Chapitre 34: Sous-X

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Me voilà en thérapie de couple avec ma boss, installés sur un canapé face à la psy. Une déco à la fois moderne, impersonnelle et chic. Si la personnalité de cette nana ressemble à cet endroit, autant dire qu'elle ne doit pas s'éclater. Tout est nickel, bien rangé, même le bureau : on se demande s'il a déjà servi.
— Que puis-je faire pour vous, capitaine Croft et... monsieur Kn , lieutenant ? Comment dois-je vous appeler ? me demande-t-elle poliment.
— Lieutenant, c'est pas mal ! Ça vous permettra de vous rappeler que je ne suis plus un de vos patients, lui dis-je en matant le tableau d'une femme contre laquelle est blotti un enfant.
— Nous avons encore des questions à vous poser dans le cadre de l'enquête, enchaîne Jelem .
— Très bien. Je vous écoute.
Ses grands airs et son côté hyper conciliant m'horripilent. Je m'enfonce un peu plus dans le sofa en la dévisageant. Comme d'hab, rien. Un calme plat, une inexpressivité faciale ennuyeuse.
— Nous voulions savoir si vous connaissiez un certain Sebastian ? reprend diplomatiquement ma supérieure.
Silence. Elle ne bouge pas. Attention à ce que tu vas dire, car nous, on connaît la réponse.
— Oui. Pourquoi ?
— Parce qu'il est décédé cette nuit après avoir avoué être l'auteur des meurtres.
Elle cligne des yeux ! C'est la fête !
Sebastian était un de mes patients. Mais êtes-vous certain qu'il s'agisse bien de lui ?
J'extirpe mon portable de ma poche, agrandis la photo prise en sortant du bar et lui montre. Elle acquiesce discrètement en lissant une mèche de ses cheveux blonds derrière son oreille.
— Que pouvez-vous nous dire sur lui ? Avez-vous son nom ? interroge Jelem
— Je ne comprends pas. C'est troublant ce que vous m'apprenez.
Ah ouais ? Pourtant, tu ne sembles pas franchement perturbée.
Sebastian a été un de mes patients pendant au moins un an. Cela fait six mois que je ne l'ai pas vu. Excusez-moi, je ne réponds pas à vos questions. Non, je n'ai pas son nom. Il a toujours tenu à se faire appeler Sebastian X, certainement pour s'affilier un peu plus à sa mère qui a accouché sous X. Je respectais cela et n'ai jamais exigé son nom adoptif, cela avait très peu d'importance pour le travail que nous faisions ensemble.
— Justement. Quel genre de travail ? 
—Une thérapie classique. Sebastian était un jeune homme très renfermé, mais surtout très seul. Il arrivait de province et cherchait à faire sa vie à Paris. Il n'avait pas de problèmes majeurs, si ce n'est une tendance dépressive et une forte dépréciation de lui-même.
— Pas de problèmes majeurs ? Égorger, émasculer ou éventrer, ce n'est pourtant pas banal. Et il est vrai que cela prouve une structure mentale très saine, dis-je, sarcastique.
— Jamais il n'a évoqué de pulsions agressives ou morbides. Je vous assure, je suis très étonnée.
— Il va peut-être falloir refaire un petit tour dans vos manuels de psycho.
— Monsieur kn ! Je connais très bien mon travail. En thérapie, nous analysons à partir de ce que veulent bien dire les patients. S'ils veulent me mentir, c'est leur problème, je ne suis pas dans la police ou dans l'expertise. Mais cela ne leur apporte rien. Vous savez, beaucoup de personnes s'amusent à penser qu'ils nous manipulent en nous mentant, j'en ris beaucoup. Mentir à son psy, c'est se mentir à soi-même. Cela n'a aucun intérêt.
Mon regard dévie entre ses deux yeux. Jaylie ! Arrête de vouloir exploser la cervelle de tout le monde ! Va faire un tour au stand de tir, ça te détendra.
— Bien. Nous ne sommes pas là pour prendre un cours de psychologie. Docteur Pernelle , comment expliquez-vous que Sebastian ait été un ami de votre mari ? s'enquiert Jelem .
— C'est moi qui le lui ai présenté.
— Donc vous avez pour habitude de présenter vos patients à votre mari, qui les enrôlait dans sa secte ?
Son regard me foudroie, le coude de Jelem percute mes côtes. Non mais, c'est du foutage de gueule son discours.
Sebastian était un jeune homme très croyant en recherche d'appartenance, d'une famille. Il était très seul et surtout très influençable, alors avant qu'il ne fasse de mauvaises rencontres, je l'ai présenté à la fraternité de mon mari. Mais je dois reconnaître que j'ai peut-être fait une erreur. J'étais loin de m'imaginer que dans ce groupe, il allait rencontrer le diable en personne.
— Le diable ? Votre mari ? demande Jelem en fronçant les sourcils.
— Non. Cet individu qui a lobotomisé l'esprit déjà affaibli de mon époux.
— Donc selon vous, les idées portées par ce groupe ne viennent pas de votre mari ?
— Si, en partie, mais pas de façon si extrême. Je l'ai su lors des séances avec Sebastian. Son discours de croyant a progressivement dérivé vers l'extrémisme, l'intolérance et la haine. Tout comme mon mari, mais lui avait perdu la tête. En y réfléchissant bien, je pense que cette confrérie doit être pervertie par quelqu'un....
—Vous disiez à l'instant que votre patient était inoffensif et là, vous nous apprenez qu'il avait un discours extrémiste. Je suis désolé, mais ce n'est pas clair, ou alors on ne doit pas avoir la même définition de l'agressivité.
— Sans doute. Parce que je fais clairement la différence entre la parole et les actes. Sebastian n'a jamais émis l'intention de passer à l'acte. Tout comme mon mari ; ils adhéraient à certaines théories mais n'ont jamais fait preuve de comportements violents.
Sebastian avait-il des raisons de vous en vouloir ? intervient ma boss.
— Non, aucune. Il a toujours été très correct. Cela peut vous paraître étrange mais, vraiment, je ne comprends pas.
— Alors pourquoi s'en est-il pris à votre groupe thérapeutique ? En avez-vous une idée ?
— Non, je ne vois pas. Il n'en avait même pas connaissance car il venait ici, pas au centre.
Jelem enchaîne les questions. L'autre dégaine les réponses.
— Les criminologues pensent qu'il éventrait les femmes qui n'avaient pas eu d'enfants et égorgeait les mauvaises mères. Avait-il un rapport particulier à sa mère ?
— Il ne l'a jamais connue et ne parlait pas, ou très peu, de sa mère adoptive. Il disait que c'était une femme forte, proche de la terre. Il est certain que Sebastian devait réprimer une certaine agressivité envers sa mère biologique, qui l'a abandonné, mais il n'a jamais réussi à l'exprimer en séance. Il disait juste qu'elle n'avait pas d'importance, qu'elle ne méritait pas qu'on lui accorde du temps. Jamais de violence ou autres fantasmes morbides. Mais maintenant, quand on connaît ses crimes, il est clair qu'il avait quelque chose à régler avec la maternité vue de l'intérieur et de l'extérieur.
— C'est-à-dire ?
—Son problème se situe peut-être plus au niveau de la matrice, du ventre, de la procréation, et non du maternage. Détruire les organes reproducteurs, c'est en quelque sorte une façon de détruire de là où il vient. Il n'aurait peut-être jamais voulu naître. De plus, égorger des femmes mères, mais déviantes, pouvait être une façon d'exprimer sa colère.
Bon, OK, elle maîtrise le sujet, mais cela ne nous avance pas. Les motivations du tueur, je m'en tape ! Je veux savoir s'il a agi seul.
— Docteur Pernelle , pensez-vous que Sébastien a pu agir pour le compte de quelqu'un d'autre ?
— Je suis sûre d'une chose, c'est qu'il était extrêmement influençable. Donc oui, je pense qu'il aurait pu agir pour quelqu'un d'autre. Une personne qui aurait entretenu, voire attisé son mal-être.
Le téléphone de Jelem vibre dans sa poche.
« — Bien, nous vous remercions et nous n'hésiterons pas à vous recontacter si besoin est.
— Je suis à votre disposition, dit la psy en nous accompagnant sur le palier de son cabinet.
La porte se referme. Jelem décroche.
— Oui, Marius ,nous arrivons.
Bah, voyons ! Continue de me prendre pour ton chauffeur et à me trimballer partout ! J'adore !

***

Marius saute presque de joie en nous voyant apparaître dans son bureau. Oh, lui, je peux plus me l'encadrer. Sa bonne humeur constante me fout les boules.
— J'ai fait tous les dossiers médicaux de tous les Sebastian de France nés vers 1995 et j'ai aussi appelé les familles. Et... vénérez-moi !
Ce mec est un grand malade ! Son cerveau doit fonctionner comme un moteur de recherche, par mots-clés.
— J'ai dégoté un Sebastian amené aux urgences de l'hôpital général pour une bronchiolite sévère à l'âge de six mois par sa nourrice qui a prétendu ne pas avoir avec elle les papiers de l'enfant. Il a été soigné sous le nom de Miniot mais après cela, plus rien, car il n'y avait aucun enregistrement sécu. C'était un faux nom, car M. et Mme Miniot, agriculteurs près de la ville de Yaoundé , n'ont pas d'enfant. J'ai continué à chercher dans la région et je n'ai trouvé aucun dossier scolaire à ce nom. Ce gosse n'existait pas.
— Il a peut-être déménagé, rétorque Jelem
— Sauf que j'ai appelé cette famille, dit-il avec un grand sourire.
— Et alors ?
— Après les avoir fait bien flipper avec le coup de la brigade criminelle, les meurtres, etc., ils ont fini par m'avouer qu'ils avaient récupéré un enfant abandonné nommé Sebastian. Mais ils n'ont plus de nouvelles de lui depuis un an. J'attends la confirmation, je leur ai envoyé une photo par mail et Mme Miniot doit me rappeler. Le temps qu'elle aille je ne sais où, chez une connaissance, car elle n'a pas internet. Vous vous rendez compte ? Pas internet !
Je me marre devant sa gueule horrifiée. Le pire cauchemar du geek : pas de réseau. Ce qui voudrait dire panne sèche de ses neurones. Une lobotomie virtuelle.
— Attends, tu leur as envoyé quoi comme photo ? demande Jelem , inquiète.
— Celle du médecin légiste.
Oh, le con ! J'éclate de rire en imaginant la tête de la mère. Ma boss nous observe l'un après l'autre, atterrée.
Jaylie , ça te fait marrer ? Et toi, t'es débile ou quoi d'envoyer à des parents le cliché de leur fils une balle dans la tête ? s'énerve la grande brune.
— J'en avais pas d'autre et ces gens doivent pas être bien nets car leur môme n'est officiellement jamais allé à l'école et n'a pas de numéro de sécu ! C'est quoi, ce délire ? Ils l'ont trouvé dans les bois ?
— Ce n'est pas une raison !
Son téléphone sonne. Je me bidonne tellement que je suis obligé de sortir.
— Qu'est-ce que t'as fait encore ? me demande Xercès de son bureau juste en face.
— Rien. C'est votre émoticône, il fait du partage de fichiers.
La porte s'ouvre. Manuella Croft dans toute sa splendeur apparaît.
Jaylie , va faire ton sac, on prend le train pour Akak .
Quoi ? Non mais elle a vu la Vierge ?
Jelem , j'ai déjà donné dans le séjour avec toi ! Je n'ai même pas encore cicatrisé ! Demande à Xercès  !
Le grand brun se planque limite sous son bureau. J'interpelle Kira qui passe dans le coin.
— Ou tiens, lui ! Il en rêverait !
« — Gare d'Akak dans une heure ! Magne-toi ! s'écrie-t-elle en retournant dans son bureau.
Diany passe la tête dans l'encadrement de la porte.
— Elle te kiffe, me dit-elle en souriant
— Toi, ta gueule ! File-moi plutôt un anxio car je l'ai sur le dos depuis quarante-huit heures et, je vous jure, si je ne prends pas un calmant, je vais péter une durite.
Aucune solidarité, ils détalent tous comme des lapins. Seul le geek continue de sautiller sur sa chaise en ricanant derrière son écran. Bon, OK, je la massacre pendant vingt-quatre heures et après elle va définitivement me lâcher, la fliquette..

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Jaylie murder&sex[En ECriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant