Embrasse-moi gamine

Chapitre 36 - Ouah...

- Ouah... OUAH ! OUAH ! OUAAAH ! je m'exclame, émerveillée face au spectacle qui se tient sous mes yeux.

C'est impressionnant. C'est terriblement impressionnant. Une étendue bleue, brillante, miroitante, à perte de vue, interminable. Un ciel d'eau salée, c'est ça : un ciel qui ne finit pas, d'eau salée et de secrets rôdant dans ses profondeurs.

La mer. La mer promise par Armin, la mer dont il nous a tant parlé, la mer mythique, que nous attendions tous.

Un certain temps s'est écoulé depuis ce jour où Livai a pleuré dans mes bras.

J'ai encore mal au cœur en pensant au son de ses pleurs. Ils sont ancrés dans ma mémoire, je ne peux les effacer, tout comme la fois où je suis allée dans son bureau pour l'appeler caporal pour l'énerver. Le son de ses pleurs sont gravés dans ma mémoire, et ils sonnent comme une peine horrible qui me fait mal au cœur rien qu'en y pensant.

Nous n'avons pas reparlé de ce moment-là. Nous n'en avons pas eu besoin, à vrai dire, je sais très bien ce qu'il s'est passé. Enfin non, pas tout à fait. Oui et non, en fait. Non parce que je ne saurais dire pourquoi ce surnom, Aniki, a semblé lui raviver une vague de souvenirs douloureux, mais oui, parce que ce qu'il s'est passé, c'est tout simplement qu'il a craqué.

J'ai compris qu'il a perdu beaucoup de proches au cours de sa vie de soldat le plus fort de l'humanité. Toute son escouade, beaucoup de camarades du bataillon, Erwin, Kenny, et ces deux-là, Isabel et Farlan, que je ne connais pas. Toutes ces pertes l'ont brisé de l'intérieur, même s'il ne le montre sous aucun prétexte.

Sauf quand il craque. Tous ces souvenirs ont dû refaire surface à cause de la mort d'Erwin, comme la goûte d'eau qui fait déborder le vase. Tout comme la mort de Kenny l'avait fait craquer ce fameux jour, il a eu un surplus d'émotion et n'a pas pu contenir sa peine.

Je ne m'en veux pas d'avoir été là pour lui à ce moment-là, parce que ça doit être vraiment difficile de traverser une telle peine seul. Et puis j'étais largement alcoolisée, j'ai une excuse pour l'avoir pris dans mes bras. Je ne me rendais pas bien compte de ce que je faisais, voilà tout.

Et pour l'avoir embrassé, aussi.

Ça par contre, je ne m'en remets pas. J'essaie, j'essaie de tout mon cœur de ne pas y penser, mais c'est plus fort que moi. Sur le coup, je ne me suis pas rendue compte de ce que je faisais, je n'avais pas du tout pensé aux conséquences que ça m'apporterait après. Alors je l'ai laissé m'embrasser. Mais aujourd'hui, maintenant que ce baiser est passé, je le regrette atrocement.

Je ne cesse d'y penser, et dès que j'y pense, je me sens bizarre, je me sens toute chose, je n'arrive plus à me concentrer. Ça survient en plein entraînement et ça me fait rater mes cibles, ça survient en pleine nuit et je n'arrive pas à me rendormir après, ça survient juste quand je suis en face de lui et ça me rend plus intimidée que jamais.

Et cette faiblesse que la pensée de ce baiser m'apporte, comme les pensées de tout ce qu'on a fait qu'on n'aurait jamais dû faire tous les deux, me met hors de moi. Je ne supporte pas d'être faible comme ça, d'être déconcentrée et perturbée aussi vite, par un simple baiser, c'est horriblement frustrant. Dès que j'y pense, je me sens bizarre et faible, puis tout d'un coup extrêmement furieuse à cause de mon propre ressenti.

Heureusement, nous n'en avons pas reparlé.

Après cet évènement assez triste, Livai est redevenu le Livai incassable qui m'insupporte, qui essaie de me faire obéir sans relâche, qui me cours après pour me crier dessus, qui est tout le temps blasé, qui me nargue et qui me regarde de haut. Bref, le Livai que tout le monde connaît.