Chapitre 16: Enquête de voisinage

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Une journée off à glander. Pas de meurtre, pas de Lucie, pas d'appels de jelem... juste un texto de Sine, que je n'ai même pas lu. Plus rien depuis que j'ai secoué diany sur le ring hier en fin d'après-midi. Marius va commencer à s'ennuyer sévère et changer de chaîne si ça continue.
Vautré sur le canapé, j'ouvre enfin le premier bouquin de ma mère sur le conflit bosniaque. On sonne. Essayant de m'y retrouver entre les Serbes, les Bosniaques, les Croates, je lève la tête en même temps que Caramel.
J'ouvre. Une jeune fille vêtue d'une salopette en jean me dévisage en souriant.
— Salut. Enchantée, je m'appelle Léa. Je viens d'emménager dans une chambre de bonne au-dessus de chez toi et je voulais savoir si tu avais un marteau à me prêter. Il faut absolument que je décore cet endroit. C'est affreux.
— Ouais, c'est bon !
C'est quoi, ce débit de parole ? Je l'invite à entrer, fouille dans le tiroir de la cuisine.
— Ça fait longtemps que tu habites ici ?
— Deux ans.
Tout en cherchant l'outil, je l'observe. Petite, bien nourrie, elle est mignonne. Des yeux marron, des cheveux bruns relevés en chignon désordonné. Pas farouche,elle a un regard et un rire franc, une approche très décontractée.
— Je suis étudiante en arts appliqués. Je viens de Bertoua. C'est top. Je suis trop contente. Tu sais, j'ai galéré pour me trouver un appart, avant j'étais en coloc mais ça a mal tourné.
Une artiste ! Mais bordel, ce qu'elle est bavarde ! Un vrai moulin à paroles.
— Et toi, tu fais quoi ?
— Rien.
— Ah... c'est cool.
— Ouais. C'est intéressant.
Je lui tends le marteau. Elle se marre. Sympa, la voisine. Avec tous les étudiants en art du coin, elle va mettre l'ambiance dans l'immeuble.
— Bon, je te laisse. Merci. Je te le rends tout à l'heure.
Je lui fais signe de la main. À peine a-t-elle disparu que j'appelle mon voyeuriste.
— Salut, marius. C'est qui, cette fille ?
— Je suis déjà sur le coup.
Même si elle me semble bien jeune et inoffensive, pas question de passer à côté d'une éventuelle taupe capable d'infester mes canalisations. J'attends en m'allumant une clope.
— Bon, à priori rien d'anormal. Léa Ngoh. Tout juste vingt ans. Elle vient en effet de Bertoua, étudiante dans une Mise À Niveau en Arts appliqués. Fille de M. et Mme Ngoh, chefs d'entreprise dans le bâtiment. Tu peux te la faire !
Je me marre.
— T'es con, elle sort à peine de l'adolescence.
— Méfie-toi ! Les jeunes, elles envoient, de nos jours.
— Bon, je te laisse. À plus.
Je tourne en rond cinq minutes, m'affale de nouveau dans le canapé. Fait chier, je ne peux même pas aller boire un coup avec un pote. Ils sont tous flics.

Fin de journée. J'aborde le cinquième chapitre de ma mère, aussi chiant que glauque. Ça sonne. J'y retourne.
— Quoi encore ?
— Je te rapporte ton marteau.
Sa bouille doublée de son charme me pousse à la faire entrer. Jaylie, déconne pas, c'est une gamine. Oui bah, je m'emmerde !
— Tu veux boire un coup ?
— Volontiers ! Je meurs de soif !
Sans hésiter, elle s'assied au bar. Je nous sors deux bières et m'appuie au plan de travail en face d'elle. Pas besoin de poser de questions, elle s'enclenche toute seule. Le goulot entre les lèvres, j'écoute. Tout y passe : ses copines, ses cours, ses mecs, ses parents... Étrangement, je la trouve rafraichissante, dynamique, disons même qu'elle pète le feu. Après la troisième bière, je rigole franchement avec elle et son délire sur l'art contemporain.
— En gros, vous foutez rien en école d'arts. Vous tripez des heures sur une tache de couleur sur fond blanc.
— Tu as raison. Tu verrais, il y a des chelous, ils voient des trucs bizarres, genre le mec il voit l'expression d'un sentiment ou la manifestion d'une contestation politique dans un trait. Je suis pas comme ça ! Jaylie, tu fumes ?
— J'en suis à ma cinquième clope depuis que t'es là.
— Non, de l'herbe.
— Ça m'arrive...
— J'en ai une bonne. La prochaine fois, c'est moi qui t'invite.
Ma belle, les soirées étudiantes, c'est pas trop mon trip. Elle mate l'heure, s'agite.
— Ouh là là ! j'ai cours demain. Il est 22 heures et j'ai rien foutu. Merci pour ton accueil.
Léa, tu reviens quand tu veux.
Tout en continuant de se déverser, elle se dirige vers la sortie. J'attends pas qu'elle ait fini, je la pousse gentiment et claque la porte. Oh, putain ! Là il me faut une pause. Cette gamine est top, mais montée sur ressorts. Une boule d'énergie. Elle vient de me foutre un coup de vieux.
*

Après vingt-quatre heures d'enfermement, je décide enfin de mettre le nez dehors. Gonflé à bloc, j'arrive pour ma thérapie avec mes cinglés. Je salue vite fait la secrétaire avant qu'elle ouvre la bouche et m'installe à côté de Romuald déjà au garde-à-vous.
Les candidats à la débauche arrivent les uns après les autres. Heureux de se retrouver, ils papotent, sauf mon voisin aussi livide et insignifiant que mon T-shirt. Clin d'œil de Lucie dans ma direction, reluquage d'Eva. Alex se pointe, la gueule de travers comme d'habitude. Je ne suis pas certain que l'urine soit bonne pour le teint.
Le travelo, la SM, le geek et enfin la psy prennent place.
— Bonjour à tous.
— Bonjour, docteur Abena, répètent-ils en chœur.
Non mais combien de temps je vais me farcir cette blague ? J'espère que le tueur va passer la seconde, parce que ça y est, j'en peux plus.
— Qui veut commencer ?
Échange de regards anxieux entre les participants. On me dévisage avec un peu trop d'insistance.
jaylie, peut-être pourriez-vous parler un peu de vous ?
J'en étais sûr ! C'est mon bizutage. L'attrait de la nouveauté. J'inspire et m'affale sur ma chaise en enfonçant mes mains dans mes poches.
— J'ai rencontré ma voisine hier. Sympa, mignonne. Mais au bout de dix minutes de conversation j'ai dû la foutre dehors parce que j'avais trop envie de me branler, c'est vraiment galère...
Tous acquiescent par solidarité. S'ils veulent, je peux pimenter mon récit en racontant ma soirée avec Alex.
— Je comprends. Tu devrais te construire une image mentale pour y faire appel quand tu sens ta pulsion venir, intervient ma copine Lucie.
Tout le monde valide. Elle reprend :
— Moi je pense à un hérisson chaque fois que j'ai envie de me masturber, et parfois ça marche.
Mon index posé sur mes lèvres, je me concentre pour ne pas exploser de rire. Putain, la nana, pour pas vriller, visualise son clito en porc-épic ! Moi, je fais quoi ? J'imagine ma bite en gourdin entouré de fils barbelés ?
— Oui, tu devrais essayer, ajoute le travelo.
— OK... je vais tenter.
Silence. Mon voisin s'agite un peu.
— Je voudrais parler.
Romuald, nous t'écoutons, l'encourage la psy.
— Je voulais vous annoncer que je quitte le groupe. Je vous remercie pour tout ce que vous avez fait pour m'aider et d'ailleurs je vais me marier, alors tout va bien. C'est le moment pour moi d'arrêter.
J'observe, dégoûté, mon prochain pote sur ma liste de rencontres. Ce type est d'une laideur... Comment a-t-il pu se débusquer une nana? Il est informe, vieillot. C'est louche.
Tout le monde le félicite, même Alex et la SM, trop souvent muets. Le reste de la thérapie est consacré au cas du travelo frustré – car sa femme lui a piqué sa garde-robe.
Au bord de l'implosion, je me lève d'un coup à la fin de la séance. Pas le temps d'interroger Romuald sur ses convictions religieuses, il a déjà filé. La tête farcie, je sors et m'arrête net devant ma moto chevauchée par la nympho.
— Tu m'emmènes faire un tour ?
Ses mains manucurées caressent le cuir de la selle, remontent sur le guidon, effleurent l'accélérateur. Dis donc, le vibro sur pattes, tu tripotes pas ma bécane ! Et pas question d'aller avec cette folle furieuse. Mon attention est soudain détournée par Alex et le geek qui discutent sur le trottoir – non, ils s'engueulent.
— Allez, Jaylie, j'adore les motos. Ça m'excite, glousse la brune.
Plus intéressé par ce qui se passe ailleurs, je m'énerve :
Eva, je me branle suffisamment pour pas avoir envie de finir entre tes cuisses. Alors dégage !
Vexée et surprise par mon ton sec, elle décampe en râlant. Bordel ! J'en peux plus de toutes ces nanas ! Elle alpague l'uro et le fana des ordis. Je m'allume une clope, grimpe sur ma moto. Lucie, voyant le bus arriver, s'échappe en courant. Les trois parlementent et finissent par descendre dans le métro. J'imagine déjà le trio de vainqueurs. OK, j'ai ma dose, je rentre...

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Jaylie murder&sex[En ECriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant