Comment j'ai rencontré ta mère

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Même si Severus Rogue n'avait rien dit sur le moment lorsque Harry avait fait irruption dans son bureau en compagnie de son complice Serpentard, le jeune homme était certain qu'il aurait des problèmes à un moment ou à un autre.
Bien sûr, le Maître des potions s'était adouci légèrement envers le jeune homme, mais il cultivait les apparences et ne faisait pas de cadeau au Gryffondor.

Aussi le jeune homme n'avait pas été surpris lorsqu'il avait récolté une retenue pour une broutille, et il avait baissé la tête, résigné au ton sec de son professeur.
Scorpius lui avait lancé un regard de soutien et ils avaient échangé un léger sourire avant de se concentrer sur leur travail sous le rictus satisfait de Severus.

*

Si Harry avait pu deviner les intentions de son professeur, il aurait été bien surpris. L'homme trouvait parfaitement satisfaisant de donner une retenue à un Gryffondor pour un prétexte futile, mais il n'avait plus rien contre Potter spécifiquement. Pas après avoir pris conscience de ses erreurs, et décidé d'honorer réellement la mémoire de Lily en prenant véritablement soin de son fils. Et dans ce cas, il ne comptait pas vraiment punir le jeune homme. Juste le faire venir dans son bureau pour pouvoir avec une conversation privée avec le garçon-qui-avait-survécu.

L'homme dévisagea chaque élève avec attention, essayant de percer leurs secrets, essayant de deviner qui était prêt à tuer sans hésiter. Mais il ne vit qu'un groupe de gamins, plus ou moins concentré sur leur travail. Des enfants encore innocents, et pourtant l'un d'eux avait vendu son âme au diable.

Il soupira, et se voûta légèrement, trouvant de plus en plus dur de supporter la situation.
Avec le recul, l'homme avait conscience de ses erreurs, et il vivait avec ses regrets. Mais voir ces gosses sacrifiés au nom d'idéaux qu'ils ne comprenaient pas le rendait amer. C'était comme si rien n'avait changé, comme si la mort atroce de Lily n'avait pas ouvert les yeux du monde magique.

Le cours se termina rapidement, pour son plus grand soulagement. Il avait besoin d'être seul quelques instants pour se reprendre, plutôt que de broyer du noir. En sortant, Harry Potter lui jeta un coup d'oeil rapide, et Severus hocha lentement la tête en signe de ses bonnes intentions.


*

L'heure de la retenue qu'avait eu Harry arriva rapidement. Il entra sans un mot dans le bureau de Rogue lorsque ce dernier l'invita à entrer et il se posta devant le bureau, attendant les ordres. Il devait avouer être surpris de ne pas trouver l'habituelle pile de chaudrons à récurer.

Severus prit son temps pour faire une pile nette des parchemins sur son bureau avant de relever la tête vers Harry et de lever un sourcil interrogateur.
- Et bien ? Asseyez-vous.

Harry obéit avec précipitation, restant silencieux. Severus soupira, et secoua la tête.
- Je crois que je vous préférais quand vous tentiez de résister et que vous me teniez tête... Votre docilité soudaine est légèrement frustrante.

Les yeux de Harry s'écarquillèrent et il ouvrit la bouche avant de la refermer brusquement. Severus soupira et se laissa aller en arrière dans son siège, avant de se passer la main sur le visage.
- Vous n'êtes pas en retenue ce soir, Monsieur Potter. J'avais besoin de vous... de te parler.

Harry se pencha en avant, douloureusement attentif. Il avait noté le passage au tutoiement de son professeur et il se demandait ce que ça signifiait. Severus soupira et fixa un point dans le vide avant de se perdre dans ses pensées, tout en commençant à parler.
- Je voulais te raconter comment j'ai rencontré ta mère...
L'adolescent émit un gargouillis étouffé, mais son professeur n'eut aucune réaction, perdu dans ses pensées. L'homme eut un sourire doux, incongru sur son visage, et soupira une fois de plus, semblant épuisé.
- Lorsque je l'ai vu la toute première fois, j'ai décidé que Lily Evans était un ange. Nous avions... huit ans peut être, et nous nous sommes rencontrés dans un parc de notre quartier. Nous habitions dans la même rue, à Carbonne-les-Mines. Si moi je ne l'avais jamais vu, Lily me connaissait. Tout le monde avait entendu parler de la famille Rogue... Mon père était un... salopard violent et alcoolique.

Severus se tut un instant puis haussa les épaules.
- Peu importe mon enfance. Ta mère s'est mise à me rejoindre à chaque fois, pour me parler. Parfois, elle m'apportait des friandises, parce qu'elle savait que je n'en avais pas chez moi. Elle... Bon sang... j'ai tellement essayé de la repousser au début, mais elle a réussi à se faire sa place près de moi et nous sommes devenus les meilleurs amis du monde. Je crois que tu as hérité ça d'elle, cet entêtement, cette volonté de faire ce que tu as décidé sans jamais abandonner, malgré les obstacles.


Harry retenait son souffle, et ses yeux brillaient. C'était la première fois que quelqu'un lui parlait réellement de sa mère. Il savait juste qu'il avait ses yeux, mais personne ne semblait s'attarder sur son caractère, sur la femme qu'elle avait été. L'histoire avait retenu d'elle ses yeux verts et son sacrifice pour son enfant...
Inconscient des tourments de l'adolescent, Severus secoua la tête.
- J'ai eu peur que notre répartition à Poudlard change les choses, mais Lily m'avait promis que ça ne changerait rien. Et elle a tenu parole au début. Elle a continué à me parler, sans se préoccuper des critiques. Je crois que c'est à ce moment que je me suis rendu compte que j'étais tombé amoureux d'elle quelque part. Désespérément amoureux, et... comment aurais-je pu avoir la moindre chance avec cet ange tombé du ciel ? Cependant, j'ai repoussé son amitié de la pire des façons lorsqu'elle est venu me défendre des blagues cruelles des maraudeurs. Je l'ai insulté... J'ai volontairement prononcé des mots terribles qui ont brisé net notre amitié. Lily était entière, et elle ne m'aurait pardonné que si j'avais été lui faire des excuses en personne. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de le faire et elle est morte en pensant que... Elle croyait que j'avais la même opinion que les Mangemorts à son sujet.

Il y eut un long silence, et Severus secoua lentement la tête.
- Le jour de sa mort, je suis entré dans cette maison maudite et j'ai tenu son corps encore chaud dans mes bras. Tu étais à côté et j'ai juré à ta mère de te protéger quoi qu'il arrive. Jusqu'à présent, je pense que j'ai failli à ma promesse, parce que j'étais aveuglé par mon ressentiment envers ton père. Je crois qu'il est temps que j'oublie le passé et que je respecte enfin entièrement ma parole.


Prompt de demain : Giroflée

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