Embrasse-moi gamine

Chapitre 9 - Tu sais je...

Je n'ai pas le temps de réagir ou de fuir ou même de crier ma désapprobation que nous atterrissons sur une large branche, juste au-dessus du massacre. Erwin fait un signe de tête à ses escortes qui partent aussitôt en renfort. Je les regarde s'élancer et s'attaquer aux monstres. Le spectacle qui se déroule sous mes yeux me terrifie : il y a du sang partout, du sang qui jaillit à cause de ces monstres, des cris perçants, et des corps qui tombent. C'est terrifiant.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi il y en a autant ? s'exclame Livai, qui atterrit juste derrière Erwin.

- L'une des brigades de surveillance a dû mal faire son travail. Je leur en toucherais un mot plus tard, lui répond le major.

Je m'agrippe à son bras et relève les yeux, tremblotante. Erwin semble remarquer mon inquiétude. Quelques minutes passent, mais rien ne s'arrange : d'autres géants sont arrivés, compliquant le travail de défense des soldats. Mes yeux sont scotchés sur les corps qui se font dévorer. Erwin me tourne vers lui et m'invite à m'assoir contre l'arbre.

- Je reviens. Je pars en repérage. J'en ai pour quelques minutes. Surtout attend moi, et promet moi de ne pas bouger, sinon je dis à Livai de te surveiller.

- Alors là sûrement pas ! S'il reste ici je le pousse dans le vide, je m'exclame un peu trop fort.

Cette mise en garde m'a réveillée de ma torpeur. Plutôt partir me battre contre un titan sans aucune expérience plutôt que rester aux côtés de cet enfoiré qui m'a souhaité la mort pour m'intimider. Le brun m'adresse un bref regard noir, avant de disparaître dans le vide, suivit d'Erwin. Au moins je n'aurais pas eu à le pousser.

Je m'affale sur la branche rugueuse et m'adosse contre la paroi de l'arbre. J'essaye de respirer calmement pour me calmer, et d'accepter la situation actuelle. Je balaie toutes les questions terrorisantes qui m'assaillent l'esprit, du genre "et s'ils mourraient tous, et que je me retrouvais seule contre ces monstres ?" et aussi toutes les hypothétiques réponses à ces questions comme "je ferais en sorte qu'ils ne me voient pas et je me laisserais mourir de faim".

Après quelques inspirations profondes, je me sens un peu mieux. Je regarde de nouveau autour de moi. Plus de trace ni d'Erwin ni du caporal. Nous semblons avoir pris le dessus, mais il y a des dégâts. J'espère de tout cœur revoir mes amis entiers ce soir, autour du réfectoire. Je ne sais pas si je devrais, mais plus je regarde les soldats se battre, plus je culpabilise d'être assise sur une branche à ne rien faire. Il ne te manquerait plus qu'un thé tiens !

Je déteste être inutile. C'est pour cela qu'Erwin m'a fait promettre de rester ici sans bouger. Il sait très bien à quel point je haie me sentir inutile face à une situation critique. J'aime mener les choses, prendre les directives et être au cœur de l'action. Oui, c'est moi ça, San, pas une pauvre faiblarde assise qui ne sert à rien ! Et des biscuits peut être pour mieux profiter du spectacle ?!

Je regarde tout autour de moi pour essayer de trouver une manière de me rendre utile. Repérant un petit groupe au loin qui tentent de venir à bout de deux titans d'environ trois mètres qui balancent des bras lentement, j'admets à contrecœur que ma seule utilité serait de me battre. Je les observe un instant, leurs mouvements, leurs tactiques. Puis, sans vraiment le vouloir, je dégaine mes lames. C'est comme un poignard, d'accord ? Comme un poignard.

J'effectue quelques mouvements avec, tremblotante, puis me regarde dans leur reflet. Je ne suis pas n'importe qui, à la fin ! Personne ni rien, pas même un titan n'a le droit de me faire peur. Et puis merde ! La boule au ventre, je lance mes câbles et me propulse pour me rapprocher du petit groupe. Ils ont l'air de débutants sans énormément de talent, tout comme moi. Ils ne me jugeront pas. J'atterris sur une branche à quelques mètres d'eux, ils me regardent, surpris. Je leur adresse un sourire de désespoir censé les encourager, avant de me mettre à hurler à l'intention du monstre.