26 | Z, le faussaire

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CALEB

J- 34

11h12

Villa Spinam, île inconnue, Mer Ligure

   

— Tu t'en sors, Caleb ?

— Bien sûr. Le premier mail vient de partir.

Elle m'offre un sourire resplendissant auquel je suis incapable de répondre. Du coin de l'œil, je la regarde attacher des boucles dorées à ses oreilles.

— Et pour les caméras ?

Elle relève les yeux dans ma direction alors qu'elle dégage ses cheveux de son visage et je soutiens son regard sans ciller.

— J'ai récupéré un film d'une heure environ.

Deuxième sourire. Cette fois, je l'imite mais détourne rapidement le regard pour surveiller l'avancée du programme sur mon ordinateur. C'est devenu difficile de soutenir son regard trop longtemps maintenant que je sais quel genre de bête cruelle elle peut être. Je pensais avoir tout compris de Rosalia Spinam mais la déconvenue de Gênes m'a montré que je ne savais encore rien de la femme qu'elle était ou de l'enfant qu'elle avait été.

— Combien de temps pour réactiver l'électricité après le déclenchement du protocole incendie ?

Elle passe les bras dans un holster en cuir aux boucles métalliques et le fixe sur sa chemise blanche au col ouvert et je suis incapable de ne pas l'observer faire. Il y a quelque chose de magnifique dans sa façon d'être si dangereuse.

— Vingt-cinq minutes.

Elle grimace puis fait quelques pas dans ma direction. Je lui ouvre l'onglet correspondant pour qu'elle puisse elle-même lire la conclusion des recherches qu'elle m'a demandé d'effectuer et retient ma respiration quand elle se penche vers moi et que son parfum inonde mes sens.

— Tu as moyen de le retarder ?

— Ça risque d'être compliqué. Il me faudrait des jours pour reformater le programme sans me faire repérer.

Je ne sais pas exactement pourquoi mon corps réagit comme ça à sa proximité. Je n'arrive pas à savoir si c'est parce que je suis terrifiée par cette femme ou parce que je n'arrive pas à oublier à quel point elle me fascine.

— Il vaut mieux rester prudent, alors, reprend-t-elle, sa voix vibrant avec douceur dans mes tympans. Bon travail, Caleb.

Je hoche la tête en réponse à ses félicitations et la laisse prendre l'initiative de s'écarter de moi. Je referme mon ordinateur et le pousse dans un coin de l'immense table de bureau de Rosalia. Je m'étire les cervicales et tends mes bras devant moi pour détendre toutes mes articulations. Le bruit d'un chargeur qu'on enclenche sans difficulté m'oblige à faire volte-face et à dévisager la grande Italienne qui se tient devant moi, un Glock en train d'être glissé contre ses côtes. Un flash de notre soirée au théâtre me parvient brutalement mais j'essaye de l'effacer au plus vite car je ne veux pas me rappeler qu'Emilio et moi nous sommes aussi des traîtres à notre famille.

— Une arme, carrément ?

— Le père d'Alexander est un original, se justifie-t-elle avec une moue innocente.

Elle ne précise pas sa pensée et me laisse avec mes questions comme seule compagnie. Dans la bouche de Rosalia, le mot « original » peut tout aussi bien signifier criminel de guerre que simple artiste un peu trop frivole. Elle pousse la lourde porte et s'engage dans le couloir, non sans avoir vérifié que j'étais prêt à la suivre.

NÉMÉSIS | LES ROSES DE ROME T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant