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PDV Tarik

Je tendis la liasse à Merco qui recompta rapidement la somme. Cela faisait bientôt un an qu'on traitait ensemble. Bien que je ne connaissais pas son vrai blase, il avait toujours été réglo avec nous. Il s'occupait de nous trouver de bonnes caisses pour nos trips à Malaga. Qui disait bonnes caisses, disait voitures puissantes et intraçables. La plupart d'entre elles était volée aux quatre coins de l'Europe puis il les faisait rapatrier à côté de Paname pour les monter en puissance si besoin ou pour les ré-immatriculer directement avec des numéros déjà existants. Ce fou avait même la machine pour faire des plaques homologuées dans son atelier. Son garage ne payait pas de mine comme ça mais quand on traversait le premier bâtiment qui faisait office de couverture puis la cour qui ressemblait plus à une casse qu'autre chose, on arrivait dans un second hangar et là c'était Disney sa mère : des Porsche, des BMW préparées, Maserati, des Mercedes AMG, certaines sur des ponts, d'autres couvertes par des bâches. À chaque fois que je venais ici, j'avais des yeux de gamin, me promettant qu'un jour j'en aurais une que je ne serais pas obligé de faire crâmer les jours suivants. Karim et Mess aussi étaient comme des oufs à faire le tour des voitures en faisant bien attention de n'en toucher aucune, ordre de Merco. Il nous avait simplement précisé que ce serait dommage que nos empreintes se retrouvent sur la mauvaise caisse. J'avais bien compris par là qu'il nous avertissait. Je savais qu'on n'était pas ses seuls clients et que la plupart d'entre eux comme nous, n'achetaient pas ces bagnoles pour une virée familiale avec femme et enfants. Il était clair que si nos empreintes se retrouvaient sur une caisse qui avait servi genre à un braquage, je ne donnais pas cher de nos gueules avant que la flicaille ne débarque au Zoo pour nous cueillir. On avait déjà suffisamment à gérer avec nos bails, c'est pour ça qu'avec le gang, on ne prenait aucun risque, on faisait brûler systématiquement les caisses, malgré un petit pincement au cœur à chaque fois de voir ces petits bijoux partir en fumée.

- C'est tout bon, conclut Merco en me tendant la main.

- Allez niquel, fis-je en lui serrant la paluche. On sort par derrière comme d'hab' ?

- Tu connais la musique, ricana t-il. Allez bougez de là, j'ai quelqu'un qui arrive d'ici une heure et il me reste deux trois bricoles à faire.

Il regarda sa montre comme pour confirmer ses dires. Ce bâtard avait toujours sa putain de montre énorme au poignet, en platine si j'en jugeais d'où j'étais. Et le moins que l'on puisse dire c'est que cette montre tranchait clairement avec son bleu de travail et ses mains pleine de cambouis. Seules sa tocante et sa dent en or laissaient entendre la quantité de fric que ce mec pouvait brasser avec son activité. Comme nous, il avait trouvé un filon et prenait les risques nécessaires à son business. Les gens ne se rendaient pas compte, mais il y avait une vraie économie parallèle dans le crime qui brassait des centaines de millions voire des milliards avec les différents trafics entre la drogue, les faux papiers, les armes et des trucs bien plus bre-som comme les putes, les animaux et même le trafic d'organes. Rien que d'y penser, ça me foutait la gerbe. Déjà que je me sentais comme un fils de pute à vendre la mort au détail car faire le mal te bouffe le ventre mais ça, ça me semblait être les limites à ne pas franchir. Et encore je disais ça, mais je ne savais même pas où étaient mes propres limites, allant de plus en plus loin chaque fois. On se rassurait en disant qu'on avait la mif à protéger ou à faire graille mais la vérité, c'était surtout l'appât du gain. On avait rien mais on en voulait encore. Merco me sortit de mes pensées en posant les trois trousseaux dans ma main alors que mes shabs s'étaient approchés de moi les yeux brillants comme deux gamins au pied d'un sapin de noël un 25 décembre. Ils prirent chacun une clé dans ma paume pour se répartir les voitures. Il me restait la M5 noire, ce qui me convenait très bien alors que Karim s'était jeté sur la Maserati blanc nacré. On quitta l'atelier par la petite porte de garage qui donnait dans une impasse à l'arrière du hangar si bien qu'on n'avait pas à sortir directement sur la route principale. On espaça nos sorties de cinq minutes chacune en prenant une direction différente à chaque fois afin de ne pas attirer l'œil. L'arrivée restait Corbeil mais nous avions un peu de route pour rejoindre le Zoo. Je passai un coup de fil à Lucas pour l'avertir qu'on arrivait d'ici quarante-cinq minutes. Il me confirma que les garages étaient prêts. Parfait. Le ciel était sombre bien qu'on était en plein milieu d'après-midi, ce qui ne m'empêcha pas de m'amuser un peu sur la route du retour pour voir ce qu'avait la bête dans le ventre. Je ne pus m'empêcher de me taper une barre sur l'A6 quand je vis une Maserati blanche arriver à pleine balle derrière moi en me faisant des appels de phares pour que je me rabatte alors j'étais déjà en vitesse de croisière à 210 en train de fumer ma niaks au calme. J'eus juste le temps de passer mon teh dans l'autre main pour de lui faire un fuck par la fenêtre que Karim me doubla en klaxonnant souriant comme un gosse. Je pouffai de rire de le voir jouer les Lewis Hamilton en pleine journée sur l'autoroute heureusement vide alors qu'il était en suspension de permis depuis trois mois. C'était pas mon dos mais il ne valait mieux pas qu'il se fasse choper sinon il foutait la merde dans nos plans. Je ralentis progressivement m'approchant de mon but. Je sortis pour choper la N104 puis bipa Lucas pour l'avertir de mon arrivée imminente. En entrant du Zoo, je pris directement la direction des garages qu'on avait, pour trouver Lucas maintenant l'un d'eux ouvert le bras levé. Je m'y garai aussitôt pendant que mon cousin refermait déjà derrière moi. Je descendis en le checkant bien qu'on se soit vu ce matin. Il souriait comme un débile m'obligeant à l'interroger :

Sourire à l'enversOù les histoires vivent. Découvrez maintenant