Chapitre 28

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Avant

J'en étais à ma troisième tasse de thé lorsque je me suis placé devant la grande fenêtre de mon appartement pour scruter le parking. Oscar ne devait pas tarder à arriver pour qu'on aille à la salle de sport. Ça ne lui ressemblait pas d'être en retard. J'ai scruté mon téléphone pour constater une nouvelle fois que je n'avais pas une nouvelle de lui. Un peu anxieux, j'ai commencé à taper un message.

"Tu ne viens pas aujourd'hui?"

Je n'ai pas eu le temps de l'envoyer. Sa voiture venait d'entrer sur le parking. Il était venu, ça comptait pour moi après tout ce qui s'était passé. La crainte que rien ne soit plus comme avant m'habitait depuis son silence. J'ai pris mon sac et j'ai dévalé les marches de mon immeuble pour me diriger vers sa voiture, une casquette sur la tête. Le mois de mai démarrait dans quelques jours et il faisait déjà assez beau pour ne plus avoir besoin de veste. En m'engouffrant dans le véhicule mon sac s'est retrouvé à mes pieds.

- Salut.

- 'lut. Il a répondu sans me regarder, en redémarrant.

Ses cheveux tombaient un peu sur son visage et comme moi, il était déjà en tenue de sport. Je supposais que ça allait être une séance où nous serions chacun dans notre coin. J'aurai préféré qu'on ne reste pas sur des non-dits mais je me suis contenté de regarder par la fenêtre. En fait je n'étais plus réellement énervé contre lui. J'étais juste... Perdu. On ne pouvait pas vouloir se sauter dessus un jour et se disputer le lendemain. Je ne le supportais pas. J'ai pris une grande inspiration et je me suis redressé sur mon siège lorsqu'on a dépassé l'université.

- Tu sais ce qui serait cool? Maintenant qu'il fait beau on pourrait aller courir dehors.

- Si tu veux.

- Tu n'es pas fâché contre moi? J'ai osé poser la question mais pas le regarder.

Qu'il accepte d'aller dehors avec moi malgré son attitude extrêmement froide m'étonnait énormément.

- C'est toi qui es fâché contre moi.

- Un peu. Mais je croyais que tu l'étais aussi.

- Je l'étais. Je... Isaac, je ne veux pas que tu te fasses une fausse idée de moi. Il a pris une pause. J'ai envie de te partager plein de choses de ma vie mais pas cette partie. Elle est... Pas faite pour toi.

- Tu crois que je ne serais pas à la hauteur de quoi? J'ai demandé en jouant avec mes doigts, je me sentais comme un boulet pour lui.

- Ce n'est pas une question d'être à la hauteur ou pas. Tu as des yeux si... Ils ne méritent pas de voir ça. Ils méritent de l'art, des fleurs, des tonnes de livres et des instruments, des films aussi. Ils méritent de voir le plus beau de ce monde. Pas tous ces gens stupides qui ne veulent qu'entraîner les autres dans leurs chutes.

Sans voix, j'étais touché par la beauté de ses mots et de ses pensées. Il tenait à moi, peut-être un peu trop puisqu'il voulait m'emprisonner dans une sphère idyllique, loin de la cruauté réelle ; mais au moins je comptais pour lui. A cette heure il n'y avait plus personne sur les routes et nous avons pu nous garer sans aucun problème devant la salle. Oscar a retiré sa ceinture et s'est tourné vers moi avec un sourire. Mon cœur a loupé un battement. J'aurai aimé que ce soit pour la manière dont ses yeux brillaient, mais ce n'était que le fruit des couleurs sur sa pommette. J'ai sursauté sur mon siège pour me pencher vers lui.

- Qu'est-ce qui t'es arrivé?

- Oh ça?

Il a apporté sa main à sa joue sans pour autant la toucher, ça devait être douloureux. Ses cheveux l'ont caché tout le long du trajet, je n'avais rien vu venir. Enfin je remarquais que ses phalanges étaient défoncées.

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