J'ai toujours porté le quartier des Batignolles dans mon cœur. J'estime que son méandre de petites rues et la multiplicité de commerces de proximité rendent ce quartier supportable. Un quartier coloré et vivant, où tout est à taille humaine. Loin des grandes places, des grands magasins, des hyper-marchés, des attractions touristiques ; j'ai l'impression d'être ici dans une petite bulle digeste et réconfortante.
Depuis que je sais qu'André travaille au Comptoir, j'y vais quasiment tous les soirs. Ce qui ne choque personne puisque j'étais déjà une habituée. Je garde pour moi la nature quelque peu différente de ma présence ces derniers jours. Je profite avec excès de son talent pour mettre au point des cocktails délicieux (mon préféré, en ce moment, est à base de vodka, de basilic et de poivre blanc) tout en papotant avec les autres habitués sur des sujets aussi divers qu'intéressants. Avec Sylvain, qui arrive tôt comme moi, nous avons pris l'habitude d'éplucher le journal du jour, conversant sur les sujets d'actualité et les faits divers, en finissant par les mots croisés. Au fil de la soirée, arrivent Chloé, Eddy, Fabien, et tous apportent leurs couleurs aux conversations quotidiennes. Il parait que notre humour s'affûte au fil des verres descendus.
Sous l'œil paternel de Thierry, nous trompons notre solitude à plusieurs. Une ambiance bon enfant, entre habitants du quartier, qui se retrouvent tous les soirs après avoir vaqué à leurs vies respectives, pour embrasser un même bonheur.
Avec André, le jeu de séduction s'est vite installé. Pendant mes semaines de cours, mes journées se terminent tôt et comme le campus n'est qu'à dix minutes à pieds, je passe souvent la porte du Comptoir dès 18h. Aujourd'hui, mon dernier amphi a été annulé, il n'est alors que 16h30 quand je me dirige vers le Comptoir. À mon arrivée, le bar n'est même pas encore ouvert, je vois André à travers la porte vitrée, il vient de recevoir la livraison de fruits et les fûts de bière. Il me fait signe d'entrer.
— Tu es ravissante Alex, l'été te va bien.
D'un mouvement maîtrisé et volontairement félin, j'enjambe les piles qui jonchent le sol de l'entrée. Il tient une caissette remplie de menthe qu'il dépose sur le bar pour venir m'embrasser. Ses baisers, placés à quelques centimètres de mes oreilles, me font frémir. Le parfum délicat de sa peau éveille mes sens après une journée passée dans la torpeur de l'amphi.
— Je te propose un verre ou un détour dans l'arrière-salle ? Me suggère-t-il en plongeant ses yeux bleu-vert dans les miens.
Mon sourire se fige en attendant de parvenir à lire l'expression sur son visage. Je m'imagine déjà baisser les stores et commencer à déboutonner sa chemise.
Il détourne le regard d'un coup. Ce n'était qu'une blague. Quel dommage. Le voilà qui continue la mise en place du bar comme si de rien n'était.
C'est ce genre de réflexion, alimentant la relation d'attente et de sous-entendus qui anime notre petit jeu. Maintenant en flux tendu la limite entre relation amicale et érotique. Malheureusement, cela me rend complètement folle. Folle de désir.
Je me sens rougir et lui demande une bière, peinant à chasser mes pensées érotiques.
La semaine suivante, en sirotant mon deuxième Jamaïcain Mule au Comptoir, j'apprends qu'André a une copine, et surtout, qu'il ne compte pas la tromper. Je manque de m'étouffer dans mon verre avant d'être envahie par un sentiment de colère et d'incompréhension. Pourquoi a-t-il papillonné avec moi de la sorte s'il ne compte pas tomber le pantalon ? Je n'ai pourtant pas été la seule à jouer au petit jeu de la séduction ! La conversation suit son cours sans que personne ne se rende compte de l'énormité de la nouvelle.
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Love
ChickLitOn en connaît tous des histoires d'amour qui commencent bien et qui finissent mal. Mais des ruptures qui commencent bien, vous en connaissez beaucoup ? Et bien, c'est le cas pour Alexandra. Après avoir claqué la porte sur trois années de vie de c...