Le lieu où nous avons rendez-vous est annexé à un camping en périphérie de la ville, si loin, que nous ne voyons rien du charme pourtant légendaire de la belle Venise. Nous échangeons la berline des parents de Roxane (qui a noblement surmonté plus de 1400 kilomètres de route en deux jours) contre une camionnette Volkswagen aménagée en maison mobile. Le fameux camper van !
Je garde d'Australie un souvenir délicieux de la multitude de manières dont les vans peuvent être aménagés et décorés, chacun se dotant ainsi de sa propre personnalité. Celui qui nous est attribué est décoré d'une myriade de friandises en chocolat en train de fondre. Un style « Charlie et la Chocolaterie » sous la canicule. Sur le coffre, la phrase « It's not indecent if it's not far enough* » me rappelle l'esprit mi- humoristique, mi- philosophique du van de mes copains d'Australie qui disait « If you try to fail and succeed, which have you done** ? ».
L'intérieur a été rénové récemment, le caisson en bois clair qui nous servira à la fois de sommier et de placard sent bon le neuf. À l'arrière, séparée de l'espace chambre par un rideau, une kitchenette munie d'un petit lavabo relié à un bidon d'eau, deux glacières (une grande et une petite faisant office de frigo et de mini bar), et le nécessaire de cuisson pour deux (assiettes, tasses, bols, couverts, casseroles, poêles et plaques de cuisson à gaz). Cet aménagement ingénieux va nous permettre de vaquer ou bon nous semble sans dépendre des auberges de jeunesse pour dormir et manger.
Une fois nos affaires installées dans notre nouvelle maison sur roues, nous nous mettons d'accord pour la baptiser « Choco » puis prenons la route vers l'Est pour nous rapprocher de la Slovénie, que nous devons traverser avant d'arriver sur la côte croate. Nous faisons un stop dans un magasin spécialisé pour compléter de quelques éléments notre équipement de voyage : des lampes de camping, une douche portative (qui est en fait, une grande poche en épais plastique noir qui se remplit d'eau, se pose sur le toit du véhicule et chauffe au soleil pour permettre de prendre des douches chaudes en fin de journée) ; et pour parfaire notre panoplie, deux chaises longues pliables qui, bien que leur utilité soit discutable, sont en promo et nous semblent être une bonne affaire.
Nous déblayons les quelques heures de route qui nous séparent de la Slovénie dans la bonne humeur et l'excitation propre au début de toute aventure. Une fois la principale agglomération de Trieste passée, un paysage plus rural commence à se révéler et nous choisissons d'emprunter la route de la côte pour découvrir les premiers paysages de l'Adriatique.
La route se poursuit le long d'une colline écharpée, nous nous retrouvons sur une route à deux voies, coincée entre la paroi rocheuse et la profondeur des eaux. Une pluie lourde commence à tomber, des gouttes grosses comme des seaux d'eau inondent le pare-brise entre deux coups d'essuie-glace. Une tempête vient du large et se rapproche dangereusement. Les bourrasques soulèvent des dizaines de mètres cubes d'eau qui se retrouvent projetés sur la route. En temps normal, l'espace qui sépare le bord de la route et le niveau de l'eau doit à peine dépasser quelques mètres, mais par ce temps, les vagues rejoignent carrément le niveau de l'asphalte. Il est difficile de maintenir une trajectoire linéaire tellement la puissance du vent fait tressaillir le véhicule.
Je commence à sérieusement m'inquiéter, mais Rox, au volant, parvient à garder son sang-froid.
Le ciel, la mer et la roche nous prennent en étau. Les véhicules qui viennent en face sont dans le même embarras, nous ressentons les prières jointes au moment de les croiser. Une bourrasque au mauvais moment pourrait très bien rendre la collision inévitable. L'eau a confondu toutes les frontières, impossible de distinguer la nuance entre ciel, mer et terre. Le brave Choco, encore plus dégoulinant que d'habitude, avance prudemment, divisant l'eau sur son passage aussi héroïquement que Moïse.
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Love
ChickLitOn en connaît tous des histoires d'amour qui commencent bien et qui finissent mal. Mais des ruptures qui commencent bien, vous en connaissez beaucoup ? Et bien, c'est le cas pour Alexandra. Après avoir claqué la porte sur trois années de vie de c...