Un léger frisson me tire de mes rêves, je me délecte de cet état de préconsciente, quelques secondes avant d'être véritablement éveillée, quand la conscience se réapproprie petit à petit l'espace crânien, comme on se réinstalle chez soi au retour des vacances.
Je cherche à l'aveugle un bout de duvet pour me couvrir les épaules, mais sans succès. J'ouvre un œil et remarque qu'il est enroulé autour du corps de Roxane, qui elle, roupille encore. J'écarte légèrement le rideau pour jauger l'heure. À la vue de la brume qui caresse encore le gazon, il doit être tôt, peut-être six heures, pas plus ; la chaleur n'a pas encore asséché la délicate rosée.
Je me recroqueville un peu plus sous le bout de drap dont je dispose et reste immobile un moment, à essayer de retracer mes songes. Quelques bribes me reviennent, quelques impressions, quelques lieux impossibles à décrire à présent. Le lien entre le rêve et la réalité s'estompe trop vite, la réalité se referme promptement sur les évènements que mon subconscient a imaginé pendant mon sommeil. Frustrée par la perte de ma mémoire nocturne, je décide de me lever et d'aller profiter des premiers rayons que le soleil parsème sur la rive.
La nuit dernière, nous avons parqué Choco près d'une petite marina rurale, vraisemblablement utilisée par les locaux pour profiter de leurs barques de pêche. En plus des cinq pontons en bois foncé, il y a une cabane au toit de paille qui, d'après moi, sert aux familles des pêcheurs pour déjeuner et se réunir sur la terre ferme au retour de la pêche. Quant à nous, il nous sera utile pour réapprovisionner l'eau de la douche et des bidons.
Je mets une petite casserole d'eau à chauffer tout en m'éveillant à la beauté du lieu. La brume se dissipe rapidement pour dévoiler la délicate symbiose du rivage. Des pélicans finissent leur nuit sur les galets, les herbes hautes bruissent sous la légère brise, des odeurs de sel et de résine se mélangent et m'enivrent d'un sentiment de bonheur intense. Je me promène le long du rivage, tasse de café à la main, observant le soleil se refléter à la surface de l'eau.
Je trempe le pied dans l'eau ; fraîche, mais agréable, avant de retourner au van pour constater que Rox est encore endormie. Je dépose ma tasse vide, avant de retourner vers le rivage. D'un seul élan, je retire tous mes vêtements et profite de ce moment seule pour piquer une tête depuis le ponton le plus éloigné. La sensation de l'eau me revigore, je nage en savourant ce moment particulièrement agréable ; où ni le passé ni le futur n'existent plus. Je me sens illuminée de l'intérieur, forte et éternelle. Je suis l'eau, l'air et le soleil à la fois.
Certains appellent ça les petits plaisirs de la vie ; moi, j'appelle ça l'incommensurable réalité du bonheur.
Je me mets en position de planche, les oreilles submergées, le son opaque de l'eau me coupe du monde extérieur. Je sens le soleil polir du regard mon corps présenté à lui nu et purifié. Le contraste entre la fraîcheur de l'eau et la chaleur des rayons de soleil me donne des frissons, ma peau est parcourue d'un frémissement semblable à celui précédant un orgasme.
En sortant de l'eau, je constate que ma mue est complète. Je ne suis plus la même personne qui a plongé du ponton quelques instants auparavant. Débarrassée de toute la crasse citadine, purgée de mon malaise assumé, les mois passés ont été classés et archivés. Je ne ressens plus le fardeau du passé sur mes épaules, je me sens libre d'avancer, insouciante et affranchie.
Au bout du petit chemin en terre, une voiture s'approche en soulevant un épais nuage de poussière. Le silence du lieu commence à être envahi par les voix des nouveaux arrivants. À peine quelques heures que nous avons élu domicile ici et je m'approprie déjà le terrain, en pestant presque contre les intrus, alors que vraisemblablement, il s'agit plutôt de Rox et moi, les intrus.
Il est temps de remettre un t-shirt et me diriger vers l'amas de chocolat fondu qui attend paisiblement entre les roseaux. Je passe la tête dans l'habitacle et surprends Rox en train de s'étirer. Je nous sers un café, que nous savourons en échangeant sur la destination que nous souhaitons prendre pour la journée. Quinze minutes après, nous voilà prêtes à reprendre la route.
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Love
ChickLitOn en connaît tous des histoires d'amour qui commencent bien et qui finissent mal. Mais des ruptures qui commencent bien, vous en connaissez beaucoup ? Et bien, c'est le cas pour Alexandra. Après avoir claqué la porte sur trois années de vie de c...