Chapitre 31 : Post-Trauma

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Lucie, recroquevillée sur elle-même, continue de gémir en se balançant d'avant en arrière. Je m'accroupis près de Jelem allongée sur le ventre, caresse sa crinière brune. Elle ne bouge plus. Merde !
Doucement, je la retourne sur le dos. Elle ouvre les yeux, un léger sourire se dessine sur ses lèvres.
— Tu l'as eu ? me demande-t-elle, la voix tremblante
— En plein dans le mille. Je ne t'ai pas blessée ?
— Non, mais ta balle a tout de même frôlé ma joue, dit-elle en posant ses doigts sur une égratignure à sa pommette gauche.
— Oui, bon, il fallait que ça fasse vrai. Mais j'étais certain qu'on s'était bien compris tous les deux.
Mon regard se pose sur son ventre.
Jaylie. N'y touche pas !
— Il vaut mieux pas. Je t'avoue que j'ai un peu séché les cours sur les explosifs. Les fils rouges ou bleus, c'est pas mon truc.
Xercès ,Diany, kira, suivis d'une bande d'uniformes, déboulent en courant. Ils observent la scène, l'arme au poing.
— Putain,jaylie, Jelem , comment vous allez ? demande Xercès en se précipitant sur nous.
— Moi ça va. Mais appelle illico la brigade de déminage. On a un problème, dis-je en lui indiquant la taille de ma belle brune qui n'ose plus bouger.
— Oh, merde ! Tout le monde dehors ! s'écrie le grand mec en dégainant son portable.
Diany embarque Lucie, hagarde, en plein trauma. La pièce se vide à la vitesse de l'éclair. Bande de trouillards ! Xercès revient, m'attrape par le bras.
Jaylie, tu dois sortir.
— T'es malade ! Et on la laisse toute seule avec sa minuterie ? J'attends ici avec elle ! Toi, va te foutre dans un bunker.
— Mais...
— Dégage !
Jelem se marre, puis se ressaisit immédiatement en serrant les dents.
Jaylie, je te préviens : ne me sors pas tes blagues pourries ! Je peux pas rire.
— T'es sûre ? Ça va te détendre.
Elle rigole de nouveau, donnant le change, mais je vois bien qu'elle n'en peut plus. Ma jolie, ce n'est pas le moment de craquer, sinon tu vas flamber comme une allumette. Je m'assieds, soulève doucement sa tête et la pose sur mes genoux.
— Même respirer me fait flipper. Tu n'imagines pas le nombre de fois où j'ai cru y passer ce soir.
Ses traits se creusent, ses prunelles fixent un point imaginaire, sa respiration se casse. Je tends ma main vers la sienne, elle la saisit, la serre fort.
— Hé, Manuella Croft, t'es arrivée ici sans dégoupiller ! Tout va bien maintenant. On va juste attendre que quelqu'un vienne te débarrasser de cette merde.
Manuella Croft ?
— Ouais, c'est comme ça que je t'appelle. T'es grande, brune, un peu autoritaire et surtout t'as le même cul ! Tu devrais venir bosser en minishort.
— T'es con, rétorque-t-elle en réprimant son rire et en jouant maintenant à faire tourner les anneaux argentés à mes doigts.
— Non, mais c'est vrai. Quand je t'ai vue la première fois avec ton putain de fessier moulé dans...
— Stop ! Qu'est-ce qu'ils foutent, les démineurs ! Parce que je ne vais pas supporter des plombes que tu dissertes sur mon cul alors que je me sens légèrement sur le point d'exploser.
— Et toi ?
— Quoi, moi ?
— Qu'est-ce que tu t'es dit, toi, la première fois que tu m'as vu ?
— Quel branleur !
Mon visage penché au-dessus du sien, nous nous marrons. Mon sourire s'efface à la vue de la charge sur son bide. Un silence pesant envahit la pièce jusqu'à ce que des pas lourds retentissent dans le couloir. Deux Playmobils en tenue de protection, casque à visière sur la tronche, s'approchent de nous. Ils observent Jelem en posant leurs mallettes.
— Lieutenant, il faut sortir, on s'en occupe, m'ordonne l'un d'eux.
— Non, c'est bon, je reste là ! Faites votre boulot !
— Non, vous ne pouvez pas rester, c'est trop dangereux. Et allez établir un périmètre de sécurité autour du bâtiment.
— Hein ? Ça veut dire quoi ? Elle va faire sauter tout le quartier ?
— Dégagez, maintenant !
Jelem lâche ma main, penche la tête en arrière, me dévisage.
Jaylie...
— Oui.
— Fous le camp !
Nous nous fixons un instant. Je balaie une mèche sur mon front et, doucement, je me redresse en maintenant sa nuque entre mes mains, la repose et tourne les talons.
— Je t'attends en bas.
Elle lève son pouce, je sors, énervé, secoué. Je dévale les cinq étages et lorsque j'émerge à l'extérieur, je me fige face aux gyrophares qui tournoient dans la nuit. Sortir de l'action, de la scène dans laquelle t'es prêt à crever, est toujours un moment étrange. Un peu irréel. Dans un état second, j'extirpe une clope de ma poche, l'allume en observant l'agitation autour de moi. Xercès, Diany et même Kira me parlent mais, concentré sur la sensation de la nicotine envahissant mes poumons, je ne réponds pas.
— Mec ! Tu te sens bien ? me demande Xercès en approchant son visage du mien.
— Laisse-moi juste le temps de redescendre ! C'est comme un grand shoot à l'adré ! Je plane un peu.
Il rigole et m'entraîne plus loin. Ma douleur à l'aine se réveille, mes nerfs se relâchent peu à peu. Je suis crevé. Tout le monde discute autour de moi, on me pose des questions, ça me soûle.
Sans dire un mot, je me barre, passe le cordon de sécurité et, m'adossant à une bagnole de flics, je m'allume une autre clope tout en fixant l'énorme bâtisse sombre.
— Mais ne vous gênez pas ! Allez, circulez ! aboie un jeune gardien de la paix en plein zèle.
La cigarette au coin du bec, je le toise sans broncher, sans bouger. Il s'approche et... est brutalement tiré vers l'arrière par le col de son uniforme.
— Retourne dans ta bagnole ! lui crache Xercès avant de venir s'installer à côté de moi.
L'un à côté de l'autre, nous observons le bordel en pensant à Jelem . Nous ne parlons pas, il devine que j'en ai pas envie. En tout cas, pas maintenant. Je dois faire baisser la pression et, pour ça, j'ai besoin de calme. Je repense à ce qu'il s'est passé, aux paroles de ce taré et ma réflexion se met en branle. J'ai dézingué ce fils de pute, mais ce n'est pas fini... Je veux comprendre pourquoi il a fait ça, je veux pénétrer son cerveau et avoir la tête de Kovacevick.
Les minutes paraissent des heures. C'est trop long ! Qu'est-ce qu'ils foutent ? Diany s'avance, chuchote quelque chose à l'oreille de son coéquipier qui tourne la tête vers moi.
— C'est bon, mec ! Elle sort.
Je souffle la fumée, écrase ma clope.
— C'est cool. Je vais pouvoir aller me coucher !
— Tu viens ? me demande mon pote.
— Non, je vais rentrer, je suis mort.
— Comme tu veux. À demain pour ton rapport. On te laisse peinard pour cette nuit.
J'aperçois Jelem , une couverture de survie sur le dos, en train d'engueuler un jeune pompier. Manuella Croft est de retour, on dirait. Je rigole, me décolle de la carrosserie et dégage.
Jaylie ! Attends !
Fait chier ! Qu'est-ce qu'il y a encore ! J'ai deux de tension ! Diany  galope vers moi.
Jelem  veut te voir.
— Putain, je suis naze. On débriefera demain.
— Non ! Ça ne va pas, je crois.
J'oublie mon lit et suis ma petite blonde en râlant. Ma boss est assise à l'arrière d'un camion de pompier dont les portes sont ouvertes, les coudes sur ses genoux, la tête dans ses mains. Je m'accroupis, agrippe ses poignets et libère son visage blême. En effet, elle n'a pas l'air en forme.
Jelem , ça va ?
— Non ! Ces connards veulent m'emmener à l'hosto. Putain, jaylie ,je veux pas ! Je veux pas y aller ! gueule-t-elle, sous tension.
Mais si, finalement, elle va bien ! Mon regard se baisse sur ses mains. Elles tremblent. Je les serre entre les miennes, elle est gelée.
Jaylie, je veux pas y aller ! Dis-leur ! Je veux pas, je veux pas...
En fin de compte, c'est pas top. Elle a peut-être plus sa bombe mais semble sur le point d'imploser. On va droit vers la crise de panique. Instinctivement, je me relève en la chopant par le bras et l'entraîne. J'éjecte un pompier puis Xercès qui viennent à notre rencontre en nous demandant de rester. D'un pas rapide, je l'embarque vers ma moto.
Je vire sa couverture brillante, enlève mon cuir et le lui passe en fermant la fermeture jusqu'en haut.
— Je te ramène chez toi.
Son corps se tend, elle recule d'un pas.
— Non, non ! Il ne sait pas, il sait pas... Je ne veux pas lui parler de mon boulot. Il comprend rien. Ça va le rendre dingue.
Oui bah, pour l'instant, c'est toi qu'es dingue. OK, je lui accorde que ce n'est pas son play-boy qui risque d'être le meilleur psy. Personne d'ailleurs, s'il n'est pas du métier.
— OK ! Calme-toi. Viens, lui dis-je en grimpant sur ma bécane et en lui tendant la main.
— Tu ne me ramènes pas chez moi ? dit-elle, inquiète.
— Non. C'est bon ! J'ai compris ! Tu adores mon canapé !
Elle sourit en se collant à mon dos. Ses bras s'enroulent autour de ma taille. J'enclenche une vitesse et démarre en emportant mon paquet.

Jaylie murder&sex[En ECriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant