Embrasse-moi gamine

Chapitre final - Scouik scouik scouik

Scouik scouik scouik. Ce petit bruit des lames de mes ciseaux devient apaisant, à force. Je vais finir par m'y habituer.

Les dernières branches fraîches tombent dans ma main. Je les porte à mon nez et les renifle longuement. Mh ! Quelle douce odeur ! Ces thés vont être délicieux, vraiment délicieux. Je dépose les dernières branches fraîches que je viens de cueillir avec les autres dans mon petit torchon blanc et les enroule soigneusement.

Avec quoi est-ce que je vais bien pouvoir arranger ces feuilles de thé vert ? Je regarnirais bien la réserve de thé vert simple, nous n'en avons plus beaucoup. Du thé vert au citron, il en reste encore une boîte entière, ça suffit. Ah, je sais ! Du thé vert à la vanille. Nous n'en avons plus du tout, et un vieux monsieur en avait demandé l'autre jour. Voilà : je vais regarnir la réserve de thé vert simple et refaire une boîte complète de thé vert à la vanille.

Avant de pousser la petite porte de l'arrière de la maison, je jette un œil à mon petit jardin secret. Il est si joli ! Entre quelques murs de pierres pour nous séparer des voisins, des petites allées de dalles se croisent, très étroites mais assez larges pour pouvoir y passer, ornées de buissons de toutes tailles et de grands pots de fleurs et de plantes de tous les côtés.

Je referme la porte sur ce beau petit jardin à thé et m'avance dans la chambre. Mon grand lit douillet que j'aime tant est posé sur ma droite, la couverture soigneusement aplatie sur le matelas. Si ça ne tenait qu'à moi, elle serait roulée en boule dans un coin du lit, mais il se trouve que l'homme avec qui je dors est un gros maniaque et ne peut pas s'empêcher de la tirer de tous les côtés pour que le lit soit comme neuf.

A quelques pas sur ma gauche il y a une grande armoire, puis un canapé bien confortable, une petite table, puis une commode, et puis quelques guirlandes de toutes les couleurs que j'ai absolument voulu accrocher au mur pour donner un peu de gaité. Pendant la journée, pas besoin d'allumer : la fenêtre qui donne sur le petit jardin filtre la lumière du jour et éclaire la pièce.

Je m'avance vers une autre porte, qui mène à la cuisine et à la salle à manger. Dans cette pièce, une grande table est posée, entourée de deux chaises identiques, puis d'une dizaine d'autres chaises de toutes tailles, littéralement empruntées à tous les voisins du coin pour permettre à tous mes invités d'assoir leurs fesses aujourd'hui. La cuisine est près de la porte de la chambre, seulement séparée de l'endroit où trône la table par un petit bar. Et derrière ce petit bar, se trouvent un four de maison et quelques plans de travail.

En jetant un œil à l'horloge au-dessus de ma tête, je constate que mes invités vont bientôt arriver.

J'ai si hâte de les voir ! Je me suis faite belle pour l'occasion, j'ai mis une robe toute beige,  je me suis coiffée les cheveux, et j'ai posé un châle blanc autour de mes épaules et du haut de mon corps pour me parer. J'espère qu'eux aussi se seront faits beaux pour l'occasion. De toute façon, s'ils ne se sont pas faits beaux pour moi, je les tape, c'est ce que je leur ai dit dans la lettre d'invitation. Ils n'ont qu'à bien se tenir, c'est à leurs risques et périls.

Je me dirige vers la toute dernière pièce de la maison, mon petit torchon à la main. Cette toute dernière pièce, c'est la boutique. Un vrai petit paradis. Une vitrine de verre donnant sur la rue, derrière laquelle sont posés des tableaux noirs avec des prix écrits à la craie dessus, ces tableaux noirs étant posés à côtés de plateaux de tasses et de théières de décoration absolument kitches mais tout à fait adorables.

En entrant dans la boutique, ce que les clients voient, ce sont simplement des étagères remplies de boîtes de thé fait maison, des thés les plus simples jusqu'aux plus complexes, fabriqués par mes soins et par mon fameux collègue, avec qui je ne cesse de me battre pour décider des assemblages et des parfums.