Même si j'ai ralenti la cadence, je ne récupère pas aussi vite que prévu ; je me sens toujours sans vitalité, comme si le rendu du mémoire avait eu raison de mes dernières forces, aussi, prévoyais-je de passer le week-end à me reposer. Pourquoi ne pas aller au marché et me cuisiner un bon petit plat, buller sur mon balcon en écoutant Strawberry Fields Forever, et surtout, DORMIR.
C'était sans compter le message de Marc jeudi soir :
« Alex, j'ai toujours les places pour le concert de demain, j'y ai bien réfléchi, je voudrais quand même qu'on y aille ensemble. Appelle-moi. »
Bien avant notre rupture, Marc avait acheté deux places pour le concert d'Edward Sharpe & The Magnetic Zeros, un de nos groupes préférés. Nous avions découvert ce groupe loufoque à l'occasion d'un festival, l'été de notre rencontre. Alors les premiers à monter sur scène à 14h, car peu connus en France à cette époque. Nous faisions partie de la poignée de spectateurs arrivés tôt et profitions sans le savoir d'un concert presque privé, quelques mois avant que leur succès ne traverse l'Atlantique pour inonder les radios. Notre engouement pour le groupe avait suivi la courbe exponentielle de notre amour. Si bien que pour tous les bons moments rattachés à notre vie amoureuse, une chanson de ce groupe allait en fond sonore.
Entre la rupture et le mémoire, j'avais complètement oublié ce concert. La proposition de Marc me semble sournoise et quelque peu déplacée.
Mais d'une, j'ai très envie d'aller à ce concert, car le groupe annonce peu de dates en France, et de deux, une soirée passée avec Marc à écouter de la musique live est toujours une soirée réussie. Une petite partie de moi espère qu'on pourra s'entendre en tant qu'amis, en commençant par une sortie dans un lieu neutre.
J'accepte la proposition.
Nous nous retrouvons à la terrasse de la Fourmi à avaler des Ti 'punchs. Étant tous les deux de grands adeptes du quartier de Pigalle, c'est toujours un plaisir pour nous d'y prendre l'apéro. Nous n'avons cependant pas grand sujets à aborder ensemble, tout simplement parce que notre nouvelle vie n'est pas un sujet approprié pour une conversation entre ex. Marc n'est sûrement pas intéressé de savoir que je me porte bien depuis son départ, et que j'ai déjà une tripotée de prétendants avec lesquels je m'amuse à longueur de semaine. Et s'il en est de même pour Marc, je n'ai en aucun cas envie de le savoir.
À défaut de conversation, les Ti' punchs s'enchaînent et nos paquets de clopes se vident. Arrivés au juste point d'ébriété, nous nous rendons au concert qui se situe à deux pas de là.
Il fait une chaleur tropicale dans la salle de concert. La musique rend la communication verbale quasi-impossible et l'alcool a déjà vaincu toutes nos inhibitions. Il ne faut pas longtemps pour que nos corps trempés se retrouvent, se caressent, se serrent, en rythme avec la musique. À la troisième chanson, nous nous embrassons entre deux refrains : « Home is whenever I'm with you ».
Je laisse ses mains glisser sous mon t-shirt, le long de ma peau brûlante, ses lèvres trouvent systématiquement les miennes, entourés par la foule qui lève les bras en direction de la scène, nous sommes les seuls à nous faire face.
Je retrouve dans ses baisers la saveur si exaltante des débuts, de tous ces concerts et festivals auxquels nous avons assisté ensemble, forcés de rentrer avant la fin, car nous ne pouvions plus attendre pour nous dévorer. Un tremblement de terre silencieux qui prend racine dans mon cœur et fout en l'air tout raisonnement constructif. Toutes les raisons sont mauvaises de se laisser aller de la sorte sous prétexte de l'alcool, sous prétexte du concert, sous prétexte de la chaleur. Mais c'est justement parce que toutes les raisons sont mauvaises qu'il nous est si plaisant de les ignorer.
« I'm a man on fire,
Walking down your street,
I want the whole damn world
To come dance with me."
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Love
ChickLitOn en connaît tous des histoires d'amour qui commencent bien et qui finissent mal. Mais des ruptures qui commencent bien, vous en connaissez beaucoup ? Et bien, c'est le cas pour Alexandra. Après avoir claqué la porte sur trois années de vie de c...