Embrasse-moi gamine

Chapitre 27 - On s'en fout, gamine

Cela fait quelques jours que, tous les soirs, je rends visite à Erwin pour lui raser sa barbe naissante et prendre soin de lui. Le pauvre qui a perdu son bras droit ! J'ai vraiment de la peine pour lui,  j'ai eu très peur qu'il ne puisse plus partir en mission ou exercer sa fonction de major, mais ce satané blond s'obstine à tout faire exactement comme avant, exactement comme s'il avait ses deux bras. Cette obstination ne m'étonne pas de lui, absolument pas, mais quand même. J'ai parfois envie de l'assommer un coup pour qu'il se repose et qu'il comprenne qu'il ne peut pas tout faire comme avant.

Mes amis m'ont raconté les moindres détails de toute l'opération que j'ai loupée. Je sais qu'il n'y a en fait aucune brèche dans le mur, donc l'apparition de ces titans qu'ils ont tous vus reste mystérieuse et angoissante. Je sais qu'Eren s'est fait kidnapper et qu'il a fallu perdre beaucoup de monde pour le sauver et je sais également que Bertholt, la grande perche sur qui je montais pour m'amuser et Reiner, avec qui j'ai fait un concours d'abdominaux, sont les titans cuirassé et colossal. Je sais aussi que Christa s'appelle en fait Historia et qu'elle cache des secrets, et qu'Ymir, sa prétendante, que j'appréciais bien, s'est avérée être aussi un titan.

De toute évidence, au départ, je n'ai pas cru un seul mot de ce qu'ils me racontaient. C'était tellement gros, tellement incroyable qu'il a fallu qu'Erwin me confirme le moindre de ces propos pour que j'y croie.

Maintenant que j'y crois, et que je suis convaincue que tout ce qu'ils m'ont raconté est vrai, même si ça paraît impossible et insensé, je crois bien que je n'ai jamais eu si peu foi en l'espoir d'une fin heureuse pour l'humanité.

Aussi, au départ, je m'en suis voulu. Pendant tout ce massacre et toute cette agitation, pendant que les soldats se faisaient massacrer et souffraient, j'étais là, proche de Livai, à faire... ça. D'ailleurs, en parlant de lui, depuis que le bataillon est rentré, nous nous évitons comme des aimants répulsifs. J'ai tellement insisté auprès d'Erwin pour engager un kinésithérapeute spécialement pour Livai pour ne plus avoir à le masser qu'il a bien dû accepter. Je ne sais pas si j'aurais été capable d'éviter que ce qu'il s'est passé se reproduise à nouveau.

Enfin, si, je l'aurais évité à tout prix, c'est évident, c'est juste que je ne sais pas si j'aurais supporté de revivre le début de cette scène, de me retrouver dans la même situation, dans cette situation dangereuse. Heureusement que mon cinéma auprès d'Erwin a fonctionné. Je ne sais pas si j'aurais supporté de devoir le revoir de si près à nouveau.

Je suis troublée à chaque fois que je croise Livai et je suis persuadée qu'il cache le même trouble. Ce qu'il s'est passé était... Je ne peux même pas mettre de mots sur ce souvenir doucereux. Je l'ai tellement détesté, à ce moment là, et à la fois... Je suis perdue. Noyée. Je le déteste toujours autant, mais après tout, j'ai eu ma vengeance et il l'a bien compris. Quoi qu'il en soit, je ne peux me sortir de la tête ce qu'il s'est passé cette nuit-là. J'en rêve même la nuit, sans le faire exprès. C'est ancré dans ma mémoire.

Je pense que c'est la même chose pour lui. Pour cette raison précise nous nous évitons comme nous ne nous sommes jamais évités, nous ne nous adressons pas la parole, simplement de brefs regards indéchiffrables. Nous avons réussi à nous ignorer tranquillement jusqu'à ce qu'Erwin ordonne à Livai de se composer une nouvelle escouade, et comme à chaque fois, c'est cette espèce de grande perche de major qui gâche tous mes efforts pour m'éloigner de ce démon de soldat de l'humanité.

Livai a choisi toute ma bande d'amis, tous ces gosses que j'aime bien, et moi avec, ce que je n'ai pas spécialement apprécié. Nous avons alors bien dû nous reparler, rien que pour que je lui demande pourquoi m'avoir choisie dans sa nouvelle escouade, parce que ma surprise et la dépréciation que j'ai eu à l'entente de la nouvelle étaient trop fortes.