Chapitre 37 ;

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La mère de Marc m'accueille les yeux rouges et gonflés. Le cendrier dans la cuisine est plein à craquer. Elle n'arrive pas à tout expliquer clairement, mais je sens bien qu'elle fait de son mieux.

Traumatisme crânien, trouvé inconscient, service de neurochirurgie, pronostic vital engagé, attente des résultats, risque de cécité, trente-trois agrafes dans le crâne, soins intensifs, attendre, espérer.

Non, je ne peux pas aller le voir pour l'instant.

Oui, je peux dormir là ce soir, dans son lit.

Mon corps et ma tête sont dans un état que je n'ai jamais encore connu, je tremble, j'ai des sueurs froides, je vomis de la bile. J'essaye de fermer l'œil dans les draps qui sentent Marc.

Il me faut de l'air, respirer, vivre.

Il faut que j'arrive à sortir mon corps de ce trou sans fond dans lequel je me perds.

Je sombre à une vitesse vertigineuse, tragiquement, tristement.

La vie, au-dessus, s'éloigne de plus en plus.

Les images s'effacent petit à petit.

Je vois flou, je pense flou, je perds connaissance.

Autour de moi, les odeurs se font aigres ; les sons s'estompent et je m'enfonce sans parvenir à saisir les bords de mon tombeau précoce.

Un goût étrange m'irrite la bouche, mais plus je sombre et plus l'environnement qui m'entoure devient doux et rassurant.

D'ailleurs, je n'essaye même plus de m'accrocher aux parois qui deviennent de plus en plus lisses et lointaines.

À présent, je ne tombe plus ; je flotte, je me repose, et recommence, malgré moi, à remplir mes poumons de ce qui le sauvera.

Rien ne m'importe plus.

Je ne vis peut-être plus, mais je suis tranquille.

À présent, mon corps baigne dans une immense flaque de sang et de vomi bleu.

Autour de moi, des emballages vides de médicaments et quelques lames effilées.

Une baignoire au fond rouge et mes yeux révulsés.

Il faut que je crie, que j'appelle à l'aide, que je prévienne quelqu'un du drame qui se passe sous mes yeux.

Je suis en train de ressusciter, alors que je ne l'avais pas voulu.

Pour me sauver, il faudrait maintenir une main sur ma bouche, jusqu'à la douce asphyxie que j'attends.

Mais cette conne de vie n'en a pas décidé ainsi ; et la Raison se fraye un chemin, au travers des jugements décolorés qui jonchent mon corps sans espoir.

Je me réveille en sursaut.

Le Rêve se faufile, rampe et part se cacher quelque part au fond de mon cortex cérébral, poussant vers le devant de la scène sa fidèle rivale : la Réalité.

La réalité est pire que le rêve. Ce n'est pas moi qui suis en train de mourir. Pas moi qui décide du sort de la vie ou de la mort. C'est Marc sur le lit d'hôpital, et moi, je n'ai pas le choix que de vivre. Vivre en espérant qu'il survive. Ou peut-être suis-je en train de vivre pour le voir mourir ? Quelle fin choisira le futur pour cette péripétie sordide ?


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