Chapitre 4

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Chapitre 4.

Ce soir je m'ennuie. Je m'ennuie vraiment. Pas ce genre d'ennui ou on trouve juste le temps trop long. Non, un ennui bien plus profond. Ce genre d'ennui qui nous prends tellement aux tripes.

Cet ennui qui laisse à notre cerveau la place de fonctionner, de trop fonctionner. Cet ennui qui nous fait réfléchir. Et dans mon cas, réfléchir n'est pas bon. Je ne peux pas me permettre de laisser mon cerveau fonctionner ainsi. Je vais me plomber le moral en faisant ça. Je me connais.

Léo n'est pas là ce soir. Nous sommes en colocation depuis deux ans maintenant. Ça s'est fait si naturellement. C'était la suite logique des choses. Ma mère n'a même pas hésité à me laisser prendre mon envol, car c'était avec Léo.

Valentin passe beaucoup de temps à l'appart avec nous. Il a son propre appartement, mais depuis que nous sommes installés, il est plus souvent chez nous que chez lui.

Quand il vient à chez nous, il dort dans la chambre de Léo. De toute manière, même si nous avons chacun notre chambre, notre espace, rares sont les nuits ou Léo dort dans la sienne.

Nous nous endormons tous les soirs dans mon lit, devant un film ou une série. Au début, c'était juste ça. Maintenant, c'est devenu un rituel. Il n'a pas remis son oreiller dans son propre lit depuis des mois. Mon lit est devenu notre lit.

Et ça me va. La présence de Léo me rassure, me fait du bien. Il est mon point d'ancrage, et l'avoir auprès de moi la nuit, lorsque le poids des mots est trop dur à supporter est apaisant.

Léo m'entend pleurer la nuit. Je le sais, car même si le plus souvent il ne dit rien, il se retourne pour me prendre dans ses bras, il me serre contre lui et caresse mon dos jusqu'à ce que mes sanglots s'apaisent. Il n'en parle pas. Et ça me va.

Je pousse un long soupire en jetant un coup d'œil à l'heure. 22H. Léo m'a dit qu'il rentrerait surement sur les coups de minuit. Il a un rendez-vous, avec Marie, la jeune femme qu'il fréquente depuis quelques semaines. Je ne l'ai jamais rencontré, mais je sais que Marie à l'air d'être quelqu'un de bien. Léo sourit en parlant d'elle.

Je dois trouver à m'occuper. Je ne vais pas rester assis dans ce canapé, à fixer l'écran de télévision jusqu'à son retour. Ça serait bien trop pathétique.

Alors je traîne un moment sur les réseaux sociaux. Je commente quelques photos de mes amis et ne manque pas de féliciter Paul sous la photo de lui et sa nouvelle petite amie. Je suis heureux pour lui, mais mon cœur se serre malgré tout. C'est difficile. Difficile d'agir comme s'il ne s'était rien passé entre lui et moi, alors que j'en garde encore tous les souvenirs, même quelques années plus tard.

Après les réseaux sociaux, me voilà sur Youtube. J'enchaine le visionnage de quelques vidéos. D'abord des sketchs, puis des vidéos de concert de mes groupes préférés.

Mais l'ennui me gagne à nouveau.

Et elle est là, cette application sur laquelle je ne me suis pas connecté depuis plusieurs mois maintenant.

Tinder.

Après tout, quoi de mieux pour lutter contre l'ennui.

J'ouvre l'application, jette un rapide coup d'œil à mon profil afin de me souvenir de mes photos choisies par Valentin et Léo.

Je commence à faire défiler. Mes amis ont rentré comme centre d'intérêt « Filles & Garçons » dans mes préférences.

Je passe les profils, sans jamais mettre un j'aime. Non pas parce que les différents garçons ou filles ne me plaisent pas. Au contraire, beaucoup attirent mon attention, mais à quoi bon liker, toutes les personnes que me propose l'application sont beaucoup trop belles pour moi. Alors je zappe. Tout le monde. Je lis les biographies, rigole à certaines.

Ça dure de longues minutes comme ça. Le mouvement de mon doigt qui fait défiler les profils est devenu comme un automatisme. Parfois, je zappe avant même d'avoir regardé le profil.

Et il arrive.

Ce profil.

Tous mes gestes s'arrêtent net alors que j'allais faire défiler le profil vers la gauche, comme pour les autres. Je bloque, quelques secondes, complétement absorbé par ses yeux. Des yeux d'un vert si profond. Ils fixent la caméra, ils la séduisent. Ils me séduisent. Et son visage. Son visage est magnifique, une œuvre d'art.

Sa peau de porcelaine, sa mâchoire parfaitement tracée, virile. Ses lèvres, pulpeuses, rosies.

Je ne peux empêcher mes yeux de scruter sa photo pendant de longues secondes.

Harry

Même son prénom me donne des frissons.

Je clique sur son profil, afin d'accéder à sa bio et ses autres photos.

Et sur chacune des 6 photos qui complètent son profil il est plus beau encore.

Dans sa biographie, il se décrit comme quelqu'un de passionné. Passionné par la vie, par les animaux et tout ce qui l'entoure. Passionné des voyages et des beaux endroits. Il dit qu'il aime être en compagnie de ses amis. Il dit qu'il cherche l'amour. Il cherche quelqu'un qui prendra plaisir à découvrir le monde à ses côtés. Mais surtout et avant tout, quelqu'un prêt à être aimé, car il est doux, tendre et romantique.

Je cligne des yeux plusieurs fois. Indécis.

L'envie de liker son profil est tentante. J'en ai très envie. Mais d'un autre côté, ma petite voix continue à m'assaillir. Ne fait pas ça Louis, aucun intérêt. Tu es bien trop dégoutant pour ce garçon.

Tu es moche Louis,

Tu es gros,

Dégoutant.

Tu es une pute Louis.

Il ne likera pas en retour, c'est la honte.

Je ferme les yeux, brusquement. Fort, très fort. J'essaye de chasser tous ces mots de ma tête. Je dois les chasser. Ils me pourrissent la vie.

Mais il a raison.

Aucun intérêt pour moi de liker ce profil. A quoi bon de toute façon ? Harry, ce garçon aux beaux yeux verts et aux cheveux bouclés ne likera jamais mon profil en retour.

Il n'y a aucune raison qu'il soit attiré par quelqu'un comme moi.

Ou s'il le fait, ça serait uniquement par pitié. Pitié de moi. Pitié de voir la personne que je suis.

Je ne dois pas m'imposer aux autres. Je ne peux pas demander aux autres de m'apprécier, de me donner de l'intérêt. Je ne sers à rien. Je ne suis rien, à part ce Louis, trop moche, trop gros et dégoutant.

Je soupire longuement. Je ferme les yeux et bascule ma tête contre le dossier du canapé quelques secondes. Les idées se bousculent dans ma tête. Je pèse le pour et le contre.

Et l'évidence se présente à moi. Les pours ne font pas le poids face aux contres.

Alors je ré ouvre les yeux, et au moment où je m'apprête à zapper son profil, mon doigt glisse dans le mauvais sens. Et je like.

Pris de panique, je m'apprête à chercher dans les options de l'application comment supprimer un like, quand tout à coup...

C'est un match ! Harry et vous avez liké, commencez dès maintenant à discuter.

LE POIDS DES MOTSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant