Bonsoir, messieurs-dames. Que puis-je pour vous ?
— Est-ce que vous auriez deux chambres disponibles ? lui demande ma boss.
— Mais bien sûr.
J'imagine ! Il manquerait plus qu'il soit complet.
— Tenez. Je vous donne les deux chambres au deuxième. Vous serez tranquilles. Il n'y a pas grand monde à cette époque de l'année.
Sceptique, je mate la tête de sanglier accrochée au mur.
— Ah ouais, parce qu'à d'autres moments, c'est mieux ?
— On est complet pendant la saison de ski et les deux mois d'été.
— Vous faites restaurant ? demande Jelem
— Oh, mais c'est que je n'avais pas prévu votre visite.
— À vrai dire, nous non plus, marmonné-je en appuyant avec mon index sur les crocs de la bête.
— Il n'y a pas de restaurants dans le coin mais ne vous inquiétez pas, je dois bien avoir de quoi vous préparer un repas.
— C'est très gentil, merci, dit Jelem .
Nous le suivons dans les étages, posons nos sacs dans nos chambres de grand-mère et redescendons rapidement pour dîner. Le vieux a l'air d'être pressé d'aller se coucher.
Installés l'un en face de l'autre, Jelem et moi observons toute la faune savoyarde empaillée sur des étagères autour de nous. Un aigle, les globes oculaires exorbités, me fait de l'œil.
— C'est charmant !
— T'es sûr de toujours vouloir être le chasseur ?
Elle écarquille les yeux en voyant approcher l'aubergiste dans mon dos.
— L'okok et les bâtons du pays ! Régalez-vous.
Je hausse un sourcil devant l'attaque olfactive sur la table. Jelem pouffe. Je lui verse un grand verre de vin blanc.
— Désolé, ma belle. Les huîtres et le champagne, ce sera pour une autre fois.
Jelem picore, boit surtout, tout en refaisant le point sur les événements de ces derniers jours. Moi, j'ai la dalle.
— Comment un gamin du coin a-t-il pu se retrouver embringué avec le Croate ? s'étonne-t-elle en vidant son quatrième verre.
Quelle descente...
— Il n'est pas tombé sur la bonne psy.
— Tu ne l'aimes pas, cette nana ?
— Je ne la sens pas. Elle est tordue !
— Mais tu trouves tout le monde tordu.
— Pas faux.
C'est indécent ce que cette fille est belle et là, tout de suite, je commence à avoir des idées tordues. Allez hop ! Un sixième verre. Blanche-Neige, attention. Tu vas finir la culotte sur la tête. Notre hôte débarrasse en nous posant une bouteille sur la table et deux petits shots.
— Je n'ai pas de dessert, mais de la prune. Goûtez ça ! Je l'ai faite moi-même. Je vous abandonne, laissez tout sur la table. Le petit déjeuner est servi à partir de 8 heures. Si vous le voulez avant, dites-le-moi.
Je valide en lui faisant un signe de la main et je remplis les verres. Je renifle la potion du coin et avale cul sec. Oh, la vache ! Un déboucheur d'artères ! Ma belle brune fait de même et gagne une teinte en grimaçant. Allez, encore un ! Tu vas péter le feu, ma belle !
Le gosier réchauffé, nous rejoignons l'étage. L'équilibre moyen, elle se dirige vers sa chambre, se retourne en souriant.
— Bonne nuit, Jaylie .
— Bonne nuit, Jelem ...
Son étonnement accompagne mon entrée dans ma piaule. Je ferme la porte et commence le compte à rebours en m'allumant une clope. Dix secondes max et elle grattera à ma porte.
9, 8, 7... on toque. Quelle impatiente !

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Jaylie murder&sex[En ECriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant