62 | Le jeu des mensonges

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CECILIA

J+ 9

02h26

Quelque part en mer Méditerranée

  

Je pousse mon hors-bord à son maximum. Le moteur rugit et fonce droit dans les vagues déchaînées de la mer tempétueuse. Je suis trempée jusqu'aux os mais rien n'importe plus que ce bout de terre où se trouve ma moitié. L'orage peut bien m'avaler : je ne vis que pour sentir le souffle de Julia à mes côtés. Sans elle, je ne suis même pas sûre de vivre encore.

Miraculeusement, mon embarcation n'est pas renversée par le courroux de l'océan. J'atteins le rivage sans dommage conséquent et observe ces quelques silhouettes nimbées de ténèbres me rejoindre. J'entends Caleb jurer quand sa peau rencontre l'eau gelée et je ricane de mon côté alors qu'une dose d'endorphine me traverse de part en part.

Je suis tellement soulagée de les retrouver. Famiglia mia.

Le premier à monter à bord est Emilio. Je lui adresse un grand sourire auquel il ne répond pas. Il se contente d'un signe de tête, ses mèches noires dégoulinantes de pluie lui barrant le front. Je décide de jouer l'imbécile et de ne pas poser plus de questions parce qu'au fond, je ne sais rien de ce qu'ils ont vécu ces huit derniers jours.

Caleb est moins avare en démonstration de joie. À peine hors de l'eau, il m'attrape et me sert dans ses bras avec entrain. Je le laisse faire et me blottit contre lui et son torse trempé.

— Je suis contente de te voir arriver, on se pelait le cul sur la plage, me taquine-t-il.

Je plisse mon œil droit et il explose de rire. Sa bonne humeur contagieuse attise un peu plus l'alarme dans ma tête qui me met en garde contre l'air sombre d'Emi. Je baisse le regard et tombe sur le bras du châtain, bras duquel un manche de couteau dépasse. Je pointe la blessure du doigt mais j'ai à peine le temps de formuler ma question, qu'une voix bien familière me devance.

— Laisse tomber, le joint qu'il a fumé lui a mangé le cerveau. Il va te dire qu'il n'a pas mal.

Je saute au cou de ma jumelle qui tangue sous le poids de mon étreinte. Après une seconde d'hésitation, ses mains se referment sur ma taille. J'enfouie mon visage dans son cou et savoure le soulagement intense de la revoir saine et sauve.

Pensavo che non saresti mai tornato.

Elle ne répond rien mais je sens ses ongles qui s'enfoncent dans mes omoplates. Son silence ne m'alerte pas. Je suis tellement heureuse de la retrouver après un temps trop long sans se voir, que j'oublie de la déchiffrer. 

Quand je me décale d'elle, je n'ai rien vu de sa réserve, de sa colère ou de sa douleur. Je lui offre un sourire resplendissant et c'est comme si les rôles s'étaient inversés. Je suis heureuse et je plaisante à tue-tête alors que son sérieux à quelque chose de terrifiant.

Je m'éloigne à regret d'elle et retourne à la barre pour conduire le hors-bord vers le chalutier qui nous attend plus loin. La pluie nous cingle visage et l'orage qui vrombit nous empêche d'avoir une conversation plus poussée. Alors, nous nous taisons.

J'ai l'impression que le retour se fait en une poignée de secondes. Bien vite, le bateau apparaît devant nous malgré des vagues de plus en plus hautes. Des éclairs brillants nous guident sur les flots noirs et j'accoste plutôt bien compte tenu des soubresauts qui font tanguer notre petite embarcation. 

J'indique du bout du doigt l'échelle qui permet de grimper sur le chalutier. Les garçons passent les premiers et j'escorte ma sœur sur le pont, laissant le hors-bord dériver où bon lui semble.

NÉMÉSIS | LES ROSES DE ROME T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant