35 | Bien sûr qu'on peut trahir sa famille

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J+ 2

15h43

Aux abords de la villa Grimaldi, Agrigente, Italie

      

La Sicile était le terrain de chasse préféré des Italiens à l'égo surdimensionné. C'était un territoire isolé du monde où les criminels se réunissaient en grande pompe, bien loin du danger de la terre ferme. C'était donc également la cachette de prédilection des traîtres. C'est d'ailleurs pourquoi la Sicile était un terrain miné duquel il semblait bien complexe de sortir indemne.

En Sicile, on laissait toujours une partie de son âme.

En haut de cette colline qui dominait Agrigente, tout le monde savait que la maison de Donato Grimaldi était sans doute la zone la plus sécurisée de toute l'île. Les locaux ne s'aventuraient pas au-delà des frontières marquées par les gardes lourdement armés et les touristes ne venaient jamais dans ce coin reculé de la ville où chacun était sûr sans vraiment être sûr que le luxe ostentatoire de la maison était la récompense d'abominations terrifiantes.

Car à Agrigente, en haut de cette colline, on y laissait son âme entière.

Alors, personne n'apercevait jamais des marcheurs dans l'allée sans fin qui menait au portail forgé au travers duquel ne s'enfilaient que d'immenses cylindrées aux vitres teintées. Ce jour-là pourtant, il y avait dans le chemin vers la villa deux hommes qui se tenaient droit comme des piquets, étrangement caché derrière les fourrés depuis de longues minutes.

Leur duo était mal assorti. Il y avait un très grand brun filiforme dont les longs cheveux noirs lui collaient au front et dont le rire contagieux s'était tu depuis maintenant quelques jours. À ses côtés, il y avait cet homme aux cheveux couleur noisette et aux yeux d'un bleu captivant qui ne disaient rien non plus. Ils étaient habillés sobrement, trop peut-être pour sembler vraiment à l'aise.

Les deux surprenants visiteurs étaient cependant tout à fait conscients du fait qu'ils étaient pile en dehors de la portée des caméras qui gardaient l'entrée de l'imposante villa. Ils n'auraient sinon eu aucun intérêt à subir la moiteur des pins et les insectes qui tournaient sans relâche autour de leur visage. Les voir tout d'un coup s'avancer sur le chemin pavé puis se positionner en plein milieu de l'allée, de manière à être certain d'être vu, parut stupide pour quiconque avait un semblant de jugeote.

— Les traîtres doivent mourir.

La voix de celui aux yeux azurs brisa la bulle de silence dans lequel le duo s'était plongé il y a une heure et ses mots résonnèrent jusque dans les pavés de l'allée. Étaient-ils au courant que plus haut, on venait de les repérer sur les écrans et qu'on s'interrogeait d'ors et déjà sur la raison de leur retour ? Certainement au vue du regard sombre du brun quand il se tourna à demi vers son camarade pour répondre.

— Je sais.

Une alarme retentit, alarme que les duo n'entendit pas. Une main se tendit, main que les officiers du poste de surveillance de la villa dévisagèrent sans comprendre.

— Tu branles quoi là, Cal ? Je ne suis pas une fillette qui a besoin de son papa poule !

— Casse pas les couilles et donne-moi ta putain de main, Emi.

Le brun fit sembler d'hésiter mais il était bien content, au fond de lui, d'être aux côtés de ce petit châtain devenu au fil des déconvenues son frère. Il savait bien qu'il aurait depuis longtemps rejoint son père en Enfer si ce dénommé Caleb n'était pas entré dans sa vie. Pourtant, ce grand brun qui cachait sa peur derrière ses sourires dévorants était bien trop fier pour avouer à quel point il aimait son frère.

— Après y en a qui vont encore croire qu'on est plus qu'ami, bougonna-t-il pour masquer son contentement.

S'attendaient-ils à être accueillis par ces hommes qui saisissaient leurs armes les plus meurtrières avec tant de hargne ? Sûrement au vu de leurs doigts qui se serrèrent les uns dans les autres avec l'énergie que seule la peur était en capacité d'offrir.

— T'es prêt ?

— Je suis chaud, mon frère.

Là où on perdait son âme entière, un homme dans un costume indécemment bleu entra dans la pièce aux esprits échauffés par la nouvelle du retour des deux hommes de l'allée. Il jeta à peine un coup d'œil aux écrans qui clignotaient dans tous les sens car tout ce qu'il regarda, ce fut l'allure trop calme à son goût des deux intrus. Sa sentence fut sans appel.

— Préparez-vous à les descendre.

Là où on se préparait à perdre son âme entière, les deux acolytes s'avancèrent d'un pas vers le portail de l'hostile maison, avant de se regarder dans le blanc des yeux une dernière fois.

Fino alla fine, énonça le plus petit.

Oui, une ultime fois peut-être.

E non importa le conseguenze, compléta le plus grand.

S'ils avaient été moins lâches, ils auraient sans doute eu le culot de prononcer ces trois petits mots. Quasi rosa spinam.

    

    

NÉMÉSIS | LES ROSES DE ROME T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant