Chapitre 40. Julia

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Mercredi.

Malgré l'insistance d'Axel pendant tout le trajet en voiture jusqu'à la gare, ainsi que l'obstination téléphonique de Caroline qui m'a proposé et reproposé de venir me chercher, je suis tout de même parvenue à monter toute seule comme une grande dans ce foutu train. Je voulais sérieusement avoir un moment de répits seule avec moi-même, persuadée que ça me permettrait de faire le point. Juste deux petites heures pour parvenir à mettre des mots sur ce que je ressens au fond de moi, ce n'était pas trop demandé au vu des évènements.

Au final, quoi ? Absolument rien. Je me sens seulement lessivée, totalement vidée. Pas de colère ni de tristesse, seulement un vide intérieur bien plus déboussolant que n'importe quelle autre émotion.

La colère j'aurais pu gérer, j'ai l'habitude de ressentir de la haine à l'égard de ma mère. La tristesse je connais aussi, je sais facilement la dompter et rebondir mais alors ça, ce rien du tout, il me dépasse complètement.

Le retour de ma mère... Bon Dieu, ce n'est quand même pas rien ! Je n'avais jamais ne serait-ce que songer une seconde que ce jour pourrait arriver. Je m'étais d'ailleurs largement faite à l'idée de ne plus jamais la revoir de ma vie et ce, depuis bien longtemps. Au fil du temps son visage et sa voix avaient même presque autant quittés ma mémoire qu'elle-même avait complètement disparu de ma vie, c'est pour dire. Toutefois, j'aurais pu parier cher que si ce fameux jour venait à arriver, j'en serais d'une manière ou d'une ou autre inévitablement affectée. Mais putain, rien.

-Port-Avenue Mademoiselle, m'annonce un agent de la SCNF qui a contrôlé mon billet un peu plus tôt alors que le convoi ralentit.

Je le gratifie d'un sourire pour s'être souvenu de ma destination et m'avoir évité de la manquer, trop plongée dans mes pensées pour y prêter attention, et attrape mon bagage pour rejoindre la sortie dans un soupir ravalé.

Est-ce que fuir était réellement la meilleure solution ?

Je le croyais sérieusement mais maintenant, je n'en suis plus aussi certaine. J'ai le sentiment écœurant d'avoir été aussi lâche en refusant de l'affronter, qu'elle l'a elle-même été en s'abaissant à la cruauté de son conjoint au dépit du bien-être de sa propre fille.

Constater cette similitude entre ma mère et moi me fait frissonner de dégoût mais surtout, le réaliser me fait amèrement regretter d'être parti aussi lâchement en laissant derrière-moi la seule personne auprès de laquelle j'ai réellement envie d'être en ce moment.

Je m'empresse de chercher mon portable et d'appeler Axel, les mains soudainement tremblantes, comme prise d'une crise d'angoisse de réaliser qu'il est loin de moi. Parce que je l'ai décidé qui plus est. Quelle idiote. 

Les portes s'ouvrent alors que les sonneries retentissent dans le vide, mon cœur qui bat anormalement vite à chacune d'elles.

Répond, je t'en prie !

-Lia ! m'interpelle gaiment Caroline depuis le quai.

Je raccroche tristement à l'entente de la voix robotique du répondeur, tandis que ma meilleure amie me saute dessus alors que je pose tout juste un pied hors du wagon.

-Comment tu m'as trop, trop, trop, manqué ! s'excite-t-elle en nous berçant avec ferveur.

Un sourire parvient à franchir mes lèvres de la retrouver, malheureusement, les larmes se joignent rapidement à cette seconde de plaisir éphémère.

S'en rendant rapidement compte en s'écartement de moi, rayonnante de joie, son visage se tord rapidement d'une moue compatissante.

-Merde, dit-elle seulement avant de me resserrer plus fortement contre elle. C'est une conne, je la déteste. Tu veux que j'aille lui casser les dents pour toi ?

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