34 | Dernier acte ?

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J- J

14h28, deux minutes avant l'explosion

Galerie Borghèse, Rome, Italie

   

Il y avait parfois des après-midi comme celle-là qui finissaient mal. Des soirées qui se passaient dans les regrets. Des nuits qui vivaient dans le tourment des remords. Des matinées qui goutaient la saveur de la peur. Puis venaient les après-midi qui trempaient dans la terreur des Enfers.

Les ordres hurlaient dans les tentes entre les hommes et femmes qui faisaient de leur mieux pour réprimer leur incompréhension alors qu'ils enfilaient la tenue noire de leurs interventions. Les drones vrombissaient entre les arbres de parcs alors que les voitures et les sirènes criaient quelques mètres plus bas. Les voitures se succédaient sans fin devant les portes résolument fermées de la galerie Borghèse. Le monde était, en cet instant, en ce lieu précis, en proie à la folie des Hommes que savouraient tant les Dieux de l'Olympe.

Dans la tente principale, le chef de la cinquième brigade et celui de la sixième tentaient tant bien que mal de s'accorder sur la marche à suivre. Les négociateurs ne parvenaient à rien. Les snipers ne voyaient rien. Pire, les officiers autour d'eux ne cessaient de tourner la tête dans la tous les sens, persuadés que l'armée allait débarquer dans quelques secondes et dénoncer leurs incompétences. Personne ne savait quoi faire car chacun misait sa carrière sur cette prise d'otage mystérieuse. Il fallait punir les braqueurs mais il était impensable de tuer les otages. Alors chacun s'en remettait à son voisin pour prendre la décision fatidique. Et chaque voisin s'en remettait à son propre voisin.

Pourtant au fur et à mesure du tumulte des discussions et des interventions avortées par les risques qu'elles présentaient, il y eut ce brigadier, là, au dehors, qui pointait son fusil de précision sur l'une des fenêtres du musée qui déclencha la réveil longtemps attendu de la police italienne.

— Chef, une fenêtre vient d'exploser à l'étage ! hurla-t-il dans son oreillette.

Et, sous les yeux ébahis de tous ceux qui avaient accès à la retransmission en direct des drones, une fenêtre explosa bel et bien. Comme ça. Sans raison apparente. Le verre se brisa et se répandit le long des colonnes majestueuses qui soutenaient les murs de la galerie. C'était la première fois de l'après-midi que le silence était le maître des lieux. Il fût d'abord rompu par les respirations trop rapides des policiers puis par les premiers bavardages. Mais pourquoi donc cette fenêtre avait explosé ?

L'homme dans l'uniforme le plus décoré de la pièce se précipita près des plans mal étalés sur leur table de fortune. Son collègue le rejoignit et la tension monta d'un cran alors que chacun attendait enfin la décision fatidique. On pouvait rester passif quand il ne se passait rien mais on devait réagir quand le rappel de la violence nous explosait à la figure.

— Les otages sont peut-être en danger.

Pour être tout à fait honnête, ils l'étaient depuis le début. Le chef de l'opération releva la tête vers ses sous-fifres et les dévisagea tour à tour. Il hésitait tellement à donner l'ordre que c'en était risible. Au bout d'une minute qui paraissait interminable, il posa ses mains à plat sur le tas de feuilles, inspira un bon coup et prononça enfin les quelques mots qu'il avait espéré pouvoir retenir encore un peu :

—Nous entrons.

Et c'est en pensant sauver des vies que la police se fit avoir de la plus belle manière qui soit. 

   

Les portes d'entrée sautèrent dans un tonnerre assourdissant, les cris se propagèrent dans l'air dans un tourbillon retentissant et les policiers envahirent le hall d'entrée de la galerie dans une cacophonie renversante. Armes pointées en avants, les grands sauveurs se mirent à courir sur les dalles de marbre mettant en joug les pauvres otages terrifiés qui hurlaient à s'en déchirer les poumons. Dans une cadence quasi-militaire, ils furent bientôt dans le moindre recoin du musée, derrière chaque porte, dans chaque couloir. Pourtant mis à part les pauvres visiteurs enfin au bout de leur peine, il n'y avait personne.

NÉMÉSIS | LES ROSES DE ROME T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant