4 | On a un problème

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CECILIA

J- 55

00h31

Villa Mercurio, quartier Trastevere, Rome, Italie

   

— Surveille l'entrée. Ils vont arriver d'une minute à l'autre.

Diego hoche nerveusement la tête et s'empresse de déguerpir vers l'entrée de la villa. Je le regarde partir et me retourne vers le jardin intérieur, baigné dans l'obscurité paisible de la nuit italienne. La petite fontaine, au centre, crachote de l'eau et le bruit régulier finit par m'apaiser. Je savais que c'était une mauvaise idée de nous confier le business. Julia était ravie ; moi beaucoup moins.

Toute la soirée, j'ai redouté que ce qui vient de se passer n'arrive. Je savais que c'était dangereux de prendre aussi peu de précautions que d'habitude alors qu'ils n'étaient pas là. Mais bien sûr, elle ne m'a pas écouté et n'en a fait qu'à se tête. Et aujourd'hui, elle aurait pu mourir. S'ils avaient été dans l'autre camion, celui qui n'est pas blindé, elle aurait peut-être explosé en même temps que la grenade dont elle m'a parlé.

Je repousse cette idée dans un coin de ma tête et traverse le péristyle en sens inverse pour regagner la salle à manger. La chaleur du feu de cheminée qui brûle dans l'âtre caresse doucement la peau nue de mes bras. Je ne dois pas m'en faire. Livio et Ezio sont avec elle et je sais qu'ils sont prêts à donner leur vie pour la protéger. Mes pas me portent inconsciemment vers l'immense divan qui fait face au foyer crépitant et je me pelotonne dedans. Quand elle rentrera, je vais la tuer de mes propres mains pour avoir été si insouciante.

La villa est trop calme pour une heure aussi précieuse. Une heure où les rues du quartier se vident enfin et où il est plus facile de passer inaperçu, à l'ombre des maisons, dans les ruelles colorées. « La meilleure cachette, c'est sous leur yeux car ils oublieront toujours de chercher à cet endroit. On ne peut accepter l'évidence. ». J'avais mis du temps à comprendre le sens de ses mots mais aujourd'hui je comprends mieux. La villa sers de planque depuis bientôt cinq ans et personne ne nous a jamais trouvé. Et sans les deux inconnus et leur grenade, personne ne nous aurait embêté à une heure aussi noire de la nuit.

Auriez-vous remarquez, alors que vous vous baladiez dans les ruelles verdoyantes et festives du quartier, cette villa à l'entrée sobre, à la massive porte rouge, aux petites fenêtres obstruées par des rideaux ? Auriez-vous vu la jeune Italienne, à l'angle de la maison, sur le banc, qui cache un pistolet sous son gilet ou celui sur le toit, au-dessus de l'arche du porche d'entrée, qui guette vos allées et venues dans la lunette de son M16 ? Auriez-vous deviné que derrière cette apparence de tranquillité, des hommes triaient des fusils d'assaut par modèles, que d'autres vérifiaient la qualité de la cocaïne dans un petit bureau tandis que le reste préparait le prochain casse du musée où vous aimez tant flâner ?

Non.

Non, vous n'auriez et n'avez rien vu de tout ça car vous préférez vous dire que la mafia n'est pas au coin de la rue, en face de votre café préféré, dans cette étroite ruelle illuminé par des guirlandes, derrière ce parterre fleuri de roses rouges. Vous ne cherchez pas à être attentifs car vous ne voulez pas vraiment savoir. Vous ne voulez pas perturber votre vie tranquille par cette affreuse vérité.

Nous sommes là. Partout. Nulle part.

Un bruit de cloche me fait soudain sursauter et je me relève mécaniquement. Je quitte la quiétude de la pièce et reprend mon chemin au travers de l'allée couverte qui entoure le petit jardin. Diego, m'attend là, devant la porte ouverte sur la tranquillité de petite rue, le regard cherchant à tout prix à m'éviter. Je ne relève pas et le laisse fuir ma présence si cela l'amuse. Le bruit d'un moteur au loin me confirme qu'un fourgon est bien en approche.

NÉMÉSIS | LES ROSES DE ROME T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant