57 | Blessure narcissique

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EMILIO

J+ 8

23h32

Villa Grimaldi, Agrigente, Italie

    

On aurait presque dit que j'étais jaloux.

Je n'aurais pas dû lui poser cette question hier. Il a réussi à ce que je ne me dégoute plus. Voilà. Une phrase pour me faire comprendre pourquoi, moi, je n'aurais jamais aucune chance, non pas que j'en veuille. C'est juste que... non, je ne sais pas. J'aurais préféré ne pas savoir, je crois.

En fait, je regrette surtout de lui avoir rappelé ce qu'elle a vécu.

Perdu dans mes pensées, je manque de me manger le mur du couloir que j'arpente à la recherche de cet introuvable Caleb et son air de débile profond. Il devait m'attendre dans la grande salle à manger quand le Lion sortirait de l'arène mais voilà que Grimaldi est parti depuis un bon moment et que mon frère n'est toujours pas venu. Si ce trou du cul s'est endormi sans penser à mettre un putain de réveil, je jure que je le tues de mes propres mais.

Il a réussi à ce que je ne me dégoute plus. Je marche. Il a réussi à ce que je ne me dégoute plus. J'avance. Il a réussi à ce que je ne me dégoute plus.

Cette fois, je réagis trop tard et percute une porte entrouverte de plein fouet, l'angle tapant mon front sans retenue. J'étouffe un juron, recule brusquement comme si je venais de croiser le diable et porte la main à mes tempes dans l'espoir d'empêcher une bosse de se former.

— Va au diable Julia Palazzi, craché-je à cette maudite porte.

Je déteste penser à elle, je déteste ne penser qu'à elle.

Je m'apprête à faire demi-tour quand un bruit sourd attire mon attention. Je fais volte-face, revient sur mes pas en jetant des coups d'œil de droite à gauche. Le bruit étrange se reproduit et me permet d'affiner ma recherche. Finalement, je reviens auprès de cette foutue porte et j'en écarte le battant, un mauvais pressentiment au bout de la langue.

L'odeur métallique du sang est la première à m'accueillir. J'avise une masse sombre recroquevillée au sol qui tente de bafouiller ce que j'imagine être un appel au secours. Quand je comprends que c'est Cal, je me précipite vers lui et m'accroupis brutalement à ses côtés.

— Cal ! Regarde-moi !

J'attrape son cou sans ménagement et presse mon index sur sa carotide, cherchant son pouls comme un dément. Il n'est pas mort mais il semble bien mal en point puisqu'il est incapable d'ouvrir les yeux et, alors que je soulève sa tête pour l'asseoir contre le mur, je sens un liquide poisseux se répandre sur mon pantalon.

Je baisse les yeux et découvre l'affreuse entaille qui découpe le bras de mon frère. Le manche du couteau est encore planté dans la faille. Je sens son souffle devenir plus faible à chaque expiration. Mon propre cœur s'affole. Je ne sais pas comment je peux l'aider et la culpabilité commence à me ronger. J'aurais dû être là. Putain, pourquoi est-ce que je n'étais pas là ?

Je déchire mon t-shirt et presse le bout de tissus sur la plaie de son bras qui n'a pas l'air de vouloir se calmer. Le coton devient rouge dans la seconde et son sang se répand sur mes mains, chaud et visqueux à mesure que je confectionne un garrot de fortune autour de son biceps.

C'est de ma faute.

— Bordel, Cal ! Je t'interdis de me laisser tout seul !

Je le secoue dans tous les sens en priant pour qu'il reste avec moi. Mes doigts s'impriment dans la peau de son bras défiguré comme si j'avais le pouvoir de revenir en arrière et d'éviter tout ça. Tu parles d'un plan sans risque !

NÉMÉSIS | LES ROSES DE ROME T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant