19 | Entrer ou sortir ?

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EMILIO

J- 48

16h56

Villa Spinam, île inconnue, Mer Ligure

  

Le retour à l'école s'opère en douceur. Rosalia ne nous a pas encore convoqués à l'une de ses nouvelles lezione, préférant nous laisser le temps de nous familiariser avec la maison et ses occupants. J'ai passé une après-midi entière enfermée dans la spacieuse cuisine avec Regina à préparer le repas du soir, une autre avec Caleb au bord de la piscine à ressasser le passé et à s'interroger sur l'avenir comme deux mecs défoncés. Marco nous a acheté quelques vêtements et a même pris le temps de nous faire visiter la propriété et tous ses recoins secrets. C'est comme si une nouvelle famille nous accueillait, comme si vous étions enfin les bienvenues quelque part. Je trouve ça déconcertant.

Rose nous a également fait faire le tour de l'île avec Cal. Nous avons escaladé le terrain, par-delà la forêt dense de l'imposante colline, pour découvrir les secrets d'un lieu qu'elle connaît comme sa poche. Nous avons trouvé la source abandonnée, le chêne centenaire enraciné sur la berge opposée ou encore le petit temple grec dédié à je ne sais quelle déesse inconnue. C'est là que j'ai compris que la villa est le seul véritable bâtiment de l'îlot. C'est le bout du monde et nous sommes coincé ici avec une putain de famille bien trop sournoise pour que j'ai confiance en elle.

— Emi ?

Je tourne la tête vers Cal, allongé dans l'herbe comme une fillette se prenant pour une princesse. Je baille, tiré de mon sommeil à mon insu et cligne des yeux quand le soleil me brûle la rétine.

— Ouais ?

Ma voix est pâteuse et je me redresse pour mieux m'étirer. J'en profite pour insulter de deux ou trois jurons bien sentis l'abruti qui me sert d'ami, alors qu'il n'est qu'un traître qui vient de me sortir d'une sieste divine.

— Tu penses qu'on a bien fait ?

Son ton sérieux me fait passer l'envie de me continuer à me moquer de lui. Je le dévisage, les yeux plissés, et il n'est bon qu'à me rendre mon regard, le visage fermé et le sourire froid. C'est là que je comprends qu'il a peur.

— C'est trop tard pour avoir des regrets de toute façon, réponds-je aussi gravement que lui-même si je ne suis pas certain d'avoir bien compris le sujet.

Il attrape une touffe d'herbe fraiche et la déchiquète lentement entre ses doigts. S'il décide de piquer une crise de panique là maintenant, je jure de me tirer en courant et de me venger de son abandon sur le bateau qui nous a amené ici.

— Mais tu n'as pas peur ? m'interroge-t-il.

Je ne sais pas si nous parlons de la même chose mais peu importe la discussion, la réponse est évidente.

— Je suis terrifié, Caleb.

Nous n'avons aucune garantie : nous sommes des putains de funambules sans filet de sécurité. Si Grimaldi nous met la main dessus, nous sommes des hommes morts ; si Rosalia se fout de notre gueule avec son plan, nous sommes des hommes morts ; si je décide d'être aussi con que d'habitude et de tout faire foirer, je condamne Cal à être un putain d'homme mort. RdR Gang nous offre leur protection mais ont-ils seulement les moyens de vaincre Grimaldi ? Ils ont résisté jusque-là parce que ce fils de pute ne connaissait pas leur existence mais quand Rosalia déclenchera sa putain de bombe, qu'adviendra-t-il ? Sommes-nous du côté des vainqueurs ou, au contraire, dans celui des perdants ? Je veux juste bien choisir mon camp avant de lancer la partie.

Il est hors de question que je meurs après avoir si peu vécu.

Je m'éloigne de Caleb et ses idées noires qui me font remettre le monde entier en question. Je ne suis pas assez courageux pour lui dire que tout ira bien. Il ne faut pas faire de promesses qui ne seront peut-être pas honorée. Je percute Regina alors que je traverse la salle à manger.

NÉMÉSIS | LES ROSES DE ROME T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant