Hasard

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Après avoir appris qu'il ne dormirait plus dans son dortoir, mais dans les appartements du parrain de son père, Scorpius avait quitté le bureau du Maître des potions l'esprit troublé, pour déambuler au hasard dans les couloirs déserts.

Mis à part Blaise, il n'allait pas réellement regretter ses camarades de maison. Pansy était un peu trop collante à son goût et bien trop curieuse. Crabbe et Goyle... il savait qu'ils avaient suivi son père comme de bons petits chiens durant ses années de scolarité, mais il s'était éloigné d'eux, mal à l'aise de voir avec quelle dévotion ils obéissaient à ses ordres.
Quand à Nott, son père n'avait jamais parlé de lui, et Scorpius était souvent mal à l'aise face au garçon taciturne, qui l'observait avec attention dès qu'il entrait dans son champ de vision.
Les autres Serpentard restaient à distance, le saluant toujours avec un respect forcé. Scorpius avait vite compris que l'influence de Lucius s'étendait jusqu'à Poudlard, et il tirait bénéfice de cette position privilégiée pour ne pas se faire remarquer.

Apprendre qu'un autre avait été marqué à sa place le rendait légèrement nauséeux. Rogue n'avait pas donné de détails, et Scorpius espérait que ce changement radical par rapport à ce qu'il savait n'aurait pas de conséquences trop lourdes.


Le jeune homme nota que le repas n'était pas terminé encore, mais il ne se sentait pas le courage de se rendre dans la Grande Salle et d'attirer tous les regards. Assurément tout Poudlard devait déjà être installé, et son arrivée tardive provoquerait bien trop d'interrogations.
Résigné, il se rendit à la Bibliothèque et s'y glissa silencieusement, ignorant le regard suspicieux de Madame Pince, pour s'installer et sortir des parchemins de cours. Autant s'occuper de façon utile, en attendant de pouvoir trouver Harry pour lui demander des détails sur les raisons de son exil de sa propre maison.


**

En regardant son filleul sortir, Rogue, sourcils froncés, réfléchissait déjà à la façon dont il allait cacher son petit tour de passe-passe. Il s'agissait de protéger Drago pendant une longue période, au nez et à la barbe de Dumbledore.

Bien évidemment, il aurait pu ignorer l'avis de Potter et s'en remettre au Directeur comme il l'avait toujours fait. Après tout, il était devenu son espion et le vieil homme avait tenu parole : malgré ses fautes, Severus n'avais pas terminé à Azkaban. Il avait un emploi respectable, et même s'il n'était pas apprécié c'était plus à cause de sa perpétuelle mauvaise humeur que de son passé sombre.

Si certains se plaignaient toujours d'un Mangemort comme lui en liberté, Dumbledore s'assurait de le défendre calmement, répétant à l'envi qu'il avait totalement confiance en son Maître des potions.

Cependant, Potter avait raison. Si le vieil homme décidait qu'un second espion serait bénéfique pour le plus grand bien qu'il prônait, il n'hésiterait pas à renvoyer Drago à ses parents avec un large sourire, pour ensuite lui proposer l'absolution à condition de risquer sa vie.

À l'époque où il avait rejoint les Mangemorts, Severus n'avait personne dans sa vie qui puisse s'inquiéter de lui. Sa mère était déjà décédée, les maraudeurs étaient plus mauvais que jamais et il s'était brouillé avec sa douce Lily.
Ça avait été un geste de désespoir qu'il avait rapidement regretté. La vengeance qu'il avait espéré contre son père ne lui avait laissé qu'un goût amer, et il avait rapidement compris qu'il était devenu un esclave.

Lorsqu'il s'était présenté devant Dumbledore pour sauver Lily, personne encore une fois n'avait été là. Personne ne s'était soucié des risques qu'il prenait, ou de la vie qu'il mènerait.

Quelle que soit la rancœur qu'il avait envers le fils de James Potter, il ne pouvait pas s'empêcher de se sentir reconnaissant qu'il soit aussi décidé à protéger Drago.
Les mots de Potter lui tournaient en tête, et il se demandait quelle aurait été sa vie si quelqu'un avait été là pour l'empêcher de se sacrifier. Pour veiller sur lui de cette façon.

Lorsqu'il pensa que Lily aurait été la seule à se soucier de lui, Severus quitta son bureau et partit à grands pas dans les couloirs de l'école, sa cape volant derrière lui. Son expression sombre dissuadait les élèves de rester sur son chemin ou même de tenter de lui adresser la parole.

*

Lorsqu'il avait quitté la Grande Salle, l'estomac trop noué par l'inquiétude pour manger, Harry avait erré sans but dans les couloirs de l'école, désoeuvré.
Il était sur le point de rejoindre son dortoir pour y prendre la carte du Maraudeur quand il vit son professeur de potions arriver.

Son air sombre, sa mauvaise humeur affichée même, ne rebuta pas le Gryffondor, et il se précipita, ignorant le grondement d'agacement de Rogue.
- Professeur ?

L'homme grinça presque des dents et il fusilla le gamin du regard.
- Potter ? Puis-je savoir pourquoi vous n'êtes pas en train de manger comme vos autres camarades ?

Le gamin lui rendit son regard noir, ses yeux vers assombris par la colère, mais son ton était poli lorsqu'il répondit.
- J'attendais de voir Drago. Je voulais savoir si...

Severus resta impassible, bien qu'intérieurement il enviait son filleul d'avoir su s'attirer l'amitié du Gryffondor. Depuis qu'il le connaissait, il avait vu à quel point il protégeait ses amis, après tout.
L'homme eut un rictus sarcastique et plissa les yeux.
- Vous devriez trouver une occupation autre que traîner dans les couloirs si vous ne voulez pas que je retire des points à votre maison, Potter.
- Mais...
- Dernier avertissement. Circulez !

Severus nota avec satisfaction que le Gryffondor serrait les poings et il s'attendit à ce qu'il insiste. Cependant, Potter hocha sèchement la tête et fit demi-tour en s'éloignant à pas raides.
Avec un soupir résigné, le maître des potions le rappela.
- Monsieur Potter ?

Le Gryffondor s'immobilisa, mais ne se retourna pas, attendant juste. Il pensait probablement écoper d'une retenue ou d'un retrait de points, aussi Severus laissa quelques secondes passer avant de reprendre la parole, se délectant de la tension dans les épaules du gamin.
Il susurra presque la suite.
- Monsieur Malefoy a été informé de la situation ainsi que du fait qu'il ne... dormira plus avec ses camarades à compter de ce soir. Je suppose qu'il a décidé de rester un peu seul avant de devoir faire face à ses camarades.

Les épaules du jeune homme semblèrent se détendre et il se retourna brusquement pour dévisager son professeur. L'air sérieux, il hocha la tête.
- Merci Monsieur.

Avant que Severus ne puisse protester ou dire quoi que ce soit, il détala, ignorant le reniflement agacé de l'homme.


Prompt de demain : corridors vides

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