Episode 38

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-Quartiers riches de BERLIN-

*Pdv Harry*

Elle est encore venue aujourd'hui.

Deux jours sont passés depuis mon incident dans la salle à manger et nous ne nous sommes pas reparlés. Ce qui est nouveau depuis trois jours c'est sa présence constante dans mon bureau à la même place et position sur mon sofa de bureau. Une petite routine s'est installée depuis, chaque matin après avoir aidé Théo pour ses besoins du matin, elle le confie à John pour le conduire à l'école et viens me rejoindre dans mon bureau avec le même livre chaque jour. Elle s'installe confortablement dans mon sofa, se plonge dans sa lecture et moi j'essaie de me concentrer sur mes dossiers inutilement. J'ai pris du retard et ma nouvelle secrétaire ne cesse de me le rappeler mais comme je m'en contre fiche. Le seul moment où elle se lève et sort de mon bureau c'est pour revenir et me ramener un verre de thé, de jus ou de vin en fonction de l'heure. Elle est encore plus belle chaque jour qui passe.

Aujourd'hui elle porte une magnifique robe blanche avec des imprimés fleuris jaune sans manches. C'est la première fois qu'elle dénude ses bras en ma présence depuis longtemps. J'ai l'impression que ça fait des siècles que je ne l'ai pas touché, mes doigts me démangent de le faire mais je sais qu'elle n'est pas prête alors je me retiens et j'attends. Ce soir sera sa première sortie pour aller rencontrer son psychiatre, une femme que je me suis assurée de choisir. Ça ne sera pas facile mais je serais avec elle.

J'ai envie de lui parler.

Cette envie ne cesse de grandir chaque jour un peu plus et j'ai de plus en plus de mal à me retenir. Je me dis que peut-être me confier à elle lui permettra aussi de s'ouvrir un minimum à moi. Qui sait ?

-Je... commence-je incertain par quoi commencer. Je respire un grand coup et laisse ma langue piloter mes aveux en espérant qu'elle ne me fasse pas défaut cette fois. Mes parents sont morts quand j'étais très jeune, pas aussi jeune que Théo mais trop vite pour l'enfant perdu que j'étais. Je la vois du coin de l'œil fermer et poser son livre sur la table basse avant de pivoter pour reposer ses pieds sur le sol, mains croisées sur ses genoux pour m'écouter. J'ai eu l'impression de confondre le nord et sud, l'est et ouest, vice-versa. Je me sentais abandonné et trahis par la vie à chaque fois que je recevais un coup de la part de mon tuteur à l'époque. Mon oncle est une ordure qui m'a causé nombre de traumatisme et le jour où je m'en suis débarrassé a été la pause tant attendue dans mon parcours contre mes malheurs. Je me suis toujours demandé pourquoi il me battait alors qu'il n'a jamais été violent du temps où mes parents étaient encore en vie et ce qui fait encore plus mal est de ne pas avoir de réponses même aujourd'hui. La nature m'avait tout enlevé, mes simples joies, mon bonheur et surtout mon équilibre. Je continuais à agir normalement avec lui en me disant que je faisais surement mal les choses. Je gardais ma peine en moi comme si rien ne se passait mais au fond de moi, la douleur que je ressentais était indescriptible Nina. C'est comme devoir vivre avec une balle sous la peau, ressentir la douleur, savoir qu'elle est là et ne jamais pouvoir la retirer parce qu'elle risquerait affecter gravement notre santé. Mon mental était dans le noir à cette époque, je ne parlais plus, un peu comme toi en ce moment. Dis-je en la regardant dans les yeux cette fois. J'étais livré à moi-même à cette époque, je portais des pulls même par les journées de grande chaleur pour cacher les bleus beaucoup trop visibles sur mon corps. C'est pitoyable mais pour un jeune de mon âge, mon seul but était d'atteindre la majorité minimum requise, pour quitter cet homme qui ne mérite pas le statut d'oncle parce qu'il ne se sait pas ce que c'est une famille. Il m'arrive de me demander si j'aurais construit cet empire, si je serais là où je suis aujourd'hui s'il n'y avait pas eu toute cette rage au fond de moi. Peut-être que j'aurais été employé dans un pub qui sait. Tout ça, c'était beaucoup trop lourd pour mes épaules mais je m'accrochais du mieux que je pouvais, je bossais, je continuais, j'apprenais un peu de tout, pour m'en sortir, je me suis construit sans personne vers qui tendre la main, le seul ami que la vie m'ait donné est Louis. Il est mon frère, c'est grâce à lui que j'y suis arrivé. Il a même contribué financièrement à la création de Devy Holding, il possède aussi quelques actions mais les affaires ne l'intéressent pas alors je me contente de travailler pour deux et de lui reverser son dividende chaque fin de mois. J'étais un beau raté avant qu'il m'aide, à des moments j'explosais et je devenais incontrôlable mais il arrivait à me canaliser, souvent en me donnant un ou deux coups mérités pour que je me ressaisisse. C'est quand même fou, j'ai même pensé que je ne méritais pas de vivre, que la vie me punissait pour quelque chose que j'avais peut-être fait. Mon oncle m'a ravagé et le mot est peu pour décrire mon état à ce moment-là de ma vie. Encore maintenant il essaie de me la pourrir mais la différence d'hier, j'ai du pouvoir aujourd'hui. Ma réputation est beaucoup plus établie que la sienne dans notre domaine. Oui on porte le même nom de famille mais il ne sera jamais de mon cercle proche, plus jamais. Avec la naissance de Théo, j'ai brisé pour toujours ce miroir mensonger qui me présentait une version heureuse de vie entre mon oncle et moi. Avoir mon fils a été l'évènement le moins attendu et le plus bénéfique pour me sortir de ma léthargie mentale. Depuis, je refuse tout ce qui pourrait échapper à mon contrôle et ce que je n'arrive pas à saisir je le détruis mais avec toi tout est différent. Tu me fais revoir ma manière de pensée. Je ne contrôle plus rien mais ce n'est pas totalement dérangeant, étrangement. Avec toi, je découvre une autre facette de moi, ou plutôt je reprends contact avec la version de moi qui croyait encore à la vie. Le Harrison du temps où ses parents vivaient toujours. Je ne sais pas gérer ça mais ça me fait du bien. Tu me fais du bien. Termine-je toujours plongés dans le sublime de ses iris.

Tu es surement la dernière chance qu'il me reste de croire en la vie et ce qu'elle a de bien à donner.

Naughty Harry, débuts de la passionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant