Mardi.
Contrairement à moi, ma sœur a toujours pu compter sur sa bonne intuition pour s'éviter des problèmes. Déjà plus jeune, elle avait un meilleur flair que le mien. Comme le jour où j'ai décidé, à seulement huit ans, de tester la fiabilité des caméras du supermarché en cachant un sachet de bonbon dans ma capuche, malgré l'avertissement de Zoé qui m'avait discrètement réprimander et signaler que c'était une mauvaise idée. Elle ne m'a pas balancé à notre mère mais, bien évidemment, le vigil nous a rapidement rejoint à la caisse.
Ou comme quand j'ai décidé de devenir ami avec le petit nouveau de mon collège.
Ce bon vieux Louis Corset, rebaptisé « le timbré » par toute l'école, était un blondinet démesurément grand et mystérieusement baraqué pour un gamin de quatorze ans. Ainsi qu'un adolescent indéniablement perturbé puisqu'il nous avait lui-même confié, et ce fièrement et avec un sourire lugubre à faire froid dans le dos, qu'il avait été renvoyé de sa dernière famille d'accueil pour avoir tabassé le fils aîné de ses tuteurs à coup de dictionnaire. Autant vous dire que personne ne voulait l'approcher. Mais moi, allez savoir pourquoi, je lui trouvait un air sympathique derrière son regard de tueur en série.
En vérité, je crois que je le trouvais seulement « cool » parce qu'il effrayait tout le monde et que personne ne se tentait jamais de l'emmerder. Si ce n'est qu'ils le respectait tous d'ailleurs. Par peur de finir à l'hosto, certes, mais à quatorze ans, tu trouves ça méga classe. Du moins jusqu'au jour où tes parents te passe le savon de ta vie parce que, bêtement, t'as décidé d'accepter de l'aider à mettre le feu au filet des paniers de basket du gymnase et que cette connerie te vaux deux semaine d'exclusion. Chose qui ne serait jamais arrivée si j'avais écouté les conseils avisés de Zoé quelques semaines plus tôt, qui me faisait part de son mauvais pressentiment quant à ma nouvelle fréquentation qui, d'après elle, allait me causer des ennuis.
Cette facilité naturelle qu'elle à de cerner les gens m'a toujours agacé et pourtant, aujourd'hui, je donnerais cher pour qu'elle soit là et me donne son avis face à cette femme livide et émue aux larmes plantée devant nous. Parce que sincèrement, je n'ai aucune idée de ce que je suis censé penser d'elle. Plus que jamais, mon intuition est à zéro.
-Julia... bredouillais-je tellement bas que je ne suis même pas sûre que le son ait franchi mes lèvres.
Je n'ai aucun doute sur l'identité de cette femme. Sans jamais l'avoir rencontrée ni même avoir vu ne serait-ce qu'une photo d'elle, je sais parfaitement qu'il s'agit de la mède de Julia. Les traits de ressemblances sont si flagrants que même un aveugle le devinerait. Malgré tout, j'ai du mal à réaliser qu'il soit véritablement possible qu'elle soit là, maintenant, comme revenu d'entre les morts.
Et l'expression est sérieusement propice à l'image qu'elle renvoi. Tellement qu'elle me ferait presque de la peine. Elle paraît si... Fragilisée ? C'est comme si son enveloppe corporelle avait été gommée et qu'il n'en restait plus qu'un flou d'elle-même. Fade et sans l'once de vie à l'intérieur.
-Je t'interdis de pleurer.
La voix rude et quasiment méconnaissable de Julia brise tout à coup sévèrement le silence, me sortant de ma stupéfiante contemplation.
En un fragment de seconde, le visage creusé de sa mère disparait sous un masque de fer. Plus aucune expression ne la traverse si ce n'est une ferme détermination à exaucer la requête de sa fille.
Je l'en remercierai presque sur le moment.
Je jurerais qu'une réaction inverse de sa part aurait mit le feu aux poudres et que Julia serait rentrée dans une colère noire.

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Holidays
RomanceIls méritaient bien quelques jours de vacances. Elle venait de perdre son travail. Il venait de se faire larguer par celle avec qui il s'imaginait faire sa vie. Quoi de mieux qu'une maison en bord de mer pour se remonter le moral ? Ce qu'ils igno...