Avant
Toutes mes routes continuaient de mener à lui. Chacune de mes pensées, chacun de mes projets, absolument tout était lié à Oscar d'une manière ou d'une autre et je devais apprendre à reconstruire l'intégralité de mes perceptions et de mes désirs depuis le début. Les choses étaient censés aller de mieux en mieux après ça, parce que la rupture était le point culminant de la douleur. On croit toujours avoir atteint le sommet, que rien ne pourrait faire plus mal et pourtant chaque séparation apporte son lot de leçons, mais il y a également le manque, la perte de confiance en soi, la dérive.
Quand j'étais au collège un professeur qui en avait plus qu'assez de ne pas être écouté par sa classe nous a posé une question du genre "Vous croyez que c'est comme ça que vous allez réussir votre vie?". C'était une phrase super bateau d'enseignant frustré mais sur le moment moi ça m'a fait réfléchir. Quand est-ce qu'on sait qu'on a réussi sa vie? Est-ce que ça se compte au nombre de voiture qu'on possède? A la longueur de notre relation amoureuse? Au succès qu'on rencontre? Est-ce que j'avais réussi ma vie au moment où j'avais tout? J'avais tellement l'impression qu'il y avait autre chose qui m'attendait, la concrétisation de mes projets, l'officialisation de ce qu'on était. Je me situais en permanence dans l'attente et l'anticipation de ce qui pouvait arriver ; à tel point d'ailleurs que j'ai oublié d'admirer ce que j'avais déjà. Je croyais que j'étais trop jeune pour avoir réussi. Maintenant je me dis que l'équilibre que j'avais trouvé était idéal. Pas assez idéal pour durer mais assez pour me rendre heureux.
J'ai revu Oscar, plusieurs fois après cet adieu. La première était par pur hasard, trois semaines plus tard entre deux studios. On allait dans des sens inverses dans un couloir désert et il y a eu ce moment bizarre entre nous où on s'est tous les deux mentalement demandés si on devait se dire bonjour ou s'ignorer, se faire la bise ou juste se saluer de la main. On s'est arrêté au niveau de l'autre et j'ai bégayé un truc du genre:
- T'es beau.
Il m'a regardé de bas en haut. J'ai cru qu'il me jugeait sur ce que je venais de dire mais il a répondu rapidement :
- Bordel, ce que tu me manques.
Il ne nous a pas fallu beaucoup plus de mots pour coucher ensemble. C'était physique, on avait besoin l'un de l'autre. Ça me faisait du bien de griffer son dos, de sentir son odeur et de le sentir rien qu'à moi pendant un moment. On savait pertinemment qu'on allait sur une mauvaise pente donc juste après l'avoir fait on s'est mis d'accord sur le fait que ça ne devait plus jamais se reproduire.
On a fait la même chose deux jours plus tard. Et puis la semaine suivante. Dès qu'on se croisait en fait, même si c'était finalement assez rare. Les problèmes ont démarré quand on a commencé à se faire des SMS pour se retrouver. Les relations sexuelles sont devenues beaucoup plus profondes, on se racontait nos journées, nos doutes, on se rassurait. Evidemment, on cherchait secrètement à recréer doucement ce que nous étions bien plus tôt. Le seul avantage c'est que peu importe à quel point on était énervé contre l'autre on pouvait le faire ressentir dans le sexe. Ce n'était pas une solution.
- Tu sais autant que moi qu'on recommence exactement ce qu'on avait dit qu'on arrêtait. Il a commencé en retirant sa main de ma joue.
- Je sais. Mais je t'aime toujours. Juste un peu de toi, c'est ce que tu chantais, non?
Il se rhabillait en m'écoutant. Je détestais toujours le voir partir. Au fond de moi j'imaginais que c'était une manière de le récupérer, de lui offrir mon corps. J'étais honnêtement assez désespéré pour croire que ça pouvait le convaincre. Malheureusement, Oscar n'était plus ce genre de personne.

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Romance«Fais-le Oscar, ouvre ce message. Non. Ne fais rien. Tu le regretteras. Mais es-tu capable de l'effacer au moins, cette fichue notification? Ou tu vas la laisser traîner encore des plombes, jusqu'à ce que tu en sois complètement dingue?» Après des...