56 | Sanglante mélodie

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CALEB

J+ 8

20h59

Villa Grimaldi, Agrigente, Italie

    

Je prends soin de ne pas être dans le salon quand ce connard de pseudo-père décide d'allumer la télévision pour regarder le journal d'information de la première chaine du pays et pour voir le très dévoué Lucien Espinariti lui sucer la bite en direct devant des millions de téléspectateurs.

Je m'étale sur les coussins trop rembourrés et les draps trop blancs de cette maison de dégénérés. Le plafond m'offre une compagnie tout aussi bavarde qu'Emi depuis que Julia est dans cette Chambre de malheur. J'en connais maintenant la moindre rainure des planches, la moindre aspérité du bois et j'hésite presque à nommer ce plancher comme mon meilleur ami. J'expire bruyamment quand le son caractéristique de la télévision parvient jusqu'à mes oreilles.

Je sais déjà qu'elle tête il va avoir quand il se rendra compte que l'invitée du jour n'est autre que la femme qu'il détient dans sa putain de Chambre. J'imagine bien la colère qui l'étouffera en comprenant l'entourloupe ; ou du moins son apparence. Je connais la rage qui déformera ses traits quand il comprendra que le cache-œil est un message qui lui directement adressé.

Il sait que celui de Julia était inutile et il saura que celui-là l'informe que Rosalia Spinam n'est pas une de ces deux blondes qui se sont partagés le rôle rien que pour ces beaux yeux.

Rosalia Spinam n'a jamais été blonde.

Rosalia Spinam ne se serait jamais laissé enlever sans se battre comme une furie.

Elle veut qu'il sache que tout ceci est pour lui, qu'il s'est fait baiser par un groupe de connards à peine pubères dont l'humour est – soyons honnête – époustouflant.

J'amène ma roulée à mes lèvres et tire une taffe sur mon joint en souriant. L'effet est presque immédiat. L'herbe anesthésie mes sens et mes pensées et m'offre un répit à la réalité, une espèce d'alternative plus simple à supporter que la lâcheté qui me dévore.

Je ferme les yeux en attendant un vase s'écraser à l'étage inférieur. Je veux être ailleurs quand Donato entrera dans cette pièce avec la ferme intention de me faire regretter de vivre encore. Je ne veux pas ressentir la douleur quand je devrais me laisser malmener pour qu'il évite de s'en prendre à sa prisonnière devenue inutile. Alors ne me jugez pas trop vite. Donnez à un homme qui n'assume même pas qui il est le rôle clé de votre pièce et vous pourrez être certain qu'il arrivera complètement déchiré sur l'estrade.

La fumée nauséabonde envahit ma chambre mais plus rien n'a importance en dehors de cette lueur rouge-orangée au bout de mes doigts qui fait se consumer le bruit des pas lourds dans l'escalier de marbre. Le plafond devient trouble mais quand il se met à trembler, je sais bien que ce n'est pas une illusion de mon esprit.

È il momento di perdere.

La porte sort de ses gonds quand Il Leone, rouge de colère, fait irruption dans la pièce. J'écrase la fin de mon joint entre mes doigts et me lève sur mes deux jambes qui tanguent en réponse à ma petite thérapie par les plantes.

Aucun mot n'est échangé avant que son poing ne percute ma pommette d'un violent crochet du droit. J'encaisse le coup sans broncher, sans émettre le moindre son alors que le goût métallique du sang imbibe déjà ma bouche.

J'essuie mes lèvres sur la manche de mon t-shirt et relève le menton vers cet homme en face de moi, devenu plus démon furieux qu'impassible baron de la drogue. Une drogue dont j'aurais d'ailleurs aimé testé les « bienfaits » si j'avais trouvé sa réserve personnelle. Mais qu'importe, il paraît que la torture procure tout autant de douces sensations.

NÉMÉSIS | LES ROSES DE ROME T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant