Chapitre 35

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Avant

L'angoisse de la page blanche. Je suis resté bloqué devant mon carnet pendant deux journées entières sans écrire un mot dessus. On connait tous ce moment, où on doit absolument écrire, que le temps presse, pour un contrôle, une dissertation, n'importe, mais rien ne sort de notre tête et encore moins de notre stylo. J'ai déballé les derniers cartons, rangé l'appartement, fais le ménage, j'ai même essayé de cuisiner -l'alarme incendie m'a vite fait comprendre que je devais abandonner- mais rien, pas une source d'inspiration. C'était le vide complet. Et c'était la première fois que ça m'arrivait.

Alors je me suis dit, relaxe Isaac, regarde un film. Ça va revenir.

Puis, lis un livre.

Dors un peu.

Fais de la guitare.

Rien. Pas une seule fichue phrase à noter, pas un air correct. Est-ce que ma maigre carrière allait s'arrêter là ? Sans prévenir, d'un coup ? L'idée était terrifiante.

Je pensais à Oscar qui ne me parlait plus et puisque mon vendre grondait de faim je me suis aventuré à envoyer un message pour savoir s'il voulait passer et qu'on commande quelque chose, mais au bout de plusieurs heures sans réponse j'ai compris que ça ne servait à rien de l'attendre. J'ai pris mon courage à deux mains, j'ai enfilé un tee-shirt propre après ma douche ainsi qu'un bas noir et je suis sorti de chez moi pour prendre le bus. Je ne pouvais pas me laisser mourir de faim et j'avais envie de le voir. Toutes mes dernières chansons le concernaient, il fallait qu'il soit la solution.

J'ai poussé la porte de la supérette d'Anne en entendant encore mon ventre râler. Il était là, derrière la caisse, sa chemise rayée et avec son pin qui indiquait son nom. Il parlait avec une cliente en rangeant ses courses dans un sac en papier et j'ai profité de sa concentration pour m'engouffrer dans un rayon. Du riz? Des plats préparés? J'ai jeté mon dévolue sur deux pots de nouilles instantanées et un paquet de bonbons comme ceux que Oscar aimait. En passant à la caisse, il n'y avait plus personne. Le tatoué devait être allé en réserve et j'ai attendu une bonne minute avant qu'il n'apparaisse. Il a presque sursauté en me voyant.

-         'Zaak, qu'est-ce que tu fais là?

J'aimais toujours autant qu'il me surnomme.

-         J'avais besoin de faire des courses. J'ai répondu avec innocence.

-         Tu habites de l'autre côté de la Tamise. Il a roulé des yeux en scannant mes articles, mon mensonge était cramé.

-         Il faudrait que tu passes chez moi après ton service, j'ai un super gros problème de... canapé.

-         Ton canapé tout neuf? Il a répété, dubitatif.

-         Ouais, je crois qu'il est euh... Cassé. Je me suis assis dessus et j'ai entendu un bruit super bizarre. J'ai pas envie de flinguer ma caution alors si t'as deux-trois minutes pour voir si on peut réparer quelque chose...

Il a poussé un léger soupire en passant ses doigts dans ses cheveux. Ça n'allait clairement pas mieux depuis l'autre jour. Je n'avais eu aucune nouvelle depuis plusieurs ou du moins rien de concret. Ses cernes étaient bien trop noires, sa fatigue se lisait à des kilomètres. Ce n'était pas qu'il ne voulait pas me voir mais... Il semblait essayer de fuir.

-         Je finis tard, j-

-         C'est pas grave. Je l'ai coupé avant qu'il ne trouve une énième excuse pour m'éviter.

J'ai bien compris que je ne pouvais rien faire. L'important était qu'il soit au moins en bonne santé. J'ai sorti mon portefeuille dès que le total est apparu.

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