Chapitre 14: La planque

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Mon téléphone vibre sur la table de nuit. Je désincruste ma tête de l'oreiller. Il fait nuit. La vision encore trouble, je déchiffre « Lucie » sur mon écran. Putain, j'arriverai pas à avoir une nuit tranquille.
— Ouais.
jaylie. Il faut que tu viennes. Il est là... J'ai peur... je ne sais pas quoi faire...
Ma petite gothique murmure, j'entends ses dents claquer, ses paroles sont presque inaudibles.
Lucie, file-moi ton adresse, j'arrive. Surtout ne bouge pas. Appelle les flics. Non, laisse, je vais le faire...
J'enregistre ma destination en sautant dans mon jean. L'appareil vibre de nouveau.
jaylie, c'est marius. Il y a un problème ?
— Putain, tu dors jamais, toi ? Tu me mates en permanence sur ton PC ? Bon, pour une fois ça sert à quelque chose. Envoie l'équipe au 32 rue Cité-verte. La petite Lucie a de la visite.
— OK, je m'en occupe.
Je raccroche, finis de m'habiller, dévale les escaliers, grimpe sur ma bécane. Deux minutes plus tard, j'arrive en roue libre et tous feux éteints devant chez elle, bien avant mes collègues qui doivent encore se demander quelle bagnole emprunter. Je déverrouille la porte avec mon passe et m'engouffre discrètement dans la cour en rasant les murs.
Ma jauge d'adrénaline en hausse, je m'avance dans l'obscurité et m'arrête devant un petit atelier correspondant parfaitement aux indications de Lucie. Putain, j'espère qu'elle n'a pas déjà son appareil photo au fond de la gorge.
Un dernier coup d'œil aux alentours. Les fenêtres de style industriel sont fermées, aucune marque d'effraction. Je pose une main sur mon arme dans mon dos, l'autre sur la poignée de la porte quand soudain je stoppe mon geste, des ombres surgissent de partout dans un boucan d'enfer. Putain, voilà la cavalerie.
Un canon froid se pose sur ma tempe.
— Bouge pas ou je t'allume !
Pourquoi marius  a appelé ces connards ? Je lâche mon flingue et lève calmement les mains. La lumière de la cour s'allume. Je cligne des yeux en matant les trois copains de la BAC qui m'ont arrêté en plein tripotage dans ma bagnole. Fait chier ! Je suis bon pour un retour au trou. Ils doivent me prendre pour un détraqué.
Le grand balèze se rapproche.
— Mais dis donc, on se connaît. T'es le branleur de Mendong !
Génial ! Un nouveau surnom. Je souris.
— Donc maintenant tu as décidé de faire peur aux jeunes filles ?
— Écoutez, les gars, je ne sais pas ce qu'on vous a dit, mais...
— Ta gueule !
La crosse de son arme s'écrase sur le haut de mon crâne. Je vacille. La vache ! Ça réveille !
— On va te faire passer l'envie de te branler !
— Ça, ça m'étonnerait.
Un autre coup. J'encaisse sans broncher, les poings serrés, laissant mon envie de les démolir se répandre dans mes veines. Je commence à chantonner dans ma tête : « Am, stram, gram, pic et pic et colégram... Ce sera toi qui vas manger le premier ! » Mon regard se fixe sur celui qui se trouve à ma droite. Je lui offre mon plus beau sourire en coin, il plisse les yeux et alors que j'arme mon coup de boule, une voix autoritaire nous fige sur place.
— C'est quoi, ce bordel ! La BAC, qu'est-ce que vous foutez là ? On vous a pas sonnés !
Jelem manuella Croft, toujours aussi sexy, se matérialise, xercès à côté d'elle. Sa queue-de-cheval se balance énergiquement dans sa nuque. Le chef des mastodontes se retourne.
. « — Tiens, la Crim. Il vous arrive de sortir de vos bureaux ?
Bon, sur ce coup-là, il a pas tort, le shérif. Un point pour la BAC ; je me marre en refoulant mon envie de l'applaudir. Xercès, derrière sa boss, grimace en me faisant comprendre que ça va péter.
kn, arrête de te marrer ! Et vous, merci pour votre démonstration de force mais on n'a plus besoin de vous.
— Pas question ! Mademoiselle, vous allez bouger votre joli cul, retourner au 36 et nous laisser faire notre travail.
Aïe ! Ça ne va pas lui plaire, à la brunette. Elle déteste qu'on lui parle de son cul et le type, il sait pas encore qu'il peut finir comme mon téléviseur, à fumer des circuits. Bingo : ma chef se raidit.
— Appelez-moi capitaine et dégagez tout de suite, ou vous allez finir votre boulot avec votre gros cul cloué sur une chaise au service internet !
S'ensuit une engueulade monumentale entre les deux services. Xercès s'associe à jelem. Les unes après les autres, les lumières s'allument dans les apparts. Oh, le bordel ! Je suis limite à me rouler par terre de rire.
Bon, c'est pas que je me fais chier, mais en attendant, tout le monde m'a oublié et surtout personne n'en a rien à foutre de Lucie qui, pendant ce temps-là, se vide peut-être de son sang. Discrètement, je tente d'ouvrir la porte derrière moi. Fermée. Je frappe et après trois secondes, je la sens s'entrebâiller dans mon dos. Prêt à dégainer, j'accueille avec soulagement mon petit lutin.
jaylie ! Oh, je suis contente de te voir. C'est toi qui fais tout ce bazar ?
— Putain, Lucie, c'est cool, t'es vivante. Laisse-moi entrer. Il y a la police nationale qui tourne un western dans ta cour. J'ai pas envie de me prendre une balle.
Cette gourde ne réagit pas. Un coup d'épaule et je pénètre chez elle en refermant derrière moi. Il fait sombre.
jaylie ! Merci d'être venu !
Le petit machin se colle contre moi en enfouissant sa tête contre mon torse. Prenant mon T-shirt pour un mouchoir, elle chouine, couvrant les beuglements de mes collègues.
Lucie, lâche-moi ! Va te chercher un Kleenex.
Elle s'accroche à mes fringues en reniflant. Je souffle en scrutant l'obscurité. Une seule pièce, un placard et une porte au fond sur laquelle je me focalise. Jaylie ! La nana n'aurait pas caché son tueur ou alors elle est complètement conne. Les bras ballants, je me détends et j'attends que l'autre ait fini de se vider. On frappe. J'ouvre.
Jelem, tendue comme un string, m'observe de la tête aux pieds avec mon sac à dos ventral. Je hausse les épaules en me marrant.
— Qu'est-ce que vous foutez tous les deux dans le noir ? Mademoiselle, c'est vous qui avez appelé la police ? Pourquoi ?
Mon post-it, sans se décoller de moi, relève la tête.
— Oui, j'ai eu si peur...
Pfff, c'est bon ! Je l'aime bien, mais elle me soûle. Je la repousse.
« — Mademoiselle, allumez la lumière, rétorque sèchement ma boss en entrant.
Lucie s'exécute en tremblotant. J'émets un sifflement. Sur les murs, des clichés d'énormes bites et de chattes en gros plan. Elle plaisante pas, la minette ! Les mains dans les poches, je fais le tour de la galerie, en profite pour ouvrir, l'air de rien, la porte du fond. RAS, une salle d'eau. Je reviens et m'arrête devant une photographie noir et blanc : un pénis en train de lâcher la sauce !
— C'est très joli, tes photos, Lucie ! Vachement artistique ! J'aime bien l'intensité, le mouvement, dis-je en me retenant d'exploser de rire devant la tronche de ma chef.
— C'est vrai ? Tu aimes ?
— Ouais. Celle-ci, particulièrement. Mais je comprends pourquoi tu te masturbes toute la journée ! Tu vis entourée de...
— Bon, ça suffit ! Monsieur kn, asseyez-vous. Mademoiselle, racontez-moi ce qu'il s'est passé ! me coupe jelem en perte de patience.
Je m'affale dans le canapé et sors une clope. Lucie s'installe à côté de moi, tripote son pull.
— J'étais couchée, je dormais et j'ai été réveillée par un bruit à la porte. La poignée bougeait toute seule, on essayait d'entrer...
La tête dans ses mains, elle se remet à pleurer. Jelem me fait un signe, m'invitant à la consoler. Je refuse, ça l'énerve.
— Continuez, je vous écoute. Vous êtes en sécurité maintenant, reprend jelem d'un ton faussement rassurant.
Je me fous d'elle dans le dos de Lucie.
— Je me suis cachée dans la salle d'eau, j'ai eu trop peur...
— Bon, OK. Mais pourquoi M. Kn est-il là ?
— Je l'ai appelé ! Je savais pas quoi faire.
— Et vous n'avez pas appelé la police ?
— Si, après... jaylie m'a dit de le faire.
Jelem me fusille sur place. Elle va me rendre responsable de la guerre des polices.
Lucie, non, je t'ai dit que je les appelais moi-même.
. « — Ah oui, je sais plus.
La flic sort son téléphone, demande un scientifique pour les éventuelles traces sur la serrure, la poignée. Xercès surgit à cet instant, mon uro Alex au bout de son bras.
— Regardez ce que je viens de trouver derrière les poubelles !
Putain ! Alex ! Mon gars, tu viens d'être promu. T'es vachement plus intéressant que t'en as l'air. Lucie se lève et se jette dans les bras de notre suspect numéro un.
Alex ! Je suis contente de te voir !
Contrairement à moi, lui la serre fort, la réconforte. J'y comprends plus rien. Le visage de ma supérieure se crispe. Elle va péter les plombs.
— C'est quoi, ce bordel ! Vous faites des réunions clandestines ? Embarquez-moi tout ça !
Fait chier ! Je suis bon pour passer le reste de ma nuit au 36 à jouer le jeu des interrogatoires.
— Non. Vous ne comprenez rien. Alex est un ami, s'exclame Lucie en se remettant à chialer de plus belle.
Ma jolie, tu devrais revoir tes fréquentations.
— Et vos amis se cachent dans votre cour, ironise Xercès.
Remarque, celui-là est un peu particulier.
— On a pris l'habitude de s'envoyer un texto tous les soirs avec Lucie depuis les meurtres. N'ayant pas de nouvelles, je suis venu mais... en voyant tous ces flics, j'ai flippé, se défend Alex.
Lui, il cache quelque chose. Mon instinct me met en garde. Jelem me jette un coup d'œil furtif et comprend immédiatement.
Lucie, donnez-moi votre portable.
La petite s'exécute. La capitaine fait défiler les messages. Alex affiche un sourire en coin. Il y a un truc qui cloche. Ce mec n'est pas du genre à accourir pour sauver les demoiselles en détresse. Je l'ai vu à l'œuvre, il a d'autres centres d'intérêt.
La police scientifique arrive, jelem continue son interrogatoire. Apparemment, la relation entre la fétichiste atteinte de masturbation compulsive et l'uro bisexuel est tout autre que je ne le croyais. La gamine est secrètement amoureuse du grand méchant loup. Ça craint, je réfléchis comme un dingue.
— On y va ! Vous passerez faire votre déposition demain à la première heure. Vous aussi, monsieur kn !
Hein ? J'émerge de mes pensées.
— Ouais. Moi aussi, je me casse.
— Je dois y aller aussi. Ça va aller, Lucie ? Tu veux que je reste ? renchérit Alex.
— Non, ça va. On se voit demain.
— Mademoiselle, ne vous inquiétez pas. Une voiture va patrouiller dans votre quartier toute la nuit.
Nous sortons tous les quatre. Sur le trottoir, j'ignore mes collègues qui montent dans leur bagnole.
Alex, je suis en moto, tu veux que je te dépose quelque part ?
— Non, merci. Je vais rentrer à pied. Ça m'a secoué, tout ça, j'ai besoin de marcher.
Toi, secoué ? Attends, je rigole. Beaucoup plus renfermé et distant que lorsqu'on a passé la soirée ensemble, il me serre la main.
— À jeudi, au groupe.
Pas le temps de lui répondre, il a déjà tourné les talons. Mon gars, t'es trop pressé de filer. Où tu vas comme ça ?
Assis sur ma bécane, j'attends qu'il s'éloigne...
                         *

Jaylie murder&sex[En ECriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant