A ta place

Préparer le terrain

Harry cligna des yeux stupéfait.

Il n'avait pas vraiment pensé à ce qui se passerait après sa mort, une fois qu'il aurait reçu le sort impardonnable.
Il n'avait pas voulu se poser de questions, parce que c'était bien trop douloureux. Il lui avait fallu le temps d'accepter qu'il devait se sacrifier et le reste... c'était quelque chose qu'il ne pouvait pas envisager. Son courage avait des limites après tout.

Cependant, en ouvrant les yeux après la sensation de chute interminable - juste après avoir été frappé par le rayon vert de l'Avada - il devait avouer que jamais il n'aurait pu envisager ce genre de chose.

Il était dans un monde de blancheur. Un monde immaculé.
Passé le premier choc - tout ce blanc l'avait légèrement ébloui - il reconnut King's Cross.

L'endroit était désert, il était seul au milieu d'une gare d'un blanc aveuglant.

Un bruit étrange, comme un geignement, le tira de ses pensées et il regarda autour de lui. Le long d'un mur, il y avait un banc et il crut voir un mouvement.
Il s'en approcha lentement, et se pencha, avant de reculer, horrifié.

Il y avait une créature qui gigotait en lâchant des petits gémissements plaintifs. C'était une monstruosité de laideur, quelque chose qui - il en était certain - ne devait pas exister dans la nature.
Ça pourrait peut être passer pour un bébé, un bébé horrible, mais il était clair que ce n'était pas humain.

La chose était entortillée dans un tissu usé et sale, détonnant dans l'endroit immaculé.

Hésitant, Harry tendit lentement la main, essayant de repousser sa répugnance. Il était seul avec cette créature, et ça semblait souffrir. Même s'il n'avait pas vraiment envie de l'approcher, il pourrait peut être lui apporter un peu d'aide. Après tout, personne - rien - ne devrait avoir mal de cette façon, sans recevoir d'aide.

Juste avant que ses doigts n'entrent en contact avec la chose, quelqu'un parla dans son dos le faisant sursauter.
- Je ne ferais pas ça si j'étais toi mon garçon.

Harry retira brusquement sa main et se retourna, les yeux écarquillés. Voyant son interlocuteur, il fronça les sourcils, un peu perdu.
- Professeur ?
Dumbledore se tenait devant lui, égal à lui-même, le contemplant par dessus ses lunettes en demi-lune, avec un petit sourire amusé.
- Bonjour Harry. Je suis heureux de te revoir, bien que les circonstances soient... particulières.

L'adolescent jeta un bref coup d'œil à la créature sous le banc, et fronça les sourcils.
- Qu'est-ce que c'est ?
Dumbledore soupira et, comme à son habitude, ôta ses lunettes pour les essuyer. Il eut l'air peiné, puis il haussa les épaules.
- C'est ce que tu devais détruire, Harry. Ne t'en fais pas, il est mourant.

Harry recula, horrifié, décidé à mettre le plus de distance possible entre lui et l'horcuxe. Son visage se froissa.
- J'avais ça dans ma tête ?

Dumbledore ne répondit pas, le regard dans le vide, pensif. Harry pencha la tête, intrigué.
- Professeur ?
Le vieil homme eut un sourire triste.
- Je suis désolé, Harry. Je t'ai laissé avec un poids considérable sur les épaules. Mais... tu t'en es sorti avec brio. Je suis réellement fier de toi, tu sais.

Harry fronça le nez, son ancienne colère se rappelant à lui.
- Vous m'avez envoyé à la mort ! Vous n'avez jamais cherché à savoir si j'allais bien dans ma famille moldue ! Qu'auriez vous fait s'ils m'avaient tué ? Si ces fichus moldus avaient réussi ce que Voldemort tentait de faire ?

Le vieil homme soupira.
- Malheureusement, c'était obligatoire. Tu avais besoin de la protection du sang que ta tante pouvait t'offrir. Un foyer loin du monde magique.
Harry grogna, pas vraiment convaincu par les explications. Il répliqua, agressif.
- Vous m'avez caché tellement de choses ! Que je devais mourir ! Vous m'avez laissé espérer et ensuite... vous m'avez envoyé à la mort !

Cette fois, Dumbledore eut l'air honteux. Il détourna le regard.
- Je suis désolé, Harry. Vraiment désolé. Mais... pour ta sécurité, cette information ne devait être dévoilée qu'au dernier moment. Je... Tu aurais dû l'apprendre juste avant la bataille, pour ne pas te décourager. Pour garder espoir. C'est...
- Je le sais depuis des jours. Et je suis là.

Le vieil homme le dévisagea, et il eut un léger sourire.
- Tu es un garçon étonnant. Vraiment surprenant.

Harry soupira et se frotta le visage, perdu dans un maelström d'émotions.
- Où sommes nous Professeur ? Est-ce que vous êtes mort ?
Le vieil homme eut un sourire malicieux en regardant autour de lui.
- Cet endroit est surprenant n'est-ce-pas ? Une gare... l'endroit où l'on se croise. Où l'on arrive et où l'on part. Un lieu de rencontre par excellence. Le début et la fin de toute chose.

Harry ne répondit pas, attendant la suite des explications du Directeur de Poudlard. C'était incompréhensible, comme souvent, mais au moins, il n'était plus seul dans cet endroit déstabilisant.
Après quelques secondes, Dumbledore haussa les épaules.
- Je ne suis pas mort. Mais je ne suis pas vraiment en vie non plus. Pour l'instant, mon corps est plongé dans un profond coma, alors que le poison se répand en moi. Poppy essaie de me sauver bien évidemment, mais j'ai bien l'impression que c'est un combat perdu d'avance.

L'adolescent baissa la tête.
- Si je ne vous avais pas caché certaines choses, ça ne serait jamais arrivé.

Dumbledore posa une main rassurante sur son épaule.
- Ne t'en veux pas, jeune homme. J'ai eu mon propre lot de secrets. Et je dois avouer que je me doutais fortement que Voldemort enverrais quelqu'un préparer le terrain pour envahir l'école. Je pensais pourtant que ce serait le jeune Malefoy, mais il semblerait qu'il se soit finalement rangé à tes côtés, n'est-ce pas ?

Harry rosit légèrement, mais il fixa Dumbledore, ses yeux prenant un éclat tranchant.
- Drago est quelqu'un de bien.
Dumbledore gloussa doucement, et lui fit un petit clin d'oeil qui fit rougir Harry un peu plus.
- Je n'en doute pas mon garçon. Maintenant, il est temps pour toi de faire un choix. Tu peux décider que tu as accompli ton destin et souhaiter retrouver tes parents. Ou alors... Tu peux choisir de retourner te battre. Terminer la bataille et retrouver ceux qui se sont rangés à tes côtés. Ceux qui pleurent ta mort, tout en continuant à se battre pour leurs vies et leur liberté.

Harry hoqueta stupéfait.
- Retourner... ? Vous voulez dire, vivre de nouveau ? Comment est-ce possible ?
Dumbledore gloussa une fois de plus.
- Le sort de mort a accompli son office Harry. Il t'a touché mais il a tué l'horcruxe, te laissant une chance de survie. Alors ? Que décides-tu ? Il reste peu de temps, mon garçon.

Harry inspira profondément, et se souvint de ce que Scorpius lui avait dit. Il sourit, voulant le retrouver le plus vite possible.
- Je ne peux pas le... les laisser. Je... j'y retourne.

Prompt de demain : Racines profondes