Chapitre 17: Nostalgie et Retour aux sources

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19 heures. C'est encore le bronx dans la circulation de Yaoundé . Je zigzague entre les voitures, il fait beau, je n'ai finalement pas envie de rentrer. Cette putain de mission commence à m'emmerder, ça manque d'action. Ce n'est pas mon truc de faire la causette dans un groupe thérapeutique.
À l'instant : je bifurque à droite pour faire un crochet vers pakita où stationne toujours ma bagnole laissée en plan depuis mon interpellation. Arrivé à sa hauteur, je m'arrête, retire mon casque et l'inspecte. OK, tout est nickel. On l'a pas désossée.
— T'inquiète pas, kn. Je la surveille, ta carcasse. Je te garantis que personne n'y touchera.
Je lève les yeux vers Roméo c'est comme ça que tout le monde l'appelle car il chantonne sous les fenêtres du quartier. Habillé de son éternel survêt noir, coiffé de sa casquette Nike, Roméo est le dealer de l'impasse. Elle lui appartient. Ce type est une ordure de première. Prêt à te shooter un môme de cinq ans du moment que ça lui rapporte de la thune. Mais si tu l'as dans la poche, que tu ne le fais pas chier, c'est une mine d'infos sur tout paname.
Nonchalamment il s'approche et me serre la main.
— Salut, mec ! Ça fait un bail.
La prostitution, le proxénétisme, c'est pas son domaine. La drogue, pas le mien. Alors on a fini par s'entendre tous les deux. Il m'informe sur le trafic sexuel dans le coin et moi sur les descentes des stups.
— Salut, Roméo. Alors les affaires, ça tourne ?
— Bof. C'est calme, dit-il en tournant autour de ma moto.
Tu parles ! Ça défile toute la journée. Ce mec est une enflure, mais il est réglo avec ses toxicos. Il ne refourgue que de la bonne came, alors il a sa réputation.
— Elle est sympa ta bécane. Tu me la prêtes ?
— Tu rigoles ! Dans deux minutes, elle aura déjà changé de couleur et quinze fois de proprio.
Toujours assis sur ma yamaha, je m'allume une clope, lui en offre une.
— On te voit plus depuis ton arrestation. T'étais au mitard ou quoi ? dit-il en se marrant.
— Je suis en vacances.
— Putain de fonctionnaire. Vous en glandez pas une.
— Mec, je n'ai pas ton salaire.
— C'est sûr. T'as choisi le mauvais camp. Mais j'ai toujours besoin d'associés si ça te dit, le Ruskoff.
— Pour me retrouver à glander toute la journée dans une cage d'escalier ? Oublie. Je deviendrais dingue.
— Oh, de temps en temps tu as une ou deux volailles qui te courent après...
Nous rions. Il inspecte toujours ma moto, se penche vers ma fourche avant.
— Tu sais que t'as un traceur sur ton engin. Tu veux que je t'en débarrasse ?
— Je sais. Laisse. Ça occupe mes collègues dans les bureaux.
— Vous êtes vraiment étranges comme race, vous les flics.
— Et toi ? Tu crois que t'as l'air sain ?
Il retire sa casquette, ébouriffe ses cheveux aussi sombres que ses yeux et la replace en souriant.
Roméo. Dis-moi, tu connais des Croates ou des Bosniaques ?
— Les putes c'est ton domaine pas le mien. La filière de l'Est, tu dois connaître mieux que moi. Je ne trafique pas avec eux, c'est la mafia, ils sont sans pitié, ces types.
— Parce que toi, t'es cool peut-être ?
— Tu cherches quoi ? Un gars ?
— Non. Un groupe de religieux extrémistes.
Son regard ébène se plante dans le mien. Il mâchouille sa joue nerveusement.
— Tu sais que je ne fréquente pas ces dingues. Kn, t'es passé à l'antiterrorisme ou quoi ?
— Non, non. Tu n'aurais jamais entendu parler d'un groupe bizarre avec des idées catholiques et nazies ?
— Si ça avait été le cas, je les aurais déjà butés. Je peux pas les saquer les skinheads.
Son discours tourne en boucle sur un versant parano. Il est temps que je parte.
Roméo, je dois y aller. En tout cas, si tu entends parler de quoi que ce soit, tu m'appelles. T'as toujours mon numéro ?
D'un signe de la main, il confirme en retournant à son poste, sur son pas de porte. Je fais vrombir le moteur et bouge. Ce retour sur le terrain me motive pour aller faire un tour vers le IVe arrondissement.
Je me gare et entre dans le troquet où j'avais mes habitudes avec mes collègues de la BRP, juste à côté. Je me pose au comptoir. Le patron dépose une bière devant moi.
jaylie. Ça fait plaisir de te voir.
Peu causant à force de côtoyer des flics et de ne poser aucune question, il reprend aussitôt son service. Mon portable vibre. J'ouvre le SMS en avalant une gorgée de bière.
> marius : Qu'est-ce que tu fous à la BRP ?
C'est risqué pour ta couverture.
Ils vont me lâcher ! Je vais péter une durite ! Je vide mon verre cul sec, fais un signe. On me ressert. Soudain la porte s'ouvre, j'entends des rires connus. Je tourne la tête vers mes anciens compagnons de terrain. Deux s'apprêtent à me saluer, immédiatement rappelés à l'ordre par mon ex-chef Ced. Ce dernier vient vers moi, les autres dégagent en fond de salle en me lâchant un clin d'œil. C'est l'enfer, je peux même plus passer un moment avec mes potes.
Ced s'assied à côté de moi. Je l'ignore, le nez plongé dans ma bière.
— Salut, jaylie. Qu'est-ce que tu fais là ?
— Je bois un coup.
— Tu ne devrais pas venir ici. Je te rappelle qu'on est censés t'avoir viré.
— Et alors ? Ça ne m'empêche pas de venir boire un verre.
Silence.
— Comment ça se passe, ta mission ?
— Ça fait chier.
Je fixe l'exposition de bouteilles alignées devant moi. Tiens, je pourrais me bourrer la gueule. Je nous commande deux rhums. Il hésite, je choque mon verre contre le sien.
— Allez ! Comme avant. Vous me manquez, les mecs. Je te jure, la Crim ce n'est pas l'éclate.
Il sourit, s'enfile son shot. On remet ça.
jaylie, fais un effort. Je te connais, tu dois faire ta tête de con et être insupportable.
— Non. Pas du tout. Je suis très cool.
— Arrête. Ils t'ont imposé cette mission, alors je suis certain que tu leur fais payer. Mais, putain, c'est une chance pour toi. T'es intelligent et un bon flic de terrain, tu mérites d'être dans ce service.
Je me marre en vidant mon rhum, prend la bouteille des mains du patron, nous ressers.
— C'est tous des cons. On voit que tu n'y bosses pas. Ils passent leur temps avec des scientifiques, des geeks, à mater des écrans et à spéculer sur des meurtres. En plus, ils n'ont aucun humour. Il y en a même un qui vient bosser en costard.
Mon ancien boss rigole. Il me connaît depuis cinq ans. Au début, c'était pas simple entre nous car accepter l'autorité n'est pas mon fort. Mais, par la suite, on en a passé des soirées à arpenter les bas-fonds de yaoundé pour démanteler des réseaux ou dans les bars à faire la fête !
— T'as pas envie alors tu bloques. J'ai entendu parler de l'enquête. C'est vachement intéressant. Le capitaine Croft est passé nous voir pour qu'on active nos informateurs. Elle est très sympa.
— Tu rigoles ! C'est Terminator, cette meuf.
Il éclate de rire, avale et fait claquer son verre sur le zinc. C'est le signal. Il sait que j'ai besoin de me foutre la tête à l'envers et il est OK pour m'accompagner. Une quarantaine d'années, châtain grisonnant, un regard bleu rieur renforçant ses rides. J'apprécie ce type, sa franchise et ses trois divorces.
— Bon, c'est vrai. Elle n'est pas Peace and Love.
— Un enfer pour tes couilles. Son seul but, c'est de me castrer.
Tout en buvant, je lui raconte : le groupe de déviants, la secte avec le Croate, la soirée avec l'uro, l'équipe, les caméras, Sine, jelem... Il en pleure de rire. Bien éméchés et avachis sur le comptoir, on enchaîne les tournées.
jaylie. Putain, c'est quoi ce merdier ?
— Je te le dis, Ced, ramène-moi avec toi. Parce que si ce putain de tueur ne se pointe pas pour me trucider, j'en ai pour des mois.
— Tu vas y arriver. J'ai aucun doute. Et lâche l'affaire avec ta chef ! Pourquoi tu veux la sauter ?
— T'as vu la bombe ! Elle m'a imposé son service, alors j'ai droit à un dédommagement.
— T'es infernal. Laisse tomber. Cette nana a un mec, je crois, et elle est droite.
— Et alors ! J'en ai rien à foutre. Je veux juste la baiser, pas la demander en mariage.
— Mais tout le monde n'est pas comme toi. T'as beau avoir une putain de belle gueule, jaylie, tu n'arriveras pas à choper certaines nanas qui ont des principes, des valeurs.
— Foutaises ! Elles veulent toutes la même chose.
Cul sec. Je secoue la tête pour que ça passe mieux.
Jelem Manuella Croft est la fille du commandant Croft , pas franchement réputé pour son humour mais pour son intégrité, oui. Si tu fais chier cette fille, tu vas avoir des emmerdes.
— Je la fais pas chier. Je veux juste qu'elle finisse dans mon pieu. Après, elle retournera à ses dossiers, à son play-boy, c'est pourtant simple. Je demande pas grand-chose.
— Mec, on lance les paris. Moi je dis : impossible. Si tu y arrives, je... Qu'est-ce que tu veux ?
— Tu me rapatries sur-le-champ !
— Oh putain, c'est chaud ça. Il faut que je passe par le préfet. Bon, OK ! Tope là !
Alors qu'on signe notre accord, la porte claque. On tourne la tête en même temps vers l'entrée, plissant les yeux pour ajuster notre vision double.
jaylie, je crois qu'on vient te chercher ! Ça craint !
— Je te dis, ils sont pas humains dans ce service, regarde l'autre en costard ! Tu vois je déconnais pas. Sors-moi de là.
Ced se frotte les yeux alors que jelem croft , moulée dans son jean et sa chemise noire, s'avance en me flinguant de son regard bleu électrique, kira sur ses talons.
— Oh, oh, ça va être ma fête.
— On s'amuse bien à ce que je vois. Kn, tu ne lis pas tes messages ?
Je me redresse tant bien que mal, titubant sur mon tabouret.
— Non, pourquoi ? Tu m'as envoyé des sextos ?
— Il y a eu un nouveau meurtre.
— Bien ! On progresse alors... j'en ai plus pour longtemps.
Le pingouin derrière jelem s'agite de tics nerveux. Mon pote et moi pouffons dans notre shot de rhum. Elle nous dévisage tour à tour.
— Marre-toi, kn, parce que je pense que ta nuit va être beaucoup moins drôle.
Les yeux ronds, je fous un coup de coude à Ced.
— Qu'est-ce que je t'ai dit ! Elle en veut à mon corps.
Il jette un œil à ma supérieure avant de se remettre de dos pour cacher sa crise de fou rire.
— C'est mort, jaylie. Cette nana te déteste.
— Non, pas du tout... elle...
— Tu es officiellement en état d'arrestation pour un interrogatoire. Alors soit tu me suis, soit je te menotte, me coupe sèchement jelem.
Je lui tends mes poignets.
— Oui, mon capitaine, si tu me prends par les sentiments, vas-y, ligote-moi.
Elle se retourne vers son cerbère.
kira, occupe-toi de...
— Non ! Pas l'autre débile ! C'est bon ! Je viens !
Je me lève brusquement. Merde ! Ça risque d'être périlleux. Basculant d'avant en arrière sur mes talons, je cherche mon argent pour payer. Ced, hilare, me fait un signe négatif de la main. Je bafouille :
— Merci ! On remet ça et la prochaine c'est moi qui paie.
L'équilibre incertain, j'avance en zigzaguant vers l'entrée que je me prends en pleine gueule.
— Putain, c'est écrit « tirez » ! Ça marche pas !
Jelem énervée, me pousse en même temps que la porte.
Ced, n'oublie pas le pari ! C'est dans la poche ! Fingers in the nose !
— Ouais, ouais... Bonne chance ! ...

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Jaylie murder&sex[En ECriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant