Chapitre 18: Dégrisement

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Des bruits incessants me réveillent en sursaut. J'ai un mal de crâne à me taper la tronche contre les murs. Un gardien de la paix se pointe.
— Alors kn, t'as bien dormi ?
— Ouais, pas mal. Un peu dure la couchette, mais bourré, ça passe.
Il me mate en rigolant derrière la vitre renforcée. La tête dans mes mains, je me revois arriver au 36, l'excitation de l'équipe au complet, et comment j'ai gerbé dans la poubelle de ma boss avant de finir en cellule de dégrisement.
— Bon, laisse-moi sortir.
— Je ne peux pas. Il faut que j'attende les ordres du capitaine Croft. Tu ne tiens pas l'alcool, le Ruskoff.
— Ta gueule ! Va chercher Miss Monde. J'ai fini ma sieste.
— Libère-le, ordonne xercès en entrant dans la salle des gardes à vue.
Légèrement courbaturé, je me lève et rejoins mon collègue. Je dois avoir la tronche défaite et des valises sous les yeux, mais j'ai l'air en pleine forme à côté de lui.
— Ça va pas, mec ? T'as pas bonne mine.
— J'ai dormi deux heures sur un lit de camp. Tout le monde est sur les nerfs ici avec ce nouveau meurtre. Il est 9 heures, tes copains sont là pour les interrogatoires.
— J'ai carrément fait une grasse mat ! Qui s'est fait zigouiller ?
Eva. On a bien failli choper ce salopard. Elle a appelé la police, mais un peu trop tard.
— La nympho ! Fait chier ! dis-je en enfilant mon blouson.
— Tu l'as vue hier ?
— Oui, elle voulait que je l'embarque et j'aurais dû... elle a filé avec Alex et le geek. Ils sont là ?
— Oui. Viens, je m'occupe de ton interrogatoire bidon. On va faire le point.
Nous passons du sous-sol aux étages. La brochette thérapeutique est déjà installée en file indienne dans le couloir. Lucie, en pleurs, se lève, heureuse de me voir.
jaylie. T'étais où ?
— En cellule de dégrisement.
Alex se marre, xercès me pousse sans ménagement dans son bureau et claque la porte.
— Tu veux un café ?
— Merci. Et une aspirine aussi.
Nous débriefons tous les deux. Eva a été égorgée sur son lit. Pas de signes de lutte ni d'effraction. Ouvrir à son agresseur juste après avoir appelé la police, ça ne tient pas la route. J'allume une clope, le cerveau définitivement sorti de mes vapeurs d'alcool après mon quatrième café.
— Elle connait le mec ou la nana qui s'est pointé chez elle, à moins qu'il se fasse passer pour un flic. Mais le mode opératoire du tueur est différent, il y a un peu plus de mise en scène d'habitude. Peut-être qu'il savait qu'il n'avait pas le temps, il a fait au plus vite. C'était vers quelle heure ?
— Elle a appelé vers 22 heures et on l'a trouvée vers 22 h 10. On a des patrouilles qui circulent autour des domiciles de chaque participant du groupe.
— Il a fait vite, quand même. Tu ne penses pas qu'il était déjà là quand elle a appelé ? C'est peut-être lui qui lui a demandé de le faire.
— Possible...
La porte s'ouvre. Jelem, tendue mais toujours aussi bonne malgré ses traits fatigués, entre. Si je lui proposais un petit massage relaxant ? Non, tu vas plutôt t'en prendre plein la tronche pour hier.
— Tiens, kn ! Ça y est, tu as fini par dessoûler ! C'était comment, ce petit séjour en dégrisement ? dit-elle, étrangement calme, en s'affalant sur une chaise et en me piquant une clope.
— Pas mal. J'ai bien dormi.
— Tu as de la chance. Moi, ça fait vingt-quatre heures que je n'ai pas fermé l'œil. J'ai le préfet et le procureur sur le dos. Je sens que je vais dérouiller. On a que dalle ! Ce tueur va finir par avoir ma peau.
Xercès et moi nous regardons en biais, surpris par son découragement. Ce n'est pas le moment que je la fasse chier, même si ça me démange.
— Bon, reprenons. J'ai vu Eva à 19 heures en sortant de la séance de groupe. Elle voulait passer sa soirée avec moi, enfin disons plutôt avec mes attributs masculins. Je l'ai envoyée chier...
— Pourquoi ? Jaylie, tu ne rates pas une occasion normalement !
— Je ne rate pas une occasion ? Tu fantasmes un peu trop sur mon compte, jelem. Non, là j'avais pas envie, ça m'arrive. C'est surtout qu'Alex et le geek se prenaient la tête, ça m'intriguait... ensuite elle est partie avec les deux vers le métro. Reste à savoir ce qu'il s'est passé après.
xercès, appelle Diany. Elle est en train d'interroger le geek. Passe lui l'info. Toi, va faire un tour du côté de la RATP pour visionner leurs bandes de surveillance et voir s'ils sont tous les trois descendus à la même station. Moi, je vais aller m'occuper du Alex qui commence à être bien trop présent dans cette histoire,balance-t-elle en reprenant de la vigueur.
— Et moi ?
— Va prendre une douche. Tu empestes l'alcool. Je t'appelle. On débriefe ensemble vers 17 heures.
Elle tourne les talons. Je sors sans me faire prier, constate que mes amis ne sont plus là et dévale les escaliers. Merde, ma moto est restée devant le bar et mon casque dedans. Je stoppe net en croisant Suzanne, la SM. Moulée dans sa robe noire, élégante, elle pleure comme une gamine au milieu de la cour grouillante de flics. Je pose une main sur son épaule.
Suzanne, ça va ?
Son mascara dégoulinant, elle lève ses grands yeux verts sur moi et tente de se reprendre en lissant ses cheveux blonds impeccablement coiffés.
— Oui, oui, ça va. Merci, jaylie.
— T'es sûre ? Ça s'est mal passé, ton interrogatoire ?
— Non, très bien. Merci. Je suis juste bouleversée.
J'hésite et, devinant sa gêne, je laisse tomber. À peine ai-je fait un pas qu'elle repart à chouiner de plus belle. Je reviens vers elle.
— Ça n'a pas l'air d'aller du tout. Tu veux que je te raccompagne ?
— Je ne peux pas, je peux pas rentrer chez moi. J'en peux plus, je craque. Il est trop dur ,de plus en plus violent. J'y arrive plus...
— Qui ? De qui tu parles, Suzanne ?
— Mon mari... ça va mal finir... je dois partir.
Intrigué, je m'approche à bonne distance pour ne pas l'effrayer.
Suzanne. As-tu des amis, de la famille ?
Elle hoche négativement la tête. Bordel, impossible de prendre super-soumise chez moi. J'ai déjà caramel . Remarque, le tueur pourrait se faire un « deux en un ». Alors que je m'égare dans ma réflexion, élaborant mon éventuelle invitation, elle pose sa main sur mon bras.
jaylie, je vais aller à l'hôtel ce soir pour réfléchir. Ne t'en fais pas. Merci.
Oui, c'est une bonne idée. Ça m'arrange.
— Écoute, je te laisse mon numéro. Tu me tiens au courant. N'hésite pas si tu as besoin.
Elle sourit, accepte et s'enfuit, stoppe un taxi.
*

15 heures. Ma douche prise, ma bécane récupérée, je fonce vers le resto où travaille Romuald. Je ne sais pas encore quelle excuse bidon je vais trouver pour justifier ma visite, mais j'ai besoin d'avancer. Après, je m'occupe de la SM et de son chirurgien qui donne plus dans la boucherie.
J'entre dans l'établissement étoilé, vide à cette heure. Un mec en costard m'accueille, un sourire hypocrite aux lèvres.
— Je peux vous aider ? Le service est terminé, monsieur.
— Je viens voir Romuald.
Il m'inspecte de la tête aux pieds. Quoi ? Mon look te plaît pas ?
— Ne bougez pas, je vais le chercher.
Je patiente en me matant dans le miroir de l'entrée. Je présente bien, pourtant. T-shirt blanc nickel, jean gris peut-être un peu défoncé et blouson en cuir noir. Bon, il me faut une tondeuse. Je ne dois pas inspirer confiance avec ma barbe plus que naissante et ma tignasse trop longue de gitan.
jaylie. Que fais-tu là ?
Oh putain ce qu'il est laid, lui. J'avais oublié. Tout pâle, à moitié dégarni et un pull de grand-père moulant son gros bide tout flasque.
— Je voulais te parler. Tu as cinq minutes ?
Sans broncher, il me suit vers la sortie. J'allume une cigarette et me lance.
— En fait, Lucie m'a dit que t'étais croyant, alors je me demandais si tu ne pouvais pas m'aider.
Face à sa tronche d'ahuri, je continue :
— Je me pose des questions sur moi, ma spiritualité, et j'ai personne d'autre à qui en parler.
— Qu'est-ce que tu veux savoir ? Et tu n'es pas orthodoxe avec ton nom, tes origines ?
— J'en sais rien. Tu crois ?
Il sourit. Bon début.
Romuald, j'ai le pressentiment que la religion pourrait m'aider plus que le groupe, mais je ne sais pas où aller.
— Mais tu es croyant ? On ne le devient pas juste parce qu'on en a besoin.
Oui, bon, tu chipotes mon gars.
— Je pense l'être mais j'ai besoin d'en discuter avec une personne qui est dans la partie. Tu ne connais pas un curé, une paroisse, tu vas où, toi ?
Gêné, il malaxe ses grosses joues laiteuses, se gratte la tête.
— Écoute, moi je vais à l'église du XIe arrondissement, rien de plus. Je ne suis pas un fervent pratiquant, mais je vais demander à ma copine.
— Ah oui. Bonne idée. Elle est croyante ?
— Très. Elle est très impliquée depuis son accident de voiture il y a dix ans. On s'est rencontré il y a cinq mois devant l'église. Elle fait partie d'un groupe fraternel très actif dans les milieux associatifs.
Tiens donc. La future madame est sûrement handicapée – et, à mon avis, plus que croyante.
— Tu connais le nom de son groupe ?
Trop content de me parler d'elle, il ne tique même pas.
— Je ne sais plus, mais je lui demanderai si tu veux.
Il enchaîne sur des éloges à n'en plus finir à propos de sa dulcinée ; je coupe court à la conversation. Il propose de m'appeler, je valide et remonte sur ma moto.
— Merci, Romuald, et tous mes vœux de bonheur avec...
Élise.
— Oui, Élise.
Bien, ça se complique. Romuald s'ajoute à Alex et la psy comme suspect en lien avec les illuminés. Alors que je m'apprête à enfiler mon casque, ma mère m'appelle.
— Oui.
jaylie, j'ai des informations pour toi.
— Bonjour.
— Ah, oui. Bonjour, mon chéri. Quand est-ce que tu passes ? Je ne veux pas parler au téléphone, chuchote-t-elle pour échapper à ceux qui l'ont soi-disant « mise sur écoute ».
— J'arrive.
À peine ai-je raccroché que jelem prend la relève. Barbie flic ne m'évite plus, on peut même dire qu'elle me cherche.
— Oui.
jaylie, on se retrouve au club dans une heure ? J'ai interrogé Alex.
— Je peux pas. Je dois aller chez ma mère.
— Qu'est-ce qu'on en a à foutre de ta mère ? Ce n'est vraiment pas le moment d'aller boire le thé.
— Dis donc, un peu de respect avec ma génitrice ! Retrouve-moi là-bas.
— Non mais ça va pas ! Tu crois que j'ai le temps d'aller papoter chiffons.
Je me marre en imaginant ma daronne et sa passion pour la barbarie.
— Tant pis. Moi, j'y vais. Elle a des infos sur Kovacevick.
— OK. File-moi l'adresse.
Bon, elle, si je veux la serrer, je dois lui parler boulot en même temps. Genre je te fais mon rapport et je te livre mes conclusions en t'arrachant tes fringues...




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Jaylie murder&sex[En ECriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant