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Jeudi 31 décembre, 18h sur le pied de guerre déjà en tenue de combat. Non, en fait, j'étais tout simplement en blouse blanche comme d'habitude. Seulement, la St-Sylvestre promettait d'être mouvementée. C'était la première fois que j'allais travailler un nouvel an. D'habitude, je faisais partie de celle qui se mettait dans un état pas possible pour « la » soirée de l'année. Or, cette fois-ci, j'allais être de l'autre côté, tout comme nos collègues du Samu, pompiers, ambulanciers et plein d'autres. Les infirmiers du service m'avaient suffisamment briefée cette semaine pour que j'aborde la plus grosse nuit de l'année avec toutes les armes nécessaires. L'effectif était supérieur à la normale mais nous savions tous que cela serait insuffisant. Le gros de notre boulot allait consister à gérer des comas éthyliques et recoudre des gens blessés et ivres à la suite d'une chute ou d'une bagarre. Il s'agissait de soigner de la viande saoule et j'étais loin d'en être ravie car la plupart d'entre eux, en plus de l'alcool, ingérait diverses substances que ce soit de la cocaïne, de la MD, des acides, du shit, ce qui rendait leur comportement complètement imprévisible. L'ironie ou le pire dans tout ça, c'est que ces gens pouvaient obtenir tout ça à l'endroit où j'habitais, fournis par mes meilleurs amis.

Vers vingt-deux heures arrivèrent les premiers « clients » qui de toute évidence n'allaient pas faire le décompte avec leurs amis. L'ambiance était détendue pour le moment et je savourais le calme avant la tempête. Nous fîmes le décompte tous ensemble avec les quelques patients qui avaient repris connaissance avant de tous se souhaiter la bonne année rapidement étant toujours en fonction. Alors que je vérifiais les constantes d'un patient, Moussa s'avança vers moi avec un gobelet en plastique :

- Bonne année Lou ! Me fit-il tout sourire en me tendant le verre.

- Merci Mouss, répondis-je en lui faisant la bise. C'est quoi ?

- Champomy. On verra plus tard pour le champagne, lâcha t-il avec un clin d'œil.


Je pouffai de rire et trinquai avec lui à cette nouvelle année qui débutait. Puis tout s'enchaîna très vite, tête dans le guidon avec des cas de plus en plus nombreux dont certains graves. Nous courions partout faisant appel aux services de sécurité plusieurs fois pour gérer les individus violents. Même la salle d'attente pour les proches était bondée de personnes ivres ou sous prod'. Toxicos et fêtards s'entassaient dans chaque recoin du service des urgences et nous avions carrément la tête sous l'eau entre les lavages d'estomac, les convulsions à traiter et les arrêts cardiaques à défibriller pour les cas les plus graves. Nous carburions au café et aux bonbons pour les sucres rapides afin d'être toujours sur le qui-vive. Et ce fut ainsi toute la nuit. Ma garde prit fin à six heures du matin mais je poussais jusqu'à sept vu la charge de travail qui restait malgré que la relève soit arrivée. Je lançais les collègues s'occuper des patients pendant que j'avançais un maximum la paperasse que nous avions à faire. On n'imagine pas tous les documents à imprimer et à faire remplir par les gens lors d'une admission aux urgences. Cette étape pourtant obligatoire était tellement chronophage ; d'autant plus quand beaucoup des patients n'étaient pas en état de donner les informations nécessaires, tout comme parfois les gens qui les accompagnaient. Je fis néanmoins de mon mieux cette dernière heure. Je quittais le CHU à l'aube, sans prendre le temps de me changer, trop pressée de rentrer chez moi. J'étais exténuée mais la café, qui courait dans mes veines, me maintenait éveillée.




PDV Tarik

Six heures. Lucas me salua avant de rentrer chez lui, complètement défoncé. Bien qu'on avait passé la soirée à bibi comme des noich', ça ne nous avait pas empêché de fêter ça à notre manière. Pilons sur pilons, vodka dans la Vittel et musique devant le hall nous avaient donné le courage de visser, les pieds gelés, toute la nuit. J'étais à présent seul, assis sur ma chaise, moi aussi attaqué, mort de rire en regardant Casper s'éloigner d'une démarche peu assurée. Je me grillais une guinz' au calme, accoudé sur mes genoux en regardant le sol, les yeux dans le vide, un cafard passant entre mes beuj. Le quartier était étrangement calme pour un premier jour de l'année. La plupart était sûrement déjà couché. Pour ma part, j'attendais les derniers cliquos venus combattre la nuit et le froid. Cette nuit était parmi les plus rentables de l'année, on avait explosé nos scores, ce qui me donnait un sourire d'enfer. On avait bien fait d'aller en Espagne, de détailler un maximum afin d'avoir un maximum de doses à distribuer. Et il nous restait encore de quoi enchaîner avec la même soirée. Ouais, on avait charbonné comme des esclaves mais ça en valait la peine. J'avais les poches pleines, enfin la boîte aux lettres était pleine de cash bien que Nabil en avait monté une partie à quatre heures quand il était rentré se coucher. Une autre boite contenait les doses, je n'avais rien sur moi au cas où les bleus débarquaient. Ils avaient sûrement mieux à faire un soir de nouvel an mais ces fils de pute pouvaient encore nous surprendre. Je jetais un coup d'œil à ma montre. 6h23. Lou n'était toujours pas rentrée. Bizarre, étant donné que je l'avais vu partir vers 17h30 hier. Je continuais à enchaîner les clopes dans le froid en regardant le soleil se lever. Plus personne n'était passé depuis une heure si bien que rester à bicraver dans le froid n'avait plus aucun intérêt. Je lâchai un soupir quand je vis la Clio rouge se garer de l'autre côté de la rue. Quand elle descendit, je sifflais suffisamment fort pour qu'elle m'entende. Elle leva les yeux vers moi et je lui fis signe d'approcher. Elle s'approcha encore en habit de boulot en souriant malgré la fatigue qui tirait les traits de son visage. Je me levai à sa rencontre pour lui claquer la bise :

Sourire à l'enversOù les histoires vivent. Découvrez maintenant