Question alcool, la pomme n'est pas tombée bien loin de l'arbre... Après l'apéro au Spritz, le plat accompagné de Chianti et un Limoncello en guise de dessert, c'est sans grande surprise qu'après avoir dit au revoir à papa, mon humeur joviale m'a conduit tout droit vers mon bar préféré.
« Le Comptoir » a pris place dans ma vie quand nous nous installions avec Marc dans le quartier des Batignolles. Après trois années à fréquenter ce bar plus que tout autre, nous sommes devenus des habitués. Nous ne donnions jamais rendez-vous à nos amis là-bas, mais nous nous trouvions toujours entourés des mêmes têtes – d'autres habitués du quartier – tant et si bien qu'on avait appris à les aimer.
Le premier été, je travaillais en tant que serveuse à La Brocante, le resto juste en face. Déjà, à cette époque, je considérais Thierry, le patron du Comptoir, comme un collègue. Il m'arrivait fréquemment de traverser la rue pour lui demander un seau de glaçons si je venais à manquer, et lui, de me demander de mettre de côté un dessert avant que la cuisine ne ferme.
C'est en toute logique, au comptoir du Comptoir, que je me désaltérais d'une bière fraîche une fois mon service terminé. Même après avoir démissionné de La Brocante, il nous arrivait souvent de nous replier là-bas après nos dîners en amoureux ou juste pour sortir boire un verre en semaine. Nous avions découvert dans l'ambiance chaleureuse et intimiste de ce petit bar de quartier plus d'une raison de revenir chaque semaine et même, de passer rapidement, ne serait-ce que pour dire bonjour.
Il y a des sentiments agréables qui me poussent à penser que les rencontres ne sont pas des hasards, que si nous nous étions installés dans un autre quartier, nous n'aurions sans doute jamais connu le confort d'avoir un bar que nous chérissions tant, dans lequel nous nous sentions comme à la maison et entourés d'amis.
Les derniers mois de ma relation avec Marc ont été accompagnés de tant de crises, de colères et de soirées à pleurer que je n'ai pas mis les pieds dans le quartier depuis des lustres. En tournant à l'angle de la rue Nollet, je compte sept semaines depuis ma dernière venue.
En entrant dans le bar, je constate qu'il y a moins de monde que d'habitude pour un jeudi soir. Par une soirée si douce, il est évident que la clientèle habituelle a dû chercher un bar avec terrasse. En plus de ne trouver aucune tête connue, Thierry n'est même pas là pour servir les quelques clients qui ont daigné renoncer à s'asseoir en terrasse. Que s'est-il passé durant ces semaines d'absence ?
Je m'installe sur un des tabourets du bar en affichant une mine déconfite. Bien qu'il ait changé de coupe et de look vestimentaire, je reconnais André en un instant. Un ami commun nous a présentés l'été dernier. Déjà, à l'époque, et bien qu'alors en couple avec Marc, je n'avais pas été insensible à son charme.
Me voilà soudain déstabilisée ; toute la retenue qu'exigeait alors ma fidélité se retrouve d'un coup relâchée dans mon système. Je peux sentir le sang affluer sous mes tempes, comme un boomerang d'émotions qui me revient en pleine face. Je ne m'attendais pas à voir André ici, dans « mon bar », à servir qui plus est !
J'attends, en essayant de cacher mon trouble, qu'il finisse de servir le couple à l'autre bout du bar, mais au lieu de me demander ce que je veux boire ou me donner une explication sur la situation que j'ai, de fait, identifiée comme anormale, il prend son temps pour faire tout le tour du comptoir et vient me faire la bise.
— Comment va ma belle Alexandra ? Ton homme n'est pas avec toi ce soir ?
La pression de sa main sur ma hanche, trop insistante pour être innocente, me fait frémir. Je me sens rougir. C'est la première fois que je « sors » depuis ma séparation. Mes pas joyeux m'ont guidée jusqu'à l'angle de cette rue, car c'est bel et bien le chemin pour rentrer jusqu'à chez moi ; et un automatisme aviné est sûrement responsable de ma présence ici, au Comptoir. Mais c'est juste à ce moment précis, au moment où ces quelques mots sortent de la bouche d'André, que je me rends compte que je n'ai pas le moins du monde anticipé ce qui allait suivre. Je ne me suis pas du tout préparée au moment où il faudrait que je révèle mon célibat.
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Love
Literatura FemininaOn en connaît tous des histoires d'amour qui commencent bien et qui finissent mal. Mais des ruptures qui commencent bien, vous en connaissez beaucoup ? Et bien, c'est le cas pour Alexandra. Après avoir claqué la porte sur trois années de vie de c...