62.

1.3K 136 15
                                    

Assis sur le parquet, presque recroquevillé en boule, je sens toujours le souffle de Taehyung sur ma nuque. D'ailleurs, il est saccadé. Peut-être qu'il est effrayé ou excité comme il a voulu me le faire croire. A vrai dire, j'ai failli le tuer et je ne peux garantir le contraire parce que je n'étais pas moi-même. Je pensais réellement être en face de Namjoon, prêt à lui ôter la vie. C'est comme si mon état d'ébriété avait provoqué tout un tas d'hallucinations.


« -C'était quoi ça, Jungkook ? dit Hoseok, en nous rejoignant.

-Qu-quoi ? T'as tout vu ? »


            Il hoche la tête de haut en bas en guise de réponse. Il va me penser complètement fou. Je ne veux pas affronter son regard et deviner l'opinion qu'il doit avoir de moi en ce moment-même. Je n'ai moi-même pas un avis positif sur ma propre personne alors lui...


« -Hoseok, je croyais que tu dormais, intervient mon conjoint.

-J'ai plus le droit d'aller pisser ?

-Tu peux aller pisser sans nous espionner.

-Je t'en prie. J'ai entendu Jungkook crier qu'il allait buter quelqu'un. Tu te doutes bien que ça m'a intrigué, il rétorque. »


            Taehyung souffle longuement, excédé. Déjà que les rapports entre eux sont encore légèrement tendus, cela n'arrange rien. Il va se mettre à psychoter et perdre toute confiance en lui. Je suis bien obligé d'intervenir. Mais, d'un côté, je peux comprendre que mon ami ne comprenne rien à la situation, et s'inquiète. Ce qui vient de se produire n'est pas anodin.


« -Hoseok, ne t'en fais pas. Tout va bien. J'ai eu un instant d'angoisse, c'est tout. TaeHyung m' a calmé.

-Oui, en suçant un flingue pour pas se faire buter. Ecoute, tu sais bien que je ne juge pas vos délires mais là, c'en était pas un, fit-il.

-Putain ! »


            Mon partenaire se relève et hurle sur Hoseok. Il se sent pris en grippe dans sa propre intimité et n'apprécie pas son avis sur le sujet. Je sais d'avance qu'il lui en voudra pendant un certain temps. Il est fort rancunier. De plus, il aime conserver ses fantasmes privés.


« -Maintenant Hoseok, tu vas gentiment aller te coucher. Tu vois, on a pu vivre sans toi, tu n'es pas indispensable. Alors, au lieu de venir juger nos faits et gestes, je te demande de te faire tout petit et de ne casser les couilles à personne, lâche-t-il.

-Tae... Je vais parler avec lui, tu peux nous laisser s'il te plaît ? »


            Il souffle une énième fois, longuement. Je m'attends à ce que son caractère colérique prenne le dessus mais il n'en fait rien. Il se contente de quitter la pièce, les poings serrés. Je le remercie intérieurement pour cela. Je lui revaudrais bien cela. Sa compréhension est rare, surtout dans ce genre d'instants.


« -Ne t'inquiète pas. Tout va bien.

-T'es sûr de cela, Kook ? En tout cas, tu n'es plus le même qu'avant.

-Qu'est-ce que tu en sais ? je soupire.

-J'ai eu l'occasion de connaître le véritable Kook à plusieurs reprises, et j'ai aimé cette personne.

-Qu'est-ce que tu racontes ? Je suis toujours le même.

-Ah oui ? Tu es toujours celui qui se lance des défis ? Qui rit de tout ? Qui ne se laisse pas marcher dessus ? il dit.

-Bien sûr que oui. C'est juste que maintenant je suis ton patron, j'ai plus de responsabilités. Mais rien n'a changé. »


            Ses yeux semblent perdus. J'ai même l'impression de distinguer une once de tristesse sur son visage. Je ne sais comment interpréter cela. Il soupire et me rejoint, accroupi sur le sol de la cuisine. Sa main vient caresser mon dos, tendrement. Comme s'il souhaitait me rassurer, alors que tout va bien.


« -J'ai connu un jour, Jungkook triste. Je lui ai rendu visite et on a bu ensemble, et surtout beaucoup rigolé. D'ailleurs, ce connard m'a fait tatouer une trompe d'éléphant sur le torse. Enfin, même triste, il gardait sa joie de vivre. Il faisait rire les autres, et passait du bon temps.

-On peut toujours être ainsi Hoseok, je te le garantis, je murmure, avec un petit rire.

-J'ai aussi connu Jungkook, un soir à Amsterdam. On fumait, et lui lançait des paris à tout va. Mais cela remonte à presque un an. Depuis, je ne l'ai plus jamais revu. »


            Je fais volte-face, et le fixe. Il se berce d'illusions, je suis toujours le même. Rien n'est perdu dans notre amitié, rien du tout. Je comprends à cet instant, toute la solitude qu'il a dû ressentir en mon absence. Et je remarque aussi que sa pseudo trahison était à contre cœur, il n'a jamais voulu me blesser.


« -Maintenant, étant ton ami, je me permets de te poser une question. A partir de quel moment tu t'es abandonné pour te persuader d'être mauvais ? Et surtout, pourquoi as-tu pensé être mauvais ?

-Hoseok... je-je ne sais pas... je-

-Et bien moi j'ai la réponse. Taehyung est tombé amoureux de toi et t'as modelé à son image. Il a une obsession pour l'alcool, les armes, la mort. Il est complètement instable. Certes, je travaille pour lui et moi aussi j'ai tué. Mais jamais par plaisir. Lui, si. Tu t'es dévoué corps et âme à lui, et tu t'es persuadé d'être son alter ego. Sauf que, Jungkook, je t'assure que tu es quelqu'un de bien, il chuchote. »


            Je sais où il veut en venir désormais, et cela me pince le cœur. Il insinue que Taehyung m'a changé, qu'il est nocif pour moi. Je refuse d'entendre cela, rien n'est vrai. Je devais me retrouver avec lui, c'était mon destin. C'est l'amour de ma vie, je ne le laisserais pas salir son image.


« -Dois-je te rappeler que j'ai tué mon propre frère ? Tu veux mettre ça sur son dos ? Dois-je également te rappeler que je n'ai rien fait pour sauver Jimin ? Alors que j'aurais pu. Puis, tous les hommes que j'ai tué de mes propres mains, crois-tu que ce soit Taehyung qui ait pressé la gâchette ? Tu dis n'importe quoi, je rétorque, vivement.

-Tu as tué ton frère parce que ce dernier avait flirté avec lui. S'il n'avait pas développé cette obsession autour de votre relation, tu aurais agi raisonnablement. Tu n'as pas sauvé Jimin parce que tu savais que tu risquais de ne plus le voir. Et tu as tué tous ses hommes parce que tu savais aussi qu'ils risquaient de le tuer. A aucun moment tu n'as tué pour toi et par toi-même. Tu as tué parce qu'il t'a laissé croire que c'était la norme de le faire quand ça concernait l'un de vous. Rappelle-toi quand tu as su qu'il était trafiquant d'armes, tu étais abasourdi. Je sens que ce Jungkook là est toujours en toi. Et je sais qu'il est bon, et qu'il a une chance de trouver le bonheur. Alors, je t'en prie. Réfléchis correctement, et pense à toi avant de penser à tout le reste. »


            Puis, il se lève et rejoint sa chambre, me laissant seul, totalement ahuri.

le garde du corps | vkookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant